chronique du 1er novembre 2002 |
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Pourquoi des paraboles?Il n'est pas rare, dans la vie de tous les jours, d'entendre l'expression « parler en paraboles » pour désigner une personne qui se sert d'une comparaison soit dans le but d'exposer une vérité soit dans le but d'enseigner. Comment alors ne pas songer à Jésus dont l'évangéliste Marc (4, 33) écrit: « C'est par un grand nombre de paraboles... qu'il leur annonçait la Parole selon qu'ils pouvaient l'entendre? » Des paraboles pour l'actionDe fait, on peut non sans raison se demander : pourquoi des paraboles? Telle est la question que se pose Jacques Dupont, bénédictin, dans un intéressant volume aujourd'hui épuisé (voir la référence au bas de l'article). L'auteur commence par s'interroger sur ce qui se trouve en cause dans les paraboles de Jésus. Il note qu'elles concernent plus les conduites que les idées. Les paraboles décrivent des actions et se répartissent en deux groupes. D'une part, il y a les paraboles qui ont trait à l'agir - la praxis - des individus face à leurs semblables et, d'autre part, celles qui se proposent d'expliquer le comportement des personnes face à Dieu ou l'inverse. Des paraboles pour l'exempleLes paraboles du premier groupe, par ailleurs en fort grand nombre, préconisent une ligne d'action très précise: il faut ainsi prendre exemple sur le bon samaritain (Lc 10,30-37), l'intentant astucieux (Lc 16,1-8), l'homme qui édifie sur le roc et non sur le sable (Mt 7,24-27), le portier qui attend le retour du maître (Mc 13,34-36). Elles mettent en garde contre des attitudes risquant d'entraîner de funestes conséquences. Il suffit d'évoquer ici les vierges étourdies (Mt 25,1-12), les vignerons homicides (Mc 12,1-9), le serviteur impitoyable (Mt 18,23-24), l'homme riche avec le pauvre Lazare (Lc 16, 9-31). Des paraboles sur DieuQuant aux paraboles du second groupe, elles ne le cèdent guère en importance à celles du premier groupe et caractérisent peut-être mieux la manière de Jésus. Il n'en emploie pas pour parler de lui-même et de sa conduite. Il les emploie, en revanche, pour parler de Dieu et pour parler de ce dernier en relation avec lui. L'évocation d'un comportement humain nous aide à saisir davantage la façon d'agir de Dieu. La parabole - pour ne citer que celle-là - du juge inique et de la veuve (Luc 18,2-5) vient étayer notre affirmation. Elle ne compare pas Dieu à un juge injuste. La conduite de ce juge inique ainsi dépeint sert à donner un avant-goût de celle de Dieu (évidemment juste) et à suggérer de la sorte l'état d'âme qu'il sied d'avoir dans la prière. Jésus aborde la question du comportement de Dieu en relation avec le sien surtout dans le cas des pécheurs et de la nouvelle situation instaurée par son ministère. Il convie son entourage à reconnaître l'action de grâce à laquelle Dieu instaure son Règne. Pensons notamment aux paraboles du levain dans la pâte (Luc 13,18-22) et du figuier stérile (Luc 13,6-9). Des paraboles pour le dialogueLes interlocuteurs de Jésus sont loin de toujours penser comme lui. Il veille soigneusement à éviter d'entamer une discussion. Car il va sans dire qu'un inexorable durcissement de l'opposition en découlerait. Par le biais d'une histoire, Jésus transpose ailleurs le débat. Il tient compte du point de vue contraire au sien mais il invite avec finesse à y adhérer. Jésus poursuit le dialogue et évite les fâcheux écueils de la controverse. Les paraboles nous pressent d'apprendre à porter sur les situations qui sont nôtres aujourd'hui le regard même du Christ. Des paraboles d'après l'expérienceIl faut admettre que les paraboles contiennent une puissance peu commune de conviction. Elles se fondent sur l'expérience. Jésus invoque tantôt uniquement son expérience. Le discours parabolique caractérisé par la forme interrogative représente une voie royale d'accès à la conscience que Jésus possédait de lui-même et de sa mission divine. Il s'agit, en somme, comme d'un miroir qui reflète sa personne et son mystère. Le Seigneur en appelle le plus souvent aux expériences de ses auditeurs. On y perçoit trois genres différents, en l'occurrence, l'expérience commune, l'expérience collective et le sens commun. Jésus nous renvoie de fait à toutes ces expériences qui tissent la toile de nos existences. Des paraboles pour le changementLes paraboles s'avèrent constamment rivées à la vie. Elles nous atteignent dans des situations concrètes. C'est là que Jésus nous rejoint. Elles incitent au dialogue. S'intéressant plus aux comportements qu'aux idées, les paraboles visent à modifier certaines de nos manières de voir, d'agir, de parler. Des paraboles de conversationEntre Jésus et ses interlocuteurs s'établit une conversation grâce aux paraboles. Une telle conversation s'inscrit avec vigueur dans une situation historique déterminée. Dès lors, il n'est pas possible de séparer les paraboles de Jésus des contexte de vie dans lesquels « elles ont été imaginées et qui restent inscrits dans leur texture même » (p. 107). Semblable démarche éloigne le texte de nous. Il en découle une distance qui nous rend plus aptes à le voir objectivement et à le laisser questionner - pour ne pas dire contester - notre conduite. Des paraboles qui disent le secretLes paraboles se fondent sur l'expérience des auditeurs et sur l'expérience de « celui qui les a créées, et ne les a pas créées sans s'exprimer lui-même et manifester quelque choses de son secret intérieur » (p. 109). Le christianisme ne peut se définir que par rapport à Jésus Christ. Claude-Etienne Poisson Pour aller plus loins ;
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