Rouleau de la torah (Oleg Ivanov / 123RF)
L’agencement des livres de l’Ancien Testament
Francis Daoust | 7 octobre 2016
Nos traductions modernes de l’Ancien Testament varient non seulement dans le nombre de livres qu’on y retrouve (les bibles catholiques ayant plus de livres que les bibles protestantes), mais également dans l’ordre dans lequel ils sont placés.
La Bible hébraïque présente la structure la plus simple. Elle se divise en trois sections : la Loi, les Prophètes et les Écrits. En hébreu, ces trois parties sont nommées : Torah, Nevi’im et Ketouvim. Employant la première consonne de chaque section (T, N et K), les juifs ont l’habitude de nommer l’ensemble de leurs livres sacrés la Tanak. La Torah correspond à notre Pentateuque chrétien et contient les cinq même livres : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome. La section des prophètes y est divisée en deux parties : les prophètes premiers (Josué, Juges, Samuel et Rois) et les prophètes seconds : (Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et les Douze). Finalement, les Écrits sont séparés en trois parties : les livres poétiques (Psaumes, Proverbes et Job), les Cinq Rouleaux (le Cantique des Cantiques, Ruth, Lamentations, Esther et Qohélèt aussi nommé l’Ecclésiaste) et les livres historiques (Daniel, Esdras-Néhémie et Chroniques). Au total 24 livres séparés en trois grandes sections.
Les choses se compliquent cependant depuis la Septante, cette traduction grecque de la Bible hébraïque, qui commença au 3e siècle avant notre ère afin de répondre aux besoins des communautés juives où l’hébreu était de moins en moins parlé et qui souhaitaient faire connaître leurs écrits au monde hellénistique. Trois changements majeurs surgissent : on divise des livres uniques en plusieurs livres séparés, on ajoute d’autres livres qui étaient absents de la Bible hébraïque et on change de place certains livres de la Tanak.
Ainsi, Samuel, Rois, Esdras-Néhémie et Chroniques deviennent, respectivement, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois, Esdras, Néhémie et 1 et 2 Chroniques. De plus, le livre des Douze petits prophètes devient 12 livres séparés : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habakkuk, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie. 15 « nouveaux » livres qui nous donnent exactement les 39 livres du canon protestant.
Parmi les livres ajoutés, on retrouve les écrits deutérocanoniques : Tobit, Judith, Sagesse, Siracide (aussi nommé l’Ecclésiastique), 1 et 2 Maccabées, Baruch, la Lettre de Jérémie et des additions aux livres d’Esther et de Daniel. Ajouté aux 39 livres mentionnés précédemment et nous voilà avec les 47 livres du canon catholique (ou 46 si on considère la Lettre de Jérémie comme 6e chapitre du livre de Baruch). La Septante contient cinq autres livres qui ne font partie ni du canon hébreu/protestant, ni du canon catholique, mais qui sont reconnus comme inspirés par les chrétiens orthodoxes : 3 et 4 Maccabées, le Psaume 151, la Prière de Manassé et les Psaumes de Salomon. Nous voilà enfin avec les 52 livres du canon orthodoxe. Pour les catholiques, ces cinq livres sont considérés comme apocryphes, alors que pour les protestants, ces les apocryphes s'étendent aussi aux livres deutérocanoniques.
Dernière modification : afin de répondre à un nouvel ordre parfois logique, parfois chronologique, plusieurs livres sont changés d’endroit. Les prophètes premiers deviennent « les livres historiques » et les prophètes seconds, « les prophètes » tout court. Et, entre les deux, on crée une nouvelle section que l’on nomme « la sagesse ». Donc quatre sections comme dans la majorité de nos traductions modernes. Les Écrits de la Bible hébraïque sont disséminés à différents endroits : Ruth, 1 et 2 Chroniques, Esdras, Néhémie et Esther sont envoyés dans les livres historiques; Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques se retrouvent dans la sagesse; et le livres des Lamentations et Daniel atterrissent chez les prophètes. Les livres deutérocanoniques se retrouvent, eux aussi, dans différentes sections : Tobit, Judith et 1 et 2 Maccabées, dans les écrits historiques; Sagesse et Siracide, dans la sagesse et Baruch et la Lettre de Jérémie, dans les prophètes.
Un véritable casse-tête qui nous permet cependant de bien saisir que l’Ancien Testament n’est pas un ensemble monolithique, mais un regroupement de textes composés à différentes époques et n’étant pas tous considérés de la même manière dans la tradition juive et les différentes branches chrétiennes.
Francis Daoust est bibliste et directeur de la Société catholique de la Bible (SOCABI).