chronique du 15 février 2008 |
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Vieux comme Mathusalem?J’ai toujours un peu de difficulté à comprendre les grands âges des personnages de la Bible : Mathusalem et compagnie… Y a-t-il une clé pour les comprendre? (Alain) En fait, je crois qu’il faut aborder la question de manière réaliste. Il est impossible pour des êtres humains normaux de vivre très longtemps. Aujourd’hui, dans notre société occidentale marquée par les immenses progrès de la médecine, l’espérance de vie moyenne se situe autour de 77 ans. C’est beaucoup. Dans l’Antiquité, elle était beaucoup plus basse. Peu de gens se rendaient à 50 ans. Il fallait en effet compter avec les épidémies, une médecine quasi inexistante (qui ressemblait plus souvent, malheureusement, à de la boucherie!), les guerres, la malnutrition, les intempéries, etc. On comprend que la vie a toujours été marquée par la fragilité et son caractère éphémère. Le Ps 90 dit bien : « Tu fais retourner l’homme à la poussière... À tes yeux mille ans sont comme hier... Le nombre de nos années? Soixante-dix, quatre-vingts pour les plus vigoureux! Leur plus grand nombre n’est que peine et misère » (v. 3-4.10). De plus, les ancêtres à qui la Bible attribue une très longue longévité sont concentrés dans les onze premiers chapitres du livre de la Genèse. On a depuis longtemps établi le genre littéraire de cette première partie du livre de la Genèse. On dit que ce sont des mythes. Mais attention! Il ne faut pas entendre ce mot au sens populaire. En français courant, on dit que quelque chose est un mythe quand c’est une fausseté. En exégèse et en histoire des religions, le genre littéraire « mythe » est très positif. Comme les Anciens étaient moins à l’aise que nous avec les concepts, ils préféraient raconter une histoire. Ainsi, les mythes sont une expression narrative des aspects mystérieux ou inexplicables de la vie humaine. C’est ainsi que les chapitres 1 à 3 de Genèse sont une méditation sur la nature de l’être humain dans ses trois relations fondamentales : avec les autres, avec la terre et avec Dieu. Le chapitre 3 du livre de la Genèse répond à la question de la mystérieuse attirance de tout être humain envers le mal, etc. La question de l’âge attribué aux ancêtres doit être considérée dans cette ligne. Les mythes mésopotamiens semblables ont aussi des chiffres astronomiques. C’est que les ancêtres étaient considérés comme des « géants », des hommes illustres, importants. Il fallait donc manifester cela de quelque façon. C’est ainsi que des études exégétiques ont montré qu’à partir du premier péché (Gn 3-4) ces chiffres diminuent constamment jusqu’à atteindre des valeurs plus « normales » à partir du début de l’histoire du salut en Genèse 12. Notez, d’ailleurs, que les rabbins ont organisé les chiffres pour que personne ne survive au déluge (Mathusalem est mort noyé!). L’âge attribué aux ancêtres est donc de l’ordre de la légende. Il ne serait pas pertinent de soutenir que des êtres humains aient vécu aussi longtemps. Dans quel but de toute façon? Mieux vaut retenir la lecture théologique et culturelle de la glorification des ancêtres.Chronique précédente : |
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