chronique du 11 juin 2004 | |||||
De quelle manière
s'est-il manifesté? Je
voudrais en savoir plus sur les apparitions de Jésus après
sa mort : de quelle manière s'est-il manifesté? (Robert
B.) Les apparitions n'ont une seule et unique fonction : celle d'affirmer que Jésus est vivant. Mais pour comprendre le caractère unique de cet événement, il faut connaître la culture dans laquelle il s'inscrit. En effet, les Évangiles, nous le savons, divergent sur plusieurs points, mais ils affirment tous, unanimement, que les disciples ne s'attendaient pas à la résurrection de Jésus. Dans le judaïsme ancien on croyait que lorsque l'homme mourait, il redevenait poussière : il descendait au Shéol et n'en remontait jamais. Le Shéol était par définition le lieu où Dieu n'était pas. Au moment de l'exil à Babylone, on commence à croire en la possibilité d'une résurrection symbolique du peuple d'Israël (Ez 37). Au IIe siècle, au moment de la persécution d'Antiochus Épiphane, s'affirme la conviction que Dieu ne peut pas laisser dans la mort ceux qui sont morts par fidélité à la Loi. Dieu étant l'auteur de la vie, on croyait qu'au jugement dernier, il les ressusciterait en déclarant juste ce qui est juste et injuste ce qui est injuste. À l'époque de Jésus, les pharisiens et les esséniens et, fort probablement Jésus et ses disciples, croyaient en ce jugement individuel à la fin des temps. Mais on ne s'attendait pas à ce que Dieu intervienne avant la fin du monde et qu'il ressuscite Jésus immédiatement après sa mort. Cette résurrection de Jésus n'est pas un fait historique que l'on pourrait mettre à égalité avec sa mort. Personne n'a vu Jésus ressusciter. Cela marque d'ailleurs la différence entre les Évangiles apocryphes et les Évangiles canoniques. Dans l'Évangile de Pierre, les gardes de Pilate voient Jésus sortir du tombeau, soutenu par deux anges. Dans les Évangiles canoniques rien n'est dit sur le moment de la résurrection. La résurrection de Jésus s'est, entre autres, affirmée dans le christianisme primitif en terme d'apparitions. Mais ces apparitions sont d'abord des expériences de foi de la personne qui en est le ou la bénéficiaire et ils ne nous ont pas décrit ce qu'ils ont vu. Leur expérience est cependant consignée dans le Nouveau Testament de quatre façons différentes, le langage étant toujours imparfait pour dire des réalités qui appartiennent au monde de la foi. Cette pluralité de langage montre qu'au Ier siècle de notre ère, co-existaient plusieurs manières de dire la résurrection : Une manière sémitique, qui atteste d'une compréhension juive de la résurrection, où l'âme est indissociable du corps. Cette conception du réveil d'un mort se retrouve déjà dans Dn 12 et dans le livre d'Hénoch au IIe siècle av. J.C. Jésus n'est jamais décrit comme un pur esprit. Il a un corps. Ce corps porte les traces de la crucifixion. Mais ce corps n'est jamais décrit. Une manière grecque lorsque l'on parle de son Esprit qui continuait à vivre. Dans l'Évangile de Luc, les anges au tombeau disent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts? » (Lc 24,5). Cette figure du Vivant sera reprise dans l'Apocalypse. On affirmait donc la vie d e celui qui était mort. On affirmait que Dieu l'avait prit en charge et l'avait associé à sa grandeur. En utilisant le langage de l'exaltation qui a ses racines dans la tradition vétéro-testamentaire notamment dans les Psaumes où l'on dit que le Juste souffrant sera arraché du monde des impies, sera exalté par Dieu, qu'Il le fera monter à sa droite. L'heure dans l'Évangile de Jean est précisément celle de l'exaltation de Jé sus qui se produit dans cet Évangile au moment de sa mort donc dans un même espace/temps. En utilisant le langage de la vision. Nos Bibles traduisent dans 1 Co 15,5s le verbe oftè par apparaître, mais en fait il s'agit du verbe orao signifiant voir à l'aoriste passif qui signifie « il a été vu ». « Il a été vu » par les disciples. Il a aussi été vu par Paul. La résurrection est donc décrite dans le langage de la vision. Cette vision advient suite à une initiative du Ressuscité. Hormis peut-être Paul, Jésus n'est jamais apparu à ses ennemis (voir le Contre Celse d'Origène). Les apparitions sont des expériences de foi qui exigent une réponse, une conversion. Yolande Girard Lire aussi : Article précédent
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