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Des contradictions dans la Bible?
Après que Moïse ait brisé les Tables de la Loi, qui a écrit les dix commandements sur les nouvelles tablettes de pierre? Dans le livre de l'Exode c'est Moïse (Ex 34,28), alors que dans le Deutéronome c'est Yahvé (Dt 10,4). Y aurait-il des contradictions dans la Bible?
Moïse descend du Sinaï.
(gravure : Gustave Doré)
La Bible comporte des contradictions, et c’est bien normal. Il ne faut pas oublier que les divers livres bibliques n'ont pas été rédigés d'un seul trait par un seul auteur, mais sur presque 1000 ans par des dizaines d’auteurs différents à partir de matériaux accumulés pendant des siècles. Certains livres et passages ont même connu plus d’une rédaction ou ont été remaniés, revus et corrigés.
La Bible, ce n’est pas un livre, c’est une bibliothèque, une collection de livres. On y retrouve bien sûr une certaine unité et elle est très cohérente dans ses grandes lignes, mais comme dans n’importe quelle bibliothèque, il est tout à fait naturel que le contenu de tous les livres ne se recoupe pas parfaitement. Même que ce serait l’absence de contradictions qui serait louche!
Des contradictions et des incohérences dans la Bible, il y en a des dizaines. Certaines sont bien connues, comme celle de la mort de Judas : comment le traître meurt-il? Selon l'évangile de Matthieu, Judas s'est pendu (Mt 27,5), mais selon les Actes des Apôtres, il a fait une chute mortelle au cours de laquelle il s'est ouvert le ventre et ses entrailles se sont répandues (Ac 1,17-18). Autre exemple : combien de couples d’animaux Dieu ordonne-t-il à Noé de faire entrer dans l’arche? Un seul de chaque espèce (Gn 6,19) ou sept pour les animaux purs (Gn 7,2)? Ou encore : lors de la sortie d’Égypte, les Israélites se sont-il libéré de l’esclavage avec l’accord du Pharaon (Ex 13,17) ou en s’enfuyant (Ex 14,5)?
Le baiser de Judas.
(gravure : Gustave Doré)
Certains types de lectures de la Bible tentent de nier l’existence des contradictions. Selon cette perspective, puisque la Bible est la Parole de Dieu, elle devrait être tout-à-fait cohérente dans le moindre de ses détails, non seulement au niveau religieux et spirituel, mais aussi au niveau factuel. Les contradictions et incohérences ne seraient qu'apparentes. Par exemple, comment Judas peut-il mourir à la fois par pendaison et par une chute mortelle? C’est simple : la corde avec laquelle il s’est pendu a brisé, et en chutant il s’est ouvert le ventre! Ce procédé, qu’on appelle l'harmonisation et qui consiste à faire coïncider à tout prix des passages inconciliables, empêche souvent de comprendre l’histoire de la transmission du texte biblique.
La présence de contradictions dans la Bible est due à différents facteurs ayant intervenu au cours du processus ayant abouti au texte biblique tel que nous pouvons le lire aujourd’hui. Déjà le fait que la plupart des récits bibliques ont d'abord été véhiculés oralement avant d’être mis par écrit explique quelques contradictions. Différents groupes ont pu véhiculer oralement un même récit avec des variantes, et lorsque ces traditions indépendantes ont été rassemblées, ça a provoqué des incohérences. Ainsi dans le récit du premier livre de Samuel, c’est le futur roi David qui affronte et qui tue le géant Goliath avec sa fronde (1S 17,23-50), alors que dans le deuxième livre de Samuel, celui qui tue le géant Goliath n’est pas David, mais un certain Elhanân, et ce n’est pas avec une fronde mais avec sa lance (2S 21,19).
Ou encore, pourquoi rapporter une longue généalogie de Jésus en passant par Joseph (Mt 1,1-16), si deux versets plus loin on nous dit que Joseph n'est pas le vrai père de Jésus (v. 18)? Il est probable que deux traditions sur la naissance de Jésus aient circulé de façon indépendante : l'une véhiculait que Jésus était le messie fils de David (c’est-à-dire son descendant), l'autre que Jésus, fils de Dieu, était né d'une vierge. La contradiction ne serait donc apparue qu’à partir du moment où ces deux traditions ont été réunies.
David montre la tête de Goliath.
(gravure : Gustave Doré)
Certaines contradictions peuvent aussi résulter de l’évolution de la théologie avec le temps. C'est le cas par exemple des deux récits de création dans le livre de la Genèse. Dans le récit du premier chapitre, Dieu crée d'abord les animaux, puis les humains ; l'homme et la femme sont créés en même temps (Gn 1,25-27). Le récit du deuxième chapitre témoigne d'une conception plus ancienne, où Dieu crée d'abord l'homme, puis les animaux, et enfin la femme (Gn 2,18-19).
Un autre exemple : dans le plus ancien évangile, celui de Marc, Jésus ne porte pas sa croix, c'est un certain Simon de Cyrène qui s'en charge (Mc 15,21). Mais dans l'évangile de Jean, rédigé une trentaine d’années plus tard, Simon de Cyrène a disparu du paysage, car il est normal que Jésus, le Verbe qui s'est fait chair, porte lui-même sa croix (Jn 19,17).
Bref, lors de la lecture de la Bible, lorsqu’on tombe sur des éléments qui ne coïncident pas entre eux, cela doit simplement nous rappeler que la Bible est le fruit d'une longue et riche histoire religieuse humaine, et qu’il est par conséquent tout à fait naturel d'y retrouver des contradictions et des incohérences.
Chronique publiée en collaboration avec la Société catholique de la Bible (SOCABI).
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