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chronique du 6 novembre 2009
La renaissance d'un peuple : la vision d'Ézéchiel
La vision d'Ézéchiel, 1630
Francisco Collantes
Huile sur toile, 177 x 205 cm
Museo del Prado, Madrid
Pouvez-vous m’expliquer la vision des ossements desséchés dans le livre du prophète Ézéchiel (Ez 37,1-14)? (Maïlys)
Cette vision symbolise la renaissance d’un peuple. Le prophète, conduit par l’Esprit comme il le fut précédemment (Ez 3,22-24), est emmené dans une vallée (Ez 37,1) : la même où Dieu lui avait auparavant intimé de rester muet (Ez 3,26) à cause du peuple condamné. Aujourd’hui, il le somme de parler (Ez 37,12) car Il a décidé de le sauver. Mais quel est le sens de cette vallée où se produit cette vision? Où le prophète est-il exactement?
Ézéchiel était arrivé à Babylone avec la première vague de déportés, en 598 av. J.C., à une époque où Jérusalem n’était pas encore détruite. Mais le temps a passé et, malgré les avertissements de Jérémie, resté au pays, le roi Sédécias, suivant les conseils de faux prophètes, voulu s’allier avec un nouveau pharaon pour libérer le royaume de Juda du joug des Babyloniens, mais il échoua. Jérusalem fut assiégée pendant de longs mois (2 R 25,1). Les gens étaient si affamés que leur peau se collait à leurs os (Lm 4,8), que les bambins n'avaient plus de pain et que la bouche des nourrissons était asséchée (Lm 4,4). Puis Jérusalem tomba (587-586 av. J.C.). Son Temple fut détruit, son peuple massacré, ses filles violées (Lm 5,11), ses vieillards tués (Lm 2,21), ses bébés, contre les murs, projetés (Na 3,10). Les captifs furent entassés comme du sable (Ha 1,9) et conduits à Babylone. Le roi Sédécias eut les yeux crevés après avoir vu ses fils égorgés (2 R 25,7). Ils partent enchaînés, laissant derrière eux tristesse et désolation.
La vallée représente le lieu de la défaite. Les ossements sont ceux du peuple décimé et vaincu. Le temps est passé. Ces personnes ne sont pas récemment décédées… il s’agit d’ossements blanchis (v. 2), dispersés (v. 7). Ces personnes n’ont plus aucune chance d’être réanimées : nos os sont desséchés, notre espoir s’est évanoui (v. 11). D’où la question : ces os pourront-ils revivre? (v. 3).
Ils le pourront grâce au souffle de YHWH qui agit sur le prophète (v. 1) et à travers sa parole pour redonner au peuple, la vie, et le ramener sur la terre promise (v. 14). Comme l’action de Dieu est parfaite, il y a sept mentions du souffle dans le texte. Comme l’Esprit de Dieu épouse les confins de l’univers, il souffle des quatre vents (v. 9) symbolisant les quatre points cardinaux. Conformément à cette réalité, Dieu intime donc au prophète quatre fois de parler (v. 9). Ézéchiel participe à l’éveil du peuple. Il joue, dans cette vision, un rôle actif. Sa parole prophétique, qui permet au souffle de Dieu d’advenir, est au centre de l’événement (v. 7-8) départageant l’action entre un avant et un après : à la désespérance (v. 1-3), répond l’espérance (v. 11-14); à l’annonce de l’intervention de Dieu (v. 4-6), répond l’intervention de Dieu (v. 9-10). Le souffle de Dieu qui avait jadis donné la vie au premier homme de la terre (Gn 2,7), redonnera la vie au peuple d’Israël : Je mettrai mon souffle en vous et vous vivrez (v. 14). Comme dans le deuxième récit de création, la formation du corps précède le don de l’esprit.
La re-création du peuple est donc l’œuvre de YHWH. Elle s’effectue en quatre étapes. Ézéchiel prophétise et le bruit entendu (v. 7) est peut être celui de la voix de Dieu qui réveille les morts…. Les os se rapprochent pour reconstituer les squelettes qui redeviennent le corps d’une immense armée (v. 10). Les tombeaux babyloniens auront une fin! Ils seront bientôt ré-ouverts (v. 12). Cette vision suscite, chez les déportés, l’espoir d’un réel retour au pays. Elle rappelle le rôle, toujours actif, du souffle de Dieu qui coule comme une rivière depuis la nuit des temps pour se constituer un peuple qui lui appartienne vraiment.
Chronique précédente :
Comment s’aventurer dans la Bible ?