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Comprendre la Bible
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chronique du 10 janvier 2014
 

Darwin et la Bible

Darwin et la pomme

Darwin, la pomme et le serpent
Caricature publiée sur LA Progressive.com qui illustre bien que le débat
entre science et Bible est toujours ouvert dans certains milieux (NDLR).

QuestionLa théorie de l’évolution de Darwin est-elle compatible avec la Bible? (Kevin)

RéponseComme j’ai souvent dit dans mes réponses aux internautes, la question est aussi importante que la réponse, sinon davantage, car elle révèle l’angle d’approche ou la conception que chacun se fait de l’objet de son étude. C’est encore le cas ici. Analysons donc d’abord la question dans sa formulation, avec tout ce qu’elle suppose; la réponse deviendra évidente.

     Demander si la théorie de l’évolution de Charles Darwin est « compatible » avec la Bible suppose que la Bible est un ensemble unifié qui enseigne clairement certaines doctrines ou croyances, dans ce cas précis, sur la création du monde. Or, c’est loin d’être le cas. Il y a en effet plus d’une présentation de la création de l’univers dans la Bible. On pense généralement au début du livre de la Genèse, qui en contient deux. On a donc dès le début un problème qu’il ne faut pas sous-estimer ou esquiver trop vite. En effet, il y a fort peu en commun entre ce qu’il est convenu d’appeler le premier récit de la création (Gn 1,1–2,4a ou Gn 1 pour faire vite) et le second (Gn 2,4b-24 ou Gn 2). Pour faire bref, disons que Gn 1 est le récit de la tradition sacerdotale présentant un Dieu transcendant et souverain créant par sa parole, tandis que Gn 2 présente un Dieu immanent façonnant l’univers de ses mains. Mais il y a encore, réparti dans d’autres textes de la Bible, d’autres affirmations sur la création de l’univers qui ne concordent pas ni avec Gn 1 ni avec Gn 2. Il s’agit surtout de Job, des Psaumes et de quelques prophètes. Dans la ligne des cosmogonies babyloniennes anciennes, on y parle du combat primordial entre la divinité ordonnatrice et les forces hostiles du chaos, représentées par le monstre océan (appelé dans la Bible Léviathan ou Rahab) : Jb 3,8; 7,12; 9,13-15; 26,12; 40,25-26; Ps 65,8; 74,12-17; 77,17; 89,10-11; 93,3-4; 104,5-9; 107,29; 148,7; Is 27,1; 51,9-10; Éz 29,3. Une lecture plus attentive de tous ces textes révèle rapidement leur véritable intention. Les allusions mythologiques au combat primordial prient Dieu de dominer les ennemis historiques d’Israël comme il a vaincu le monstre chaotique des origines. Le premier récit de la création en Gn 1 est bien davantage une présentation liturgique de l’ordre actuel du monde, avec la prédominance de l’humain et son devoir de rendre un culte à Dieu. Quant au second récit de la création, il est une méditation sur les trois relations fondamentales entre Dieu, les humains et l’univers qui forme un tout avec les chapitres suivants (le récit de l’Éden Gn 2–4). La conclusion la plus évidente est donc qu’aucun de ces textes ne prétend dire comment l’univers a été créé. De toute façon, on peut se demander comment les hagiographes auraient pu l’apprendre? Nulle part, la Bible ne dit vraiment comment le monde est venu à l’existence; elle dit surtout qu’il vient de Dieu avec une mission et une vocation.

     Du coup, la question de la « compatibilité » entre Bible et science s’en trouve complètement désamorcée. Depuis longtemps, on croyait cette question réglée, chaque discipline ayant son champ de compétence et ne prétendant plus régenter celui des autres. Ainsi, les hommes de sciences ne « font pas de religion » et s’en tiennent à l’empirique et à l’observable, tandis que les biblistes et les croyants se contentent de savoir que l’univers vient de Dieu avec la vocation qui est la sienne, en renonçant de savoir comment il est venu à l’existence – sinon en se fiant à ce que disent les scientifiques! Il n’y a donc pas du tout de question de compatibilité, chacun des domaines enseignant selon le champ qui lui est propre. Encore une fois, il faut se garder de demander à la Bible ce qu’elle ne peut pas donner, de lui poser les questions auxquelles elle ne saurait répondre. C’est lui faire violence et lui manquer de respect. Que les croyants laissent donc la science faire son travail; que les croyants lisent la Parole de Dieu et s’efforcent de répondre à leur vocation dans ce monde créé par Dieu selon son projet.

Hervé Tremblay

 

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