chronique du 26 mai 2006 | |||||
Lenfer,
le purgatoire et la Bible Dans
le Nouveau Testament, il n'est pas souvent question de l'enfer (comme
lieu de tourments éternels). J'aimerais savoir quand est apparue
cette notion qui pour moi est incompatible avec un Dieu d'amour. À
un moment donné, Jésus dit : « Ne craignez
pas ce qui peut faire périr le corps, mais plutôt ce qui
peut faire périr l'âme avec le corps » ou quelque
chose du genre. De même dans l'Apocalypse, il est question de seconde
mort : ne s'agirait-il pas de l'anéantissement total de la
personne? Et que pensez-vous du purgatoire, notion encore plus récente
dans l'histoire de l'Église catholique; les autres chrétiens
pensent-ils la même chose? J'aimerais beaucoup avoir votre opinion
à ce sujet. (Agnès) Pour parler de cette question de lenfer et du purgatoire, il faudrait remonter très haut dans lhistoire humaine, jusquà cette époque lointaine où nos ancêtres commencent à enterrer leurs morts. Pourquoi le font-ils? Pourquoi ajoutent-ils, dans les lieux de sépulture, des objets, de la nourriture, des pièces dargent ? Cette pratique lointaine permet de comprendre que, très tôt dans lhistoire humaine, va naître cette idée dun lieu où séjournent ceux qui sont morts. Cest lhadès grec, le schéol juif ou les enfers dont parle notre Credo Chaque civilisation développe plus ou moins des mythes qui répondent aux questions liées à la mort. Cela dit, une question se pose. Quen est-il de la justice? Dans le séjour des morts, tous sont-ils traités de la même manière? Les violents et les corrompus bénéficient-ils des mêmes droits que leurs victimes? Dit autrement, est-il possible despérer une justice après la mort? Cela vaut-il la peine despérer le paradis si jy retrouve mon tortionnaire inchangé? Dans la Bible, cette question monte dans le cur du psalmiste qui en appelle à la justice de Dieu pour avoir sa revanche sur ceux qui lont opprimé. Lexilé juif à Babylone crie sa douleur : « Des profondeurs je tappelle, Seigneur, Seigneur entends ma voix; que tes oreilles se fassent attentives au cri de ma prière! » Deux siècles avant J.-C., la pensée juive se précise et parle de deux séjours des morts différents, lun qui attend les justes et lautres où finissent les impies. Ces deux notions donneront, à lépoque de Jésus, deux mots nouveaux : le ciel ou le paradis, dans lequel se retrouveront tous les justes, et lenfer, lieu de souffrance, où finiront les injustes et les corrompus, tous ceux qui ont refusé la justice et lamour de Dieu. Ces deux lieux sont inséparables de lattente dune justice divine après la mort, et du libre choix humain, en ce qui concerne son statut final. Comment comprendre cette notion denfer aujourdhui? Évitons dabord de se laisser piéger par limaginaire du Moyen Âge qui a fourni des représentations délirantes des démons et des tortures infligée aux damnés. LÉglise a trop souvent utilisé le langage de la peur pour parler du Dieu damour. Fort heureusement, nous nen sommes plus là. Pourtant, ceci nélude pas les questions précédentes. Dieu peut-il forcer quelquun à laimer? Lamour relève du libre choix humain et Dieu sest donné une limite, en offrant à lhumain sa liberté. Il ne peut forcer personne à laimer et lhomme peut choisir et refuser de vivre en relation avec lui. La possibilité de lenfer, comme possibilité de refus de Dieu source de la vie, reste donc. Je ne peux donc pas léluder. Pour ce quil en sera exactement du destin de celui qui se maintient dans son refus, il vaut mieux laisser cela à Dieu lui-même et ne pas se laisser emporter par son propre imaginaire. Lenfer nous rappelle, de manière forte, que le choix humain détermine son avenir. Le paradis est ouvert à tous ceux qui le voudront vraiment. Lidée du purgatoire est apparue plus tard. Disons que cest une idée théologique forgée par la réflexion du Moyen Âge et restée présente dans lunivers catholique. Une question nouvelle sest posée à ceux qui estimaient être de bons chrétiens. Ils se rendaient bien compte des imperfections de leur vie, de leurs infidélités à la loi divine et de leurs incapacités à vivre dans lamour. Une préoccupation va naître dans lesprit de ceux dont la conscience était un peu trop chargée : aurai-je malgré tout droit au paradis? Cette question pose la nécessité dun lieu de purification préalable avant lentrée dans lunivers divin. Lidée dun purgatoire était née qui permettait à chacun de ne pas désespérer de soi. Dans une perspective plus personnelle, je dirais que la rencontre avec Dieu, avec son amour brûlant comme un feu purificateur, jouera pour chacun de nous le rôle dévolu au purgatoire. Cest dans la rencontre finale avec Dieu que nous prendrons conscience de nos étroitesses, nos infidélités, nos ratés et nos manques damour. La purification se fera en laissant à lamour de Dieu brûler en nous tout ce qui na pas de place auprès de lui. Chronique
précédente : |
|||||
|
|||||