Les montagnes qui bordent la mer Rouge (Little Savage / Wikipedia).

Élath et la mer Rouge

Robert David Robert David | 16 mai 2022

À l’extrême Sud de la dépression du Jourdain, la vallée de la Arabah (c’est ainsi que l’on nomme la dépression du Jourdain depuis le Sud de la mer Morte jusqu’à Élath) se termine sur les rives de la mer Rouge, au golfe d’Akaba pour les Jordaniens, au golfe d’Élath pour les Israéliens. Les deux noms font référence au même lieu. On est toujours très surpris de l’appellation « mer Rouge » pour une étendue d’eau d’un bleu azur saisissant. Ce nom vient du reflet que font les montagnes sur l’eau au coucher du soleil. Le bleu de l’eau se transforme alors en rouge ocre très soutenu, ce qui donne l’impression que la mer se change en sang.

Élath dans l’Ancien Testament

Élath est une ville édomite distincte d’Ézion Guéber mais proche d’elle. Il s’agit d’un point de repère sur les routes de l’exode mentionné dans la torah (Nb 33,35-36 ; Dt 2,8). En hébreu, son nom veut dire « chêne » ou « térébinthe » et évoque des déesses et les grands arbres qui leur étaient consacrés.

La ville ancienne aurait été vassalisée par le roi David, comme tout le pays d’Édom d’ailleurs (2 S 8,14) mais rapidement perdue par la suite. Selon le deuxième livre des Rois, elle aurait été reconquise par Ozias (2 R 14,22) mais reprise définitivement par les Édomites pendant le règne du roi Achaz (2 R 16,6).

Élath : port

(Israel Tourism / Wikipedia)

Depuis les époques anciennes, Élath était un port de mer. On en parle comme du port d’Ézion Guéber dans les textes de l’Ancien Testament (1 R 9,26 ; voir aussi 2 Ch 20,36 ; 1 R 22,49). C’est à partir d’ici que les navires pouvaient commercer avec l’Arabie et peut-être même avec l’Éthiopie et le Yémen. La reine de Saba (1 R 10), si elle a existé, venait sans doute de ces contrées et serait descendue à Ézion Guéber lors de ses périples maritimes. C’est depuis Élath que l’on peut accéder à la mer d’Oman et, éventuellement, à l’océan Indien. Nous n’avons cependant aucun témoignage ancien qui permettrait de conclure que les vaisseaux stationnés à Ezion Guéber se soient rendus si loin.

L’une des stations balnéaires, au nord de la baie

L’une des stations balnéaires, au nord de la baie (Henrik Sendelbach / Wikipedia).

Élath aujourd’hui

Aujourd’hui, Élath est à Israël ce que Miami est à la Floride. Lieu de villégiature par excellence, on y vient pour se baigner et y faire de la plongée sous-marine dans des eaux limpides, où le corail est de toute beauté et les poissons tropicaux sont au rendez-vous. C’est aussi un important port de mer, tant du côté jordanien qu’israélien. Car il faut savoir que cette grande baie se divise entre Israël et la Jordanie. Les hautes montagnes que nous voyons, qui atteignent facilement les 1000 m et plus, sont en territoire jordanien. 

La région se trouve en plein désert, à quelques 340 km au Sud de Jérusalem, alors que le massif du Sinaï est déjà visible depuis une cinquantaine de kilomètres sur le côté Ouest. Les stations balnéaires qui peuplent les plages aujourd’hui sont un peu créées artificiellement. Anciennement, seulement quelques personnes pouvaient vivre ici car l’eau n’était pas très abondante. Aujourd’hui on y produit de l’eau potable grâce à des stations de désalinisation, ce qui permet de fournir de l’eau à une plus importante population.

Baie des coraux

Baie des coraux (Little Savage / Wikipedia).

Élath, dans un périple en Israël, c’est la dolce vita, le petit repos bien mérité sur de belles plages et dans une eau chaude, malheureusement de plus en plus polluée par la présence des cargos dans les deux ports commerciaux. Pour y arriver, il faut cependant rouler près de huit heures en autobus en traversant, depuis Beersheba, le désert du Néguev, le Maqtesh Ramon, le désert de Paran et une petite partie du massif du Sinaï en redescendant dans la Arabah. Aujourd’hui, Élath marque aussi la frontière entre l’Égypte et Israël du côté Ouest et ce, depuis qu’Israël a rétrocédé la péninsule sinaïtique à l’Égypte suite aux accords de Camp David. En montant sur l’une des hautes montagnes derrière Élath (du côté Ouest) on peut voir quatre pays en même temps : l’Égypte à l’Ouest à qui appartient maintenant le Sinaï, Israël avec Élath, la Jordanie de l’autre côté du golfe et, plus loin au Sud-Est, les premières montagnes de l’Arabie Saoudite.

Vue aérienne d’Élath

Vue aérienne d’Élath (Deror Avi / Wikipedia).

Élath depuis les montagnes

Si on se donne la peine de regarder Élath depuis les montagnes, on constate rapidement que la ville moderne s’étend dans le désert omniprésent. Les maisons blanches situées sur le plateau, au centre de la photo, ne pourraient jamais avoir été construites à cet endroit si l’on n’avait pas aménagé un pipeline permettant d’y apporter l’eau potable depuis les usines de désalinisation situées près de la mer.

On peut deviner, aux pieds des montagnes, l’arrivée de la vallée de la Arabah, cette longue plaine qui sépare Israël de la Jordanie depuis le Sud de la mer Morte. Elle a franchi les 270 km en gardant presque le même niveau par rapport au niveau de la mer. Ce pourrait être une belle plaine si l’eau n’y était pas totalement absente.

Les hautes montagnes rougeâtres de l’autre côté, en territoire jordanien, sont les derniers contreforts de l’ancien territoire d’Édom. Certaines peuvent atteindre jusqu’à 1500 m. Là aussi, cependant, l’eau se fait rare, pour ne pas dire absente. Pays de montagnes rocheuses que cette région d’Élath, tant du côté jordanien qu’israélien.

L’observatoire sous-marin

L’observatoire sous-marin (Henrik Sendelbach / Wikipedia).

La passerelle qui s’avance dans l’eau mène les visiteurs au musée maritime d’Élath. Elle donne accès à une salle de verre aménagée sur le banc de corail, sous l’eau. Cette salle permet de contempler les coraux et les poissons tropicaux sans avoir à faire de la plongée. Mais c’est bien plus agréable d’y plonger...

Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.