chronique du 12 septembre 2014

Entrer à Jérusalem, assis sur deux ânes en même temps!

Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem
Hippolyte Flandrin, c. 1842

L’Évangile de Matthieu nous propose une scène hilarante. Pour entrer à Jérusalem, Jésus se retrouve assis en même temps sur une ânesse et son ânon! Voici le récit :

Quand ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent près du village de Bethphagé, sur le mont des Oliviers, Jésus envoya en avant deux des disciples : « Allez au village qui est là devant vous, leur dit-il. Vous y trouverez tout de suite une ânesse attachée et son ânon avec elle. Détachez-les et amenez-les-moi. Si l’on vous dit quelque chose, répondez : “Le Seigneur en a besoin.” Et aussitôt on les laissera partir. » Cela arriva afin que se réalisent ces paroles du prophète : « Dites à la population de Sion : Regarde, ton roi vient à toi, plein de douceur, monté sur une ânesse, et sur un ânon, le petit d’une ânesse. » Les disciples partirent donc et firent ce que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l’ânesse et l’ânon, posèrent leurs manteaux sur eux et Jésus s’assit dessus. Une grande foule de gens étendirent leurs manteaux sur le chemin; d’autres coupaient des branches aux arbres et les mettaient sur le chemin. Les gens qui marchaient devant Jésus et ceux qui le suivaient criaient : « Gloire au Fils de David! Que Dieu bénisse celui qui vient au nom du Seigneur! Gloire à Dieu dans les cieux! » (Mt 21,1-9)

Le lecteur d’aujourd’hui ne peut que rester perplexe et se demander pourquoi présenter Jésus à califourchon sur deux bêtes comme dans une scène de cirque. On se doute que l’évangile n’a pas comme objectif d’amuser le lecteur. L’effet qu’a ce texte sur nous n’est certainement pas celui qui était recherché par l’auteur.

Pourquoi s’asseoir sur deux ânes?

Alors que les autres évangiles font entrer Jésus sur un seul âne, Matthieu le représente sur deux à cause de l’interprétation qu’il fait du livre de Zacharie : « Tressaille d’allégresse, fille de Sion! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem! Voici que ton roi s’avance vers toi; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon tout jeune. » (Za 9,9)

Ceux qui fréquentent les psaumes savent que la poésie hébraïque joue beaucoup sur la répétition. Ici, le mot âne est répété, mais il n’évoque pas nécessairement deux animaux différents. Les trois autres évangiles témoignent d’une compréhension de ce texte comme désignant un seul âne, ce qui a beaucoup plus de sens. Pourtant, Matthieu lui voit en Za 9,9 deux animaux distincts. Pour lui, il est si important de montrer que la prophétie telle qu’il la comprenait s’est réalisée, qu’il ne se soucie pas de l’invraisemblance de la scène.

L’essentiel est de voir que pour Matthieu, comme pour les autres évangiles, la scène décrite par le prophète Zacharie est très importante pour comprendre Jésus comme un messie humble. Contrairement aux rois et empereurs de cette époque qui entraient en ville à chevaux dans une parade militaire extravagante, Jésus entre simplement sur un (ou deux) âne(s). Sa royauté est très différente. En fin de compte, le nombre d’ânes est secondaire, l’important est de comprendre le message qui est véhiculé par cette citation un peu maladroite de Zacharie.

Sébastien Doane

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