Mosaïque byzantine de Khirbet Seilun qui évoque la vocation agricole des environs de Silo (Abraham Sobkowski OFM / Wikimedia).
Le cellier de Silo
Robert David | 12 avril 2021
Le vin réjouit le cœur des humains,
en faisant briller les visages plus que l’huile.
(Psaume 104, 15)
Les fouilles israéliennes à Silo se sont concentrées dans trois chantiers principaux, au Nord-Est, au Nord-Ouest et à l’Ouest. Elles ont révélé d’importantes structures pour la conservation des denrées alimentaires.
On a retrouvé un mur en glacis de 3 à 5 m d’épaisseur et conservé sur 8 m de hauteur. Comme ce mur a pu être identifié un peu partout autour du site, on a pu en tracer le pourtour donnant ainsi une superficie de 4 acres à la ville du Bronze moyen. Des restes du Récent Bronze ont aussi été trouvés, mais les données sont plus minces, laissant croire que le site ne fut pas occupé à cette période.
L’époque du Fer quant à elle est beaucoup mieux représentée puisque des objets et des constructions de cette époque ont été trouvés partout où les fouilles ont été menées à Silo. Nous concentrerons notre attention sur une découverte de l’époque du Fer effectuée dans le chantier C des fouilles israéliennes. Pour bien vous orienter dans ce qui suit, identifiez sur les plans la flèche qui indique la direction Nord.
Le plan du tell indique tous les chantiers fouillés (indiqués par des lettres majuscules).
Notez tout de suite, sur le plan, la ligne de mur (en pointillés) qui va du gros mur Nord-Ouest, à la construction Ouest du chantier C des fouilles. Cette ligne de mur, déjà amorcée dans le chantier Nord-Est, est celle du mur en glacis de l’époque du Bronze moyen. Vous aurez noté que la ligne de mur suit le sommet du tell, presque toujours à la même hauteur (selon les courbes de dénivellation).
Plan du chantier C selon le rapport des fouilles
Le chantier C
Ce chantier avait déjà été ouvert en 1926-32 mais il fut retravaillé en 1981-84 par l’équipe israélienne. Il est situé sur le versant Ouest du tell. La grosse muraille du Bronze moyen passait par ici à l’époque. Les habitants de l’époque du Fer ont élevé ici une construction, adossée à la muraille du Bronze moyen, en plein milieu du mur à glacis de la même époque. Ce mur à glacis partait de la muraille de pierre et descendait le long de la pente Ouest du site. En fait, les murs Nord (gauche) et Sud (droite) de cette construction donnent sur le glacis dans lequel on a creusé à l’époque du Fer. Ce qui veut dire que les côtés Nord et Sud du bâtiment utilisent une partie du mur à glacis du Bronze moyen, et que le côté Est est adossé à la muraille de pierres. Seule la partie Ouest est libre et ouverte sur l’avant.
L’édifice est en fait divisé en deux parties. La partie inférieure est composée d’un hall de terre battue au milieu duquel se trouve un petit puits (le cercle au-dessus de 335). Il est probable que l’on accédait à ce hall en descendant de la portion supérieure de l’édifice. Peut-être y avait-il à l’époque des marches qui permettaient d’y descendre, mais celles-ci ont disparu. On pense que ce hall pouvait servir de cellier à la portion supérieure.
Vous voyez sur le plan que les murs Sud, Ouest et Nord du hall sont en gris foncé, ce qui permet d’affirmer qu’ils ont été retrouvés au complet. Le mur Est cependant n’est pas tout à fait complet. Sa portion Nord est hachurée, signe qu’il a disparu avant la fouille, mais qu’on peut le reconstituer en suivant le reste de sa ligne. Dans la portion Sud on voit que le mur est gris, mais on distingue aussi trois petits cercles gris pâle et un plus gros. C’est que le mur de soutènement séparant la portion supérieure et le hall inférieur était composé principalement de petites pierres mais aussi de colonnes. Ce sont elles qui sont symbolisées par les petits cercles gris pâle.
La section supérieure, quant à elle se divise en deux parties. La partie Sud est formée d’une grande chambre dont une partie possède un plancher en galet (D392). Cette chambre possède également une série de bases en pierre qui ont dû recevoir de petites colonnes de bois servant à supporter le toit. La partie Nord, quant à elle, est formée de trois pièces. Une pièce centrale (335) en terre battue dans laquelle on a creusé un petit puits rond (cercle en haut de 335) et deux pièces à chaque extrémité dont les planchers sont faits de galets plats et qui possèdent chacune des bases de pierre pour soutenir des colonnes. Ajoutons à ceci un petit bout de mur avec trois bases de colonnes dans la portion Est.
Reconstitution isométrique du chantier
Pour faciliter notre compréhension des espaces, un dessinateur a produit cette reconstitution en trois dimensions. Le gros mur du Bronze moyen est en haut, les hachures à gauche et à droite sur le dessin symbolisent le mur à glacis. Entre ces hachures, l’édifice proprement dit, avec ses murs relevés (en sachant qu’on n’en retrouve habituellement que les portions inférieures). Les murs Nord et Sud s’accotent sur le glacis, tandis que le mur Est le fait sur le gros mur de pierres du Bronze moyen. Vous voyez aussi, dans chacune des pièces, les bases de pierre qui possèdent des colonnes de bois. On voit bien aussi le hall inférieur avec son cercle central et, appuyées au mur Est, l’artiste a dessiné des amphores. Pourquoi? On a dit tout à l’heure que ce hall aurait pu servir de cellier. Pourquoi cette affirmation? La réponse se trouve sur le mur qui sépare les portions Sud et Nord de la section supérieure. Si vous regardez bien le long de ce mur, l’artiste a dessiné une série d’amphores placées les unes à côté des autres, bien alignées. Observez bien cette pièce. On voit que le sol est fait de pierres plates, restes du mur à glacis.
Une rangée de pithoi dans l’édifice 335.
Les jarres à Silo
Voici comment les choses ont été trouvées durant la fouille. Juste devant nous, sur le sol, les grosses pierres plates de la pièce où se trouvent les jarres. À droite, debout mais brisées, les bases de grandes jarres dont le cul en pointe reposait dans un petit orifice pratiqué à même le sol. On distingue très bien quatre bases de jarres parfaitement bien conservées et encore en place.
C’est la découverte d’une trentaine de jarres semblables dans tout l’édifice qui fait dire aux archéologues que l’on doit avoir affaire ici à une fabrique de vin, d’où l’hypothèse voulant que le hall inférieur devait servir de cellier. D’ailleurs, dans un rapport préliminaire des fouilles à Silo, Israël Finkelstein fait cette remarque intéressante : « dans la pièce pavée gisait une réserve de raisins carbonisés en parfait état de conservation. » [1] Sans compter les silos creusés sur le site, cette découverte et les autres pièces semblables où les archéologues ont retrouvé des jarres démontrent assez bien la vocation agricole des environs de cette ville antique. Et la découverte du cellier en particulier confirme la production de vin à l’époque du Fer.
Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.
[1] Israël Finkelstein, « Seilun (Silo) – 1983 », Revue biblique 91/3 (1984) 404.