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chronique du 5 février 2008
 

Le récit du déluge 6/6

À la suite de la démarche proposée dans les précédents Feuillets, qui nous a fait explorer le récit du Déluge et son actualisation, je vous propose un texte intégrateur et utile pour votre démarche spirituelle. Voici donc chers amis lecteurs, une brève méditation de Marc Pernot (ernancy.org).

Laisser Dieu sauver le petit Noé en chacun de nous

  Comment est-ce que cette terrible histoire du déluge peut nous apporter quelque chose ?

  On peut lire ce texte, en s’identifiant non pas à Noé ou à une autre personne de ce récit, mais à l’humanité tout entière, chacun de nous étant ici à la fois Noé et tous ses contemporains. C’est comme cela que l’apôtre Pierre comprend le déluge dans sa première lettre : Aux jours de Noé, avec la construction de l’arche, un petit nombre de personnes, c’est-à-dire huit, furent sauvées à travers l’eau. Cette eau était une figure du baptême (1 Pierre 3, 20).

  En effet, si le déluge est une figure de notre baptême, cela veut dire que Pierre invite chacun à s’identifier à l’humanité tout entière qui est plongée dans l’eau au déluge.

  Je vous propose de faire comme Pierre, et de lire ce récit du déluge en vous identifiant personnellement à l’humanité dont parle ce récit.

  La première bonne nouvelle, c’est qu’avec cette façon de voir, Dieu n’est plus méchant et vengeur (dans ce texte). Au contraire, Dieu aime, purifie, sauve, console, bénit chacun, même le plus pécheur des hommes. Et là, on peut reconnaître le Père que nous révèle Jésus Christ. En effet, dans cette lecture où chacun est l’humanité tout entière, personne ne meurt noyé mais c’est la crasse de chacun de nous qui est nettoyée, c’est l’homme mauvais qui est en chacun de nous qui est éliminé. Et c’est donc à chacun qu’est promis ici un nouveau départ, une vie nouvelle grâce au secours de Dieu.

  Nous retrouvons le Dieu qui bénit même celui qui le persécute et le maudit. Car aimer, bénir et faire du bien à l’homme méchant, comme le dit Jésus, c’est aimer l’homme méchant et c’est tout faire pour le voir un jour débarrassé de cette méchanceté qui le tue et qui le rend meurtrier. Le récit du déluge nous parle de cela.

  Le point de départ est une humanité mauvaise à l’exception d’une étincelle de justice qu’est Noé au milieu de l’immense foule d’une humanité méchante. Comment Dieu va-t-il sauver ?

  D’abord en regardant et en aimant. C’est ainsi qu’il trouve ce petit Noé qui est certainement au plus profond de chacun. Elle est parfois bien cachée, cette meilleure part de nous-mêmes, mais elle est là, comme ce petit reste de vie, ou ce petit commencement de vie qu’est un seul Noé pour des milliards de personnes.

  Ensuite, Dieu appelle, il mobilise Noé pour qu’il construise une arche, pour sauver la vie.

  Mais qui est ce Noé essentiel, ou plutôt qu’est ce Noé qui est cette part essentielle de notre être sur laquelle Dieu bâtit notre salut ?

  Toutes les pensées des humains se portaient chaque jour uniquement vers le mal... Mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Éternel. Voici ce que Noé engendra. Noé était un homme juste et sans défaut dans son temps, Noé marchait avec Dieu (Genèse 6, 5,8-9).

  Ce tableau de Noé est évidemment absurde s’il évoque un homme en chair et en os. Il n’existe pas un seul juste, comme le dit l’apôtre Paul, et aucun être vivant en ce monde n’a jamais été « sans défaut », même Jésus ne se considérait pas digne d’être considéré comme « bon » (Marc 10, 17).

  Mais Noé est pourtant décrit comme impeccable, selon le point de vue particulier que l’on appelle la grâce. Dieu se débrouille pour dénicher ce qui est juste dans l’homme. Sa grâce est d’abord dans cette façon qu’il a de nous regarder en gardant le meilleur et en balayant ce qui le désole. Il y a déjà dans ce regard de Dieu sur nous un déluge qui passe pour nettoyer la conception qu’il se fait de nous-mêmes pour garder ce qui est parfait et bon en nous.

  La grâce de Dieu commence par ce regard, mais elle est également active. Dieu cherche à réaliser en nous ce que son regard espère, comme on le voit ici.

  Cette grâce n’est pas réservée à Dieu, elle est aussi une bonne façon de vivre en se faisant grâce à soi-même, en faisant grâce à son frère, sa sœur, en faisant grâce à l’humanité tout entière... toujours en voyant et en construisant sur ce petit Noé qui sommeille d’une certaine façon, au moins en germe.

  Ce récit porte ainsi une théologie du Dieu qui sauve. Il nous propose aussi, en cohérence, une façon de vivre. À l’image de ce Dieu qui nous crée à son image, nous ferons tout pour sauver tout homme, et tout l’homme. Comment aiderons-nous quelqu’un? En l’aidant à mobiliser le meilleur de lui-même, ce Noé, si humain, si juste, si plein de promesse et qui marche avec Dieu. Ce Noé qui est en lui et que peut-être il ne découvrira que si nous le bénissons.

 

 

Chronique précédente :
Le récit du déluge 5/6