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Comprendre la Bible
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chronique du 30 novembre 2007

 

Bélial dans la Bible et dans les écrits extra-canoniques

Combat contre le serpent Apophis

Question

J'ai regardé le film L'exorcisme d'Emily Rose. Vers la fin du film, Emily dit au prêtre-exorcisme qu'elle est possédée par Bélial. J'aimerais avoir de l’information sur ce personnage et sur le sens du mot Bélial. (Réjean)
 

RéponseLe mot « Bélial » (hébreu : beliyya‛al ; grec : belial / beliar) se retrouve à maintes reprises dans la tradition biblique. L’expression sert généralement à caractériser ceux qui s’adonnent au mal. Plus précisément, le vocable est composé de la négation beli (sans) et de la racine ya‛al (profit, bénéfice, utilité). Or, Bélial signifie littéralement sans profit, sans bénéfice, inutilité, vaurien. Notons que l’Ancien Testament n’emploie jamais Bélial comme nom propre pour désigner Satan. Par exemple, ce terme décrit les méchants qui incitent les Israélites à servir les dieux étrangers (Deutéronome 13,14), les hommes iniques de Guivéa (Juges 19,22; 20,13), les deux fils pervers d’Eli qui ne connaissent pas YHWH (1 Samuel 2,12), les deux vauriens qui accusent Naboth (1 Rois 21,10.13), et les individus qui s’opposent à la monarchie (1 Samuel 10,27; 2 Samuel 20,1; 2 Chroniques 13,7). De manière générale, la Septante (LXX), version grecque de l’Ancien Testament, traduit ce mot par impie (paranomos; Juges 19,22; 20,13; 2 Samuel 20,1; 1 Rois 21,10.13; Deutéronome 13,14) et peste (loimos; 1 Samuel 2,12; 10,27; 2 Chroniques 13,7).

Bélial

Bélial dansant devant Salomon
Jacobus de Teramo
Das Buch Belial (Augsburg, 1473)

     C’est dans les écrits pseudépigraphiques [1] de l’Ancien Testament que l’on associera davantage Bélial (aussi parfois appelé Béliar) à la figure de Satan. Dans le Martyre d’Isaïe, ce nom désigne le chef des forces démoniaques (1,8), l’ange d’iniquité et le prince de ce monde (Martyre d’Isaïe 2,4 ; 4,2). Le Testament des douze patriarches attribue à Bélial l’esprit d’égarement (Testament de Lévi 3,3; Testament de Juda 25,3; Testament de Zabulon 9,8). Dans le livre des Jubilés, Moïse demande à ce que Dieu protège les hommes de l’esprit de Bélial (1,20). Plus loin, il est aussi question des fils de Bélial, c’est-à-dire, des hommes qui agissent sous l’influence de l’ange d’iniquité (15,33). Certains textes insistent plus particulièrement sur les œuvres de Bélial et sur la manière dont il cherche à détourner les hommes de la volonté divine (Testament de Ruben 4,7; 6,3; Testament de Siméon 5,3; Testament de Dan 1,7; Testament de Joseph 7,4; Oracles sibyllins 3,63-74). Le règne de Bélial semble être prédéterminé (Martyre d’Isaïe 4,2) et dans les derniers jours, il sera vaincu par les multiples agents divins (Testament de Lévi 3,3; 18,12; Testament de Dan 5,10-11).

     Les manuscrits de la mer Morte font aussi référence à Bélial. En effet, à Qumrân, il est caractérisé comme étant l’ange d’hostilité (Document de Damas 16,5; Règle de la Guerre 13,11) et le prince de l’empire de l’impiété (Règle de la Guerre 17,5-6). Dans l’Instruction sur les deux esprits (1QS 3.13-4.26), cet ange maléfique est à la tête des forces du mal (appelés le lot de Bélial ou les fils des ténèbres) et s’oppose aux fils de lumière (appelés le lot de Dieu). La secte de Qumrân estime que le monde est actuellement sous l’emprise de Bélial (Document de Damas 12,2; Règle de la communauté 1,18.24; 2,19; 3,21-22; Règle de la Guerre 14,9; 18,1), mais qu’un jour sa domination cessera (Règle de la communauté 4,18b-23a; Règle de la Guerre 1,4-5.13-16; 11,8; 18,1-3).

     Il importe de signaler que Bélial n’est mentionné qu’une seule fois dans le Nouveau Testament. Dans sa deuxième épître aux Corinthiens, l’Apôtre Paul demande : « Quel accord entre Christ et Béliar? » (6,15a). Le passage est teinté d’un dualisme semblable à ce que l’on retrouve à Qumrân, puisqu’il est question de l’opposition entre la justice et l’impiété, entre la lumière et les ténèbres (6,14), entre le croyant et l’infidèle (6,15b), entre le temple de Dieu et les idoles (6,16). Puisque le Christ est opposé à Béliar, il est sans doute juste de comprendre cette expression comme un nom propre à l’instar des pseudépigraphes de l’Ancien Testament et des manuscrits de la mer Morte. Béliar est donc une autre manière de parler encore une fois du chef des forces du mal. Pour ce qui est de la variante « Béliar », il s’agit tout simplement d’un terme équivalant à Bélial et comporte exactement la même signification.

     En somme, l’Ancien Testament emploie beliyya‛al comme un qualificatif, tandis que les textes de la période intertestamentaire et du Nouveau Testament en font un nom propre. Et c’est à cette époque que Bélial devient en quelque sorte le prince de ce monde ou le chef des forces des ténèbres. Il viendra à correspondre à celui qu’on appelle communément, Satan, l’ennemi ultime de Dieu.

[1] Les écrits pseudépigraphiques sont des textes de tradition juive qui n’ont pas été retenus dans la Bible.

André Gagné

Chronique précédente :
La mauvaise réputation du serpent