Le roi Roboam. Hans Holbein le Jeune, 1530. Fresque murale de la chambre du Conseil de la mairie de Bâle (Wikimedia).
Comparer la grosseur de son sexe à celui de Salomon
Sébastien Doane | 27 septembre 2021
Connaissez-vous le chapitre 12 du livre des Rois? Il relate la division du royaume de Salomon qui, après sa mort, est divisé en deux : Israël au nord et Juda au sud. Dans le récit de ce schisme important, on retrouve un euphémisme des plus crus.
Salomon, fils de David, était roi pendant 40 ans. Selon le livre des Rois, son règne est marqué par une grande prospérité, une grande sagesse et plusieurs femmes (300 femmes et 700 concubines!). À son décès, le peuple exprime que cette richesse a été bâtie sur leur dos et veulent que son successeur soit moins tyrannique : « Ton père a rendu lourd notre joug ; toi maintenant, allège la lourde servitude de ton père et le joug pesant qu’il nous a imposé, et nous te servirons. » (1 Rois 12,4)
Roboam, fils de Salomon, demande conseil aux anciens qui avaient été au service de son père. Ils recommandent de répondre au peuple par de bonnes paroles. À l’inverse, de jeunes gens, amis de Roboam, l’invitent à répondre : « Mon petit (doigt) est plus gros que le motnayim de mon père! »
Le sens de cette invective dépend de la traduction d’un mot hébreu qui peut signifier la taille, les reins, le pénis ou les organes génitaux. La plupart des traductions francophones choisissent « reins ». Ce choix permet d’éviter de parler de sexualité, mais le rapport entre la grosseur d’un doigt et celle des reins est plus ou moins incompréhensible. Au contraire, la phrase est beaucoup plus claire en traduisant : « Mon petit doigt est plus gros que le pénis de mon père! » Ainsi, le fils est désigné comme plus puissant sexuellement et politiquement que son père.
Ce mot hébreu est aussi employé en Exode 28,42 pour décrire ce qui est caché par les caleçons des prêtres. Notons qu’il est aussi utilisé en Isaïe 21,3 pour décrire les organes féminins d’une femme qui accouche.
Dans le contexte du débat avec le peuple, les jeunes gens veulent que Roboam affirme sa puissance par cette comparaison crue. La suite de la réponse des jeunes invite Roboam à augmenter le joug de son père en remplaçant les fouets de Salomon par des lanières cloutées. Roboam suit la suggestion de ses amis d’affirmer que son joug sera plus imposant, mais il omet la comparaison génitale lorsqu’il parle au peuple (1 Rois 12,14). Le résultat : les gens se révoltent et le royaume se scinde en deux. Sur le plan théologique, ce schisme est la réponse aux infidélités de Salomon avec des divinités étrangères. Sur le plan humain, c’est l’ambition d’un jeune roi voulant être plus tyrannique que son père.
Le lien entre la grosseur de la génitalité masculine et la politique trouve des échos dans le monde moderne. Stormy Daniels, actrice de film pornographique, a publié un livre dans lequel elle décrit l’aspect et la taille du pénis de Donald Trump. Aux temps bibliques comme aujourd’hui, les discours qui mélangent la politique et la génitalité masculine ne sont pas les plus spirituels…
Sébastien Doane est professeur d’exégèse biblique à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval (Québec).