chronique du 7 mai 2010 |
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Toute autorité vient-elle de Dieu?Toute autorité vient-elle de Dieu? (Moïse, Cameroun) « Car il n'y a pas d'autorité sinon de Dieu », telle est la traduction de Romains 13,1, un passage qui sert souvent de tremplin de justification à n'importe quel type d'autorité tant dans le domaine politique que dans les Églises. Ce passage de la lettre aux Romains a été rendu de plusieurs manières dans nos versions modernes de la Bible. Quoi qu'il en soit, toutes les versions susmentionnées font allusion à l'origine divine de l'autorité. Comment comprendre ce passage? Nous nous proposons de l'interpréter en tenant compte des contextes littéraire et historique de la lettre aux Romains. Le contexte littéraire de Romains 13Un texte extrait de son contexte devient un prétexte. Ainsi, l'expression « toute autorité vient de Dieu », en dehors de son contexte littéraire, peut bien servir de prétexte pour asseoir toutes les formes d'autorité, même les plus oppressives. Il convient donc de préciser le contexte littéraire de cette expression en vue d'éviter une interprétation littérale ou tendancieuse de ce passage. Romains 13,1 appartient à la seconde partie de la lettre, qui commence à partir du chapitre 12. Cette partie, caractérisée par une série d'exhortations, est dite partie pastorale de la lettre. Après les spéculations théologiques des onze premiers chapitres, dominés par les thèmes de la justification et la foi (1–4), la Loi mosaïque (5–8) et l'élection d’Israël (9–11), l'Apôtre inaugure la partie pastorale par un ton tout à fait particulier : « Je vous exhorte donc… » (cf. Rm 12,1). À la différence de la première partie (Rm 1–11) qui énonce des vérités fondamentales sur la doctrine chrétienne, la partie pastorale (Rm 12–16) est composée d'exhortations pratiques qui ne se justifient que par rapport aux circonstances concrètes vécues par la communauté à laquelle l'Apôtre destine sa lettre. Par conséquent, l'exhortation « soyez soumis aux autorités » (cf. Rm 13,1), comme toutes les exhortations à caractère pastoral, devrait être interprétée tout en tenant compte de besoins de la communauté à laquelle elle est adressée. D'où la nécessité de dire un mot sur le contexte historique présupposé par l'expression « toute autorité vient de Dieu ». Le contexte historique de la lettre aux RomainsLe passage qui fait objet de notre réflexion (Rm 13,1) correspond certainement à une situation historique donnée. Quel est donc ce contexte historique? La présence des chrétiens à Rome remonte à l'époque de Caligula qui fut Empereur de l'an 37 à 41 ap. J. C. Quant à savoir comment l'autorité romaine se comportait vis-à-vis des chrétiens, rappelons que l'Empereur Claude, qui a régné de l’an 41 à 54 ap. J. C., avait chassé les missionnaires judéo-chrétiens de Rome vers l'an 48 ap. J. C. (cf. Ac 18,2). L'on sait aussi que plus tard, à l'époque de Néron, les chrétiens seront victimes d'une répression sanglante qui fera beaucoup de martyrs dans l'Église, dont les Apôtres Pierre et Paul. Après l’incendie de la ville de Rome, imputée injustement aux chrétiens, la haine populaire contre les disciples du Christ finira par contraindre ceux-ci à élire domicile dans les catacombes en vue d’échapper à la cruauté de l'Empereur. Bref, les relations entre l'autorité impériale et les chrétiens de Rome avaient connu des moments on ne peut plus désagréables. Toutefois, en dehors de ces faits cruels orchestrés par l'autorité romaine à l'endroit des chrétiens, il y a lieu de signaler que quand Paul écrivait aux Romains, vers l'an 56 de notre ère, l'autorité romaine était moins totalitaire qu'on ne le croirait. En effet, selon certains historiens, à partir de l'an 54 jusqu’à 62, grâce à la présence du Philosophe Sénèque dans la Cour de Néron, l'administration impériale s'était montrée suffisamment bienveillante à l'égard des populations. C'est ainsi que protestant contre les fausses accusations portées contre lui par les notables juifs à Césarée, Paul, confiant à l'autorité impériale, n'hésitera pas à solliciter le recours au tribunal de César (cf. Ac 25,1-12). C'est que l'Apôtre ne doutait pas de l'impartialité de la justice impériale. C'est à ce type d'autorité que Paul pense au moment où il enjoint aux chrétiens de Rome de se soumettre aux autorités : une autorité au service du bien et de la justice dans la société. Il convient donc de ne pas appliquer l'expression « Toute autorité vient de Dieu » à nos dictatures modernes ni à n'importe quel pouvoir oppressif dans l'Église ou dans la Société civile. En tout cas, quand Paul écrivait aux Romains, il ne pensait certainement pas à nos systèmes. En dernier ressort, l'expression « toute autorité vient de Dieu », liée aux circonstances historiques précises, ne saurait servir de règle de référence pour n'importe quel type d'autorité. De quelle autorité Paul parle-t-il?En demeurant attentif au contexte littéraire de Romains 13, on se rend bien compte que l'Apôtre énumère, entre les lignes, les caractéristiques principales d'une autorité qui peut se réclamer d'origine divine:
Partant de ces versets, dégageons les caractéristiques de l'autorité à laquelle l'Apôtre fait allusion. Une autorité qui vient de Dieu doit garantir de l'ordre public : « Les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal » (Rm 13,3). Comme le suggère ce verset, l'autorité qui vient de Dieu ne laisse pas impunis les récalcitrants. Veiller à sanctionner les désobéissants, c'est, en d'autres termes, se montrer garant de l'ordre public et de la sécurité des biens et des personnes. En revanche, une autorité qui brille par l'impunité, le laisser-aller, une autorité qui favorise le libertinage et qui n'est pas capable d'assurer la sécurité au sein de la société, ne peut venir de Dieu. Une autorité qui vient de Dieu doit être au service du bien de la société : « Elle (autorité) est un instrument de Dieu pour te conduire au bien » (Rm 13,4a). C'est donc une autorité qui encourage les citoyens à poser des actes susceptibles de rendre la vie agréable dans la communauté. Quand Paul écrivait aux Romains, il ne pensait certainement pas à nos systèmes politiques actuels, il avait comme cadre de référence le pouvoir impérial romain des années 54 de notre ère. Extraits d’un article publié sur http://www.mediaspaul.cd et reproduit avec permission. Chronique précédente : |
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