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Comprendre la Bible
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chronique du 15 octobre 2004
 

Les cinq Jacques de l'Évangile
 

QuestionComment distinguer les Jacques de l'Évangile et les noms qui y sont apparentés? L'apôtre, fils de Zébédée et frère de Jean, décapité en 44, est-il Jacques le Majeur honoré à Compostelle? L'apôtre, fils ou frère d'Alphée, est-il Jacques le Mineur honoré à Compostelle? Le frère ou cousin de Jésus, évêque de Jérusalem après Pierre, est-il l'auteur des deux épîtres de Jacques? Le père de l'apôtre dit Thaddée dans Mc 3, 18 et dans Mt 10, 3 ou Lebbé dans Mt 10, 3 (note S dans la TOB), Judas chez Luc 6, 16 et Jn 14, 22 ainsi que Jude dans Actes 1,13. (Marthe)
 

RéponseJacques se dit en hébreu Iakobou, Judas, Ïouda et Jude, Ïehod. En grec, Jacques se dit Iakobos, alors que Jude et Judas se disent indistinctement Ioudas. Tous ces noms sont des dérivés de Jacob, mais nous pouvons clairement distinguer Jacques de Jude ou de Judas. Vous avez raison, il y a, effectivement cinq Jacques dans le Nouveau Testament : Jacques, le fils de Zébédée (dont nous parlent souvent les Évangiles) appelé par la tradition Jacques le Majeur; Jacques le Mineur (Mc 15,40); Jacques le fils d'Alphée (Mt 10,3); Jacques le « frère du Seigneur » (Ga 1,19) et Jacques (le père, le fils ou le frère) de l'un des Douze appelé Judas (Lc 6,16; Ac 1,13).

     1. Jacques le Fils de Zébédée, frère de Jean, l'un des Douze, toujours nommé avant son frère Jean dans les Évangiles est aussi appelé Jacques « le Majeur » pour le distinguer de Jacques « le Mineur » littéralement « le Petit » dont parle Mc 15,40. La légende voulant que Jacques le Majeur se soit rendu à Compostelle, en Espagne, n'apparaît pas avant le VIe ou VIIe siècle. On parle de son assassinat dans le livre des Actes (Ac 12,2).

     2. Jacques le Mineur ou Jacques le Petit est mentionné dans les récits de la Passion (Mc 15,40// Mt 27,56; Mc 16,1//Lc 24,10) pour identifier l'une des Marie qui était disciple de Jésus pendant son ministère Galiléen. C'est tout ce que nous savons de lui.

     3. Jacques, le fils d'Alphée, (Mt 10,3; Mc 3,18; Lc 6,15; Ac 1,13). Il est l'un des Douze. Nous hésitons à l'identifier avec Lévi, fils d'Alphée qui était collecteur d'impôts (Mc 2:14) car Lévi pourrait être le nom de son frère. La seule chose que nous sachions de lui est qu'il commence toujours le troisième groupe des noms dans les listes des Douze.

     4. Jacques « le frère de Jésus » : figure prestigieuse du christianisme primitif. Il ne fut pas, de son vivant « évêque de Jérusalem » parce que ce titre n'existait pas à cette époque. Cette hiérarchisation de l'Église ne commença qu'avec Ignace d'Antioche mort en 107 ap. J.-C. Cependant, dès que cette fonction commença à exister, on n'hésita pas à l'attribuer à Jacques tant dans les écrits officiels de l'Église (Clément d'Alexandrie et Épiphane de Salamine aux IIe et IIIe siècle) que dans les écrits apocryphes (les Pseudo-Clémentines, l'Évangile aux Hébreux datant du IVe siècle). Dans ces derniers écrits, il a même la préséance sur Pierre.

     Paul nous dit que ce Jacques gouverna d'abord l'Église de Jérusalem avec Céphas et Jean (Ga 2,9), mais après la mort de Jacques, le fils de Zébédée (Ac 12,2), et après cette arrestation dont Pierre s'échappa miraculeusement (donc dès 44), il régna seul à Jérusalem (Ac 12,17) jusqu'à sa mort en 62. Pierre fut condamné à mort deux ans plus tard, à Rome. Jacques n'a jamais écrit d'épître de sa main. L'épître qui porte son nom a été écrit 20 ans après sa mort. Il est d'un auteur inconnu qui s'est inspiré pour l'écrire de son enseignement. L'épître de Jude en est distinct. Il s'agit de Jude, son frère.

     Jérôme tenta de prouver que ce Jacques « frère du Seigneur » est le même que Jacques, le fils d'Alphée, l'un des Douze et que Jacques le Mineur (Mc 15,40). Bien que cette identification ait été, à une certaine époque acceptée par l'Église catholique et qu'elle fasse partie de certains livres de dévotions populaires, elle n'est plus soutenue aujourd'hui par aucun exégète sérieux. L'état actuel de la recherche nous dit que ce Jacques ne fut jamais l'un des Douze.

     5. Jacques de Judas, on ne sait pas vraiment quelle était leurs relations puisqu'en grec, les noms sont apposés les uns au côté des autres. Nous lisons « Judas, Jacques ». S'agit-il du père, du fils ou du frère de Jacques? On ne peut pas le dire avec précision. Seul Luc mentionne son nom (Lc 6,16; Ac 1,13). On ne sait rien d'autre de lui.

     Concernant Mt 10,3, vous savez que les textes ont été recopiés à la main par des scribes pendant des décennies et que l'erreur étant humaine, des erreurs s'y sont glissées. Hormis peut-être le papyrus Egerton II et quelques fragments qui datent du IIe siècle, les plus anciens manuscrits que nous ayons datent du IVe siècle. Or dans ces manuscrits les plus anciens soit le Sinaïticus et le Vaticanus (textes alexandrins), c'est le mot Thaddée qui apparaît. Au siècle suivant, nous voyons apparaître à la place de Thaddée, le nom Lebbé dans les manuscrits occidentaux qui sont également de bonne qualité comme le Codex de Bezae (D). Il s'agit sans doute d'une altération involontaire due à une confusion phonétique qui s'est propagée par la suite. Plus tard, certains scribes ont décidé d'harmoniser les deux noms en ajoutant dans leurs manuscrits Lebbé appelé Thaddée.

Yolande Girard
Bibliste, Montréal

  

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