chronique du 15 octobre 2010 |
|||||
Rites de deuil, rites de survieParce que le deuil est une des expériences les plus douloureuses de la vie, nous avons besoin de l'entourer de rites. Sous couleur de refus de la mort, les rites aident à assumer l'absence, à traverser la crise et à supporter l'angoisse. Ils permettent d'exprimer sa douleur, ses croyances et ses espérances. Les psychologues reconnaissent que les rites facilitent le passage à travers les diverses phases d'un deuil. Les rites de deuil étaient-ils aussi importants pour les hommes et les femmes de la Bible que pour nous aujourd'hui? Impossible d'en douter puisqu'on en trouve une cinquantaine dans le seul Premier Testament! En voici quelques-uns. Les rites de séparationCes rites soulignent la distance qui sépare le mort des vivants. À l'annonce du décès, les proches déchirent leurs vêtements (2 S 1,11). Ils s'enveloppent d'un sac (une étoffe grossière) (2 R 19,1-2), ou s'en ceignent les reins (Gn 37,34). Puis, ils se déchaussent (2 S 15,30), enlèvent leur turban (Ez 24,17.23) et se voilent le visage (2 S 19,5). Pleureuses égyptiennes (à droite) Pleurs (Ez 27,30), cris (Mi 1,8), lamentations (Jr 22,18), hochements de tête (Jr 15,5) accompagnent ces rites vestimentaires. On embauche même des pleureurs et des pleureuses (Qo 12,5; Jr 9,16). Le survivant a le droit d'exprimer son affliction et son refus de la mort. De nombreux rites corporels traduisent l'intense chagrin des proches. Le corps est mis à contribution pour exprimer leur douleur (2 S 12,20; 14,2; 19,25; Jdt 10,3). On répand de la poussière sur sa tête (Jos 7,6). On roule la tête (Jb 16,15) ou le corps tout entier (Mi 1,10) dans la poussière. On se couche ou s'assoit dans la cendre (Is 58,5; Jr 6,26). On se frappe la poitrine (Is 32,12), le cœur (Nah 2,8) ou la cuisse (Ez 21,17). On se rase la tête (Jb 1,20) et la barbe (Jr 41,5) et l'on se coupe les ongles (Dt 24,12). Pire : on fait des incisions sur son corps (Jr 47,5), même si une telle pratique est interdite (Dt 14,1). Lévitique 19,28 mentionne également le tatouage, mais pour le prohiber. Le rite alimentaire du jeûne peut durer un jour (2 S 1,12) ou se prolonger jusqu'à sept jours (1 S 31,13), période formelle du deuil (Gn 50,10). Judith poursuit son jeûne pendant tout son veuvage, sauf les jours de fête (Jdt 8,5-6). Les rites de continuationCertains rites de deuil, dont l'hommage, visent à garder un lien avec le défunt. La plus belle louange à un défunt, la plus ancienne aussi, David la chante à la mort de Saül et de Jonathan (2 S 1,19-27). Les rites de compensationLa vie se poursuit malgré tout. En Israël, le repas funéraire demeure le rite principal (bien attesté chez les voisins d'Israël, Lettre de Jérémie 31). Les proches apportaient aux parents du défunt le pain du deuil et la coupe de consolation (Jr 16,7; Ez 24,17.22). Les rites de mémoireCe dernier type de rites conjugue la séparation acceptée et le désir de maintenir quelque union entre les vivants et le mort. Le plus commun de ces rites est celui des signes marquant le lieu d'inhumation (stèle, mausolée, etc.). L'invitation du vieux Tobit à être prodigue de pain et de vin sur le tombeau des justes fait peut-être partie de ces rites de mémoire (Tb 4,17). En effet, il faut probablement y voir une incitation à faire l'aumône en leur honneur. Enfin, la lamentation de Jérémie composée en l'honneur de Josias devint un rite de mémoire, puisque tous les chanteurs et chanteuses d'Israël la récitèrent pendant des siècles (2 Ch 35,25). En fait, n'est-ce pas le propre de tout rite de deuil que de manifester l'identité de ceux qui le pratiquent? Ainsi, dites-moi quels sont vos rites de deuil et je vous dirai qui vous êtes! Source : Parabole, septembre-octobre 2001. Chronique précédente : |
|||||
|
|||||