Le scribe Shafân présente le livre de la Loi au roi Josias. Léonard Bramer, 1650. Huile sur cuivre (collection privée).
Quel est le livre découvert par Josias?
Hervé Tremblay | 20 novembre 2015
Quel est le livre découvert au temps de Josias en 2 Rois 22? Est-ce que cette découverte fait référence à un événement historique? (Victor)
Le roi Josias (640-609 avant notre ère) est l’un des plus grands rois de Juda, celui en tout cas qui a laissé un des souvenirs les plus vivaces. Son nom est souvent associé à la célèbre réforme deutéronomiste dont les contours demeurent imprécis historiquement et théologiquement, associée d’une manière difficile à préciser avec le livre du Deutéronome. Cette réforme qu’on dit inspirée ou fortement appuyée par le prophète Jérémie semble être la dernière tentative d’un petit royaume qui voit avancer inexorablement les armées babyloniennes apportant avec eux la catastrophe finale de la destruction de Jérusalem et de l’exil en 587.
La découverte du livre
Or, le récit du règne de Josias est dominé par la découverte du « livre de la loi » dans le temple (2 R 22–23). Voici comment les événements sont présentés dans le récit biblique. En la dix-huitième année de son règne (correspondant à l’an 621), le roi Josias ordonne de réparer le temple. C’est alors que le grand prêtre Hilqiyyahu « trouve » un vieux livre poussiéreux. Après sa lecture, le roi, que le texte présente un peu effrayé, va consulter l’une des rares prophétesses de l’Ancien Testament, Hulda, qui confirme l’effort de réforme du roi. Suite à l’oracle de la prophétesse, le roi Josias convoque le peuple, lit le livre et renouvelle l’alliance (2 R 23,1-3); puis le roi agit selon ce qui est écrit dans le livre (2 R 23,4-24) initiant ainsi la fameuse réforme qui a pris son nom.
Mais quel est ce livre?
Même si l’historicité du livre des Rois ne peut être démontrée et bien que le livre soit marqué par une édition deutéronomiste, il n’y a pas de raison de douter de son historicité substantielle. Aussi, la question de l’identité du livre « trouvé » se pose d’emblée, mais il n’y a pas de réponse directe dans la Bible. Le texte utilise l’expression « le livre de la loi » (2 R 22,8.11) ou « livre de l’alliance » (23,2). L’article défini « le livre » semble supposer un livre connu, sinon on aurait dit « un livre ». Y a-t-il moyen de spécifier davantage? Certaines références similaires ailleurs dans la Bible orientent la recherche. On a le « livre de Moïse » (Né 13,1; 2 Ch 25,4; 35,12); la « torah de Moïse » (Jos 8,31.32; 23,6; 1 R 2,3; 2 R 14,6; 23,25; Mal 3,22; Dn 9,11.13; Esd 3,2; 7,6; Né 8,1; 2 Ch 23,18; 30,16); la « torah de Yhwh » (Ex 13,19; 2 R 10,31; Is 5,24; 30,9; Jr 8,8; Am 2,4; Ps 1,2; 19,8; 119,1; Esd 7,10; Né 9,3; 1 Ch 16,40; 22,12; 2 Ch 12,1; 17,9; 31,4; 34,14; 35,26). À partir de ces textes et d’autres comme Dt 28,69 ou 31,24-26 on peut penser que le « livre de la loi » fait référence à l’un des livres du Pentateuque.
C’est Wilhelm de Wette (1780-1849) qui, en 1805, a marqué un revirement dans les recherches sur l’histoire d’Israël, parce qu’il a été le premier à établir un lien entre un document du Pentateuque et un événement précis de l’histoire d’Israël. Selon lui, le livre retrouvé sous Josias n’était autre que le livre du Deutéronome ou du moins une forme primitive de ce livre. Donc, le livre du Deutéronome pouvait être daté plus ou moins de l’époque de Josias. Cette thèse constitue jusqu’aujourd’hui l’opinion commune.
Une nouvelle réforme fondée dans le passé
Le récit du livre des Rois rapporte-t-il vraiment une découverte causée par le hasard ou serait-ce une découverte orchestrée par le roi? Les spécialistes se sont divisés en deux camps. Pour les uns, ce livre et sa découverte sont authentiques; pour d’autres, c’est une pieuse fraude dans un but louable. On a parlé, en effet, de l’allergie des anciens pour tout ce qui était nouveau. C’est que les anciens étaient des conservateurs dont la société ne semblait pas évoluer. Aussi, dans le but de lancer une réforme, il fallait la fonder dans le passé, montrer en quelque sorte que la réforme proposée avait toujours existé et qu’il suffisait de la restaurer. On a en effet d’autres récits de découvertes d’un texte sacré dans un temple en dehors de la Bible. Quoi qu’il en soit de l’approche historique, on peut également analyser la fonction narrative de cette découverte et penser qu’il ne s’est rien passé du tout, que tout est dans un récit voulant justifier une réforme qui n’a sans doute pas passé facilement dans les faits.
Hervé Tremblay est professeur au Collège universitaire dominicain (Ottawa).