Lampes de différentes époques (photo et illustrations © Sylvain Campeau)
Lampes à l’huile et datation
Robert David | 9 mars 2020
Les objets en céramique, c’est-à-dire ceux fabriqués en terre cuite, sont un élément important de datation utilisé par les archéologues du Proche-Orient ancien. Contrairement aux objets fabriqués à partir de matières organiques (peau, bois, tissus, etc.), ces objets ont résisté à l’épreuve du temps. Nous nous attardons ici à un type d’objet en céramique, la lampe, qu’on retrouve en grande quantité – entières ou brisées – dans toutes les strates d’un chantier de fouilles.
Voici comment l’étude de la céramique a permis aux archéologues d’en faire un outil précieux de datation. On a remarqué que la technique de fabrication et la forme des objets en céramique a lentement évolué au cours des siècles. Quand il est possible d’associer un type de lampe, par exemple, à une période relativement précise de l’histoire, nous avons un indice de datation qui peut être combiné avec d’autres indices et permettre de situer dans le temps les vestiges qui sont exhumés.
L’évolution de la céramique
L’un des objets les plus intéressants à comparer pour comprendre l’évolution des techniques de fabrication des poteries, c’est la lampe à l’huile. Objet commun dans toute maison depuis une époque très reculée, la lampe à l’huile a subi des modifications de formes et de décorations qui permettent aux archéologues de dater les couches archéologiques.
Nous voyons parfaitement bien sur les deux illustrations suivantes les différentes phases de cette évolution, depuis la période du Moyen Bronze jusqu’à la période byzantine. Si une image ne permet pas d’apprécier les diverses textures des glaises utilisées, la variation des formes permet d’observer un phénomène évident : plus on va vers la droite (voir l’illustration ci-dessous), plus les becs des lampes sont fermés.
La lampe de l’Ancien Bronze n’était pas tellement différente d’une assiette remplie d’huile, dans laquelle on faisait tremper une mèche. Au Moyen Bronze, on a commencé à pincer un peu le rebord de l’assiette pour y déposer la mèche, qui pouvait ainsi mieux tenir (illustration 1). En pinçant plusieurs endroits, on pouvait mettre plusieurs mèches, obtenant ainsi plus de luminosité (illustration 2). Au Fer I, on se contente de pincer un peu plus le bec (illustration 3), alors qu’au Fer II, on innove un peu en faisant reposer la lampe sur un petit piédestal qui lui donne plus de stabilité (illustration 4).
Le bec des lampes ne sera complètement fermé qu’à partir de l’époque perse (illustration 5) et ce n’est qu’à l’époque hellénistique que l’on fermera également le corps de la lampe destiné à contenir l’huile (illustration 6). Le bec allongé est typique de cette époque.
À la période romaine, les becs sont plus courts comme on peut le voir sur la lampe impériale (illustration 7) et celle de l’époque hérodienne (illustration 8). Ce dernier type se démarque par son bec en forme d’enclume. À partir de cette époque, on décore de plus en plus les lampes de motifs géométriques, ou de diverses scènes avec des animaux ou des humains. La lampe n’est plus seulement utilitaire ; elle devient un objet de décoration. On a trouvé de véritables « lustres », des lampes richement décorées, possédant jusqu’à une vingtaine de becs.
À l’époque byzantine, les potiers poursuivront dans la foulée des lampes romaines, ajoutant cette fois des motifs juifs (une menorah stylisée par exemple) ou chrétiens (une croix) aux décorations (illustration 9). Sur les lampes chrétiennes de cette époque, il n’est pas rare de voir des inscriptions grecques où le Christ est présenté comme la lumière du monde.
L’étude des lampes et de la céramique en générale ne nous donne pas des indices de datation aussi précis que les monnaies. Mais les monnaies sont rares et elles n’apparaissent dans l’ancien Israël qu’au VIe siècle avant notre ère. L’étude de la céramique demeure donc un repère fondamental qui est encore largement utilisé aujourd’hui pour dater les vestiges d’une campagne de fouilles archéologiques.
Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.