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chronique du 20 juin 2008

 

Judas, personnage maudit?

QuestionEst-ce que Judas est lié à une fatalité, puisqu’il fallait qu'il trahisse le Seigneur pour que les écritures s'accomplissent? Est-ce que Judas est né maudit? (Mangoua)

Le baiser de Judas

RéponseÀ la lecture des évangiles canoniques, on pourrait croire que Judas Iscariote est un personnage maudit, puisqu’il semble être prédestiné à trahir son maître. La plupart des références à Judas le présentent comme celui qui livre Jésus (Mt 10,4; Mc 14,42-43; Lc 22,21; Jn 6,71). Certains textes iront même jusqu’à le diaboliser en l’associant aux figures du diable (Jn 6,70; 13,2) et de Satan (Lc 22,3; Jn 13,27). Mais le lecteur des évangiles peut rester perplexe quant à l’interprétation que donnent les évangélistes du geste de Judas à l’égard de son maître. Les synoptiques (Mt, Mc et Lc) expliquent qu’il était nécessaire que Jésus soit livré afin que l’Écriture s’accomplisse (Mt 26,23-24; Mc 14,20-21Lc 22,21-22). Ces textes responsabilisent du même coup Judas parce qu’il effectue le geste en question. Mais il existe tout de même une tension entre le libre arbitre de Judas et la volonté divine. Cette aspérité est d’autant plus difficile à résoudre lorsqu’on regarde du côté de la tradition johannique. Dans le quatrième évangile, Judas n’a aucun pouvoir sur Jésus, car ce dernier donne sa vie volontairement (Jn 10,17-18):  

Le Père m'aime parce que je donne ma vie, pour ensuite l'obtenir à nouveau. Personne ne me prend la vie, mais je la donne volontairement. J'ai le pouvoir de la donner et j'ai le pouvoir de l'obtenir à nouveau. Cela correspond à l'ordre que mon Père m'a donné.

     L’auteur de l’Évangile selon Jean semble même dire que Jésus a choisi Judas Iscariote en sachant bien qu’il allait le livrer (Jn 6,70-71). Il n’est donc pas étonnant de voir que Satan entre en Judas lors du dernier repas, au moment même où Jésus lui donne la bouchée de pain (Jn 13,26-27). Le traître semble être tout simplement un pion de Jésus. Les synoptiques, quant à eux, comprennent la trahison comme l’accomplissement des Écritures. Celui qui provoque l’événement est personnellement responsable de son geste. C’est pourquoi la tradition synoptique contient une malédiction prononcée contre Judas Iscariote (Mt 26,24; Mc 14,21; Lc 22,22). Dans ce cas-ci, la trahison n’est pas résultat direct du choix de Judas comme traître, mais découle de son propre désir de trahison. Pour ce qui est de la tradition johannique, la référence à l’accomplissement de l’Écriture est maintenue, mais Judas est dépourvu de toute détermination personnelle. D’ailleurs, on remarquera que la malédiction – qui sert essentiellement à responsabiliser l’individu – n’est pas mentionnée dans le quatrième évangile. L’Iscariote est délibérément choisi par Jésus en vue de la trahison. Il n’est donc pas surprenant que nous ayons l’impression qu’il soit maudit.

     Mais est-il possible que Judas ait obtenu le pardon de sa faute après s’être repenti? Il faut mentionner que seul l’Évangile selon Matthieu parle du repentir de Judas : « Il fut alors pris de remords et rapporta les trente pièces d'argent aux chefs des prêtres et aux anciens. Il leur dit : ‘Je suis coupable, j'ai livré un innocent à la mort !’ » (Mt 27,3-4). Il y a deux différentes traditions sur les circonstances de sa mort : « Il alla se pendre » (Mt 27,5) et « il s'acheta un champ ; il y tomba la tête la première, son corps éclata par le milieu et tous ses intestins se répandirent. » (Ac 1,16-20). En Marc, Luc et Jean, Judas disparaît discrètement de la scène; il n’y a aucune allusion à son repentir. Le quatrième évangile ne souscrit certainement pas l’idée d’un pardon possible pour Judas Iscariote, puisqu’il est clairement nommé diable (Jn 6,70) et fils de la perdition (Jn 17,11).

     En conclusion, ces différentes manières d’interpréter le geste de Judas Iscariote résultent possiblement de la réalité historique, qu’un des proches de Jésus de Nazareth ait livré son maître aux autorités. Les évangélistes ont donc cherché à expliquer la trahison en réinterprétant certains textes de la Bible hébraïque ou en faisant appel aux catégories théologiques à leur disposition.  

André Gagné

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Le personnage de Judas

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