(photo : Edgar Castrejon / Unsplash)
Véganes pour le royaume
Sébastien Doane | 18 février 2019
La publication du nouveau Guide alimentaire canadien souligne l’importance de la consommation de fruits, de légumes et de légumineuses pour la santé. De plus en plus de personnes deviennent végétariennes ou véganes pour des raisons éthiques, écologiques ainsi que pour vivre en santé. Voici quelques lignes pour ajouter un fondement biblique et spirituel à ce choix.
Au commencement Dieu créa… les véganes
Les premiers chapitres de la Genèse affirment que les humains étaient créés véganes. « Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte sa semence ; ce sera votre nourriture. » (Gn 1,29) Bien plus, ce type d’alimentation est aussi celui des animaux qui se nourrissent de la même source : « À toute bête de la terre, à tout oiseau du ciel, à tout ce qui remue sur la terre et qui a souffle de vie, je donne pour nourriture toute herbe mûrissante. Il en fut ainsi. Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon. » (Gn 1,30-31) Des humains et des animaux qui ne consomment que des végétaux, voilà la création telle que le conçoit le poème placé au début de la Bible.
Le deuxième chapitre raconte la création d’Adam et Ève et insiste encore une fois sur le fait qu’ils peuvent manger de tous les arbres d’Éden, sauf celui de la connaissance du bien et du mal (Gn 2,16-17).
Au chapitre trois, l’expulsion d’Éden ajoute du nouveau. Les humains continuent à être véganes, mais ils doivent travailler la terre avec grande difficulté pour se nourrir. Lu du point de vue de la terre, ce récit est injuste. Celle-ci est maudite à la suite d’actions humaines. « Le sol sera maudit à cause de toi! » (Gn 3,17) Même dans le récit biblique l’homme est responsable de la dévastation de la terre!
Au chapitre quatre, sans explications, Abel est présenté comme éleveur de bétail. La consommation de viande semble aller de soi. Ces animaux sont sacrifiés et le Seigneur préfère cette offrande animale que l’offrande végétale de Caïn. Ce n’est pas un hasard que la consommation de viande débute dans un récit marqué par la violence, le sang et la mort.
Véganes pour le Royaume
Après des pages et des pages de prophéties de jugement négatif annonçant destruction et violence, les derniers chapitres d’Isaïe ouvrent vers une époque messianique de paix. Une des plus belles images pour montrer ce renversement est reliée à l’alimentation végétale.
« Le loup et l’agneau brouteront ensemble, le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage ; quant au serpent, la poussière sera sa nourriture. Il ne se fera ni mal ni destruction sur toute ma montagne sainte, dit le SEIGNEUR. » (Is 65,25)
Les animaux les plus féroces et sauvages comme le loup et le lion ne sont plus carnivores. Au contraire, ils broutent au côté des animaux herbivores et domestiqués comme l’agneau et le bœuf. Nous avons vu que ce renversement était également présent dans le récit de la création. Plus largement, ce passage d’Isaïe reprend plusieurs éléments du jardin d’Éden pour évoquer le bonheur et la paix des temps à venir.
Ainsi, l’absence de consommation de viande devient un signe de la venue du messie et de son royaume tout comme il était un signe d’une création idéal. Est-ce que ces passages doivent être interprétés de façons littérales? Je ne crois pas. D’ailleurs, il y a de nombreuses pages de la Bible qui traite de règles alimentaires qui sont complètement mises de côté par les chrétiens. Pourtant, je pense que ce symbole de l’alimentation végane comme une image biblique d’un monde harmonieux peut donner une profondeur spirituelle au choix alimentaire fait par de plus en plus de personnes.
Sébastien Doane est professeur d’exégèse biblique à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval (Québec).