(photos © Tel el-Far‘a New Archaeological Project)

Tirça, première capitale du royaume du Nord

Sylvain Campeau Robert DavidSylvain Campeau et Robert David | 13 janvier 2020

Selon le récit du livre de Josué, Tirça est l’une des cités-États cananéennes prises par les Israélites (Jos 12,24). Elle deviendra ensuite, sous le roi Jéroboam Ier, la première capitale du royaume du Nord, avant d’être déplacée vers Samarie.

L’identification du site

Associer une ville antique avec un lieu mentionné dans la Bible est souvent une tâche difficile. Quand les chercheurs se sont penchés sur le cas de tell el-Farah, une colline située à 11 km au nord-est de Sichem, William F. Albright a été le premier à proposer qu’on venait de découvrir Tirça [1]. Son intuition a été confirmée par l’École biblique et archéologique française de Jérusalem (ÉBAF) qui a mené neuf saisons de fouilles sur le site (1946-1960) sous la direction du père Roland de Vaux.

Dans ses rapports préliminaires [2], l’archéologue français y décrit des établissements humains qui remontent à l’époque chalcolithique, et une occupation continuelle depuis le Bronze récent II jusqu’au Fer II. Pendant la période israélite qui nous intéresse particulièrement (Fer), on observe les restes d’un royaume en formation : un site relativement petit et non fortifié mais qui a révélé un nombre relativement important de sceaux, témoins de l’existence d’un centre administratif [3].

De Sichem à Tirça

Le Premier livre des Rois (12,25) indique que Jéroboam établit d’abord sa capitale à Sichem mais qu’il la déplaça ensuite à Tirça (14,17). Le même livre confirme que ce choix a été maintenu par ses successeurs : Basha (15,21 ; 15,33), Éla (16,8), Zimri (16,15) et Omri, pendant la première partie de son règne (16,23). On peut donc considérer Tirça comme la première capitale du royaume du Nord pendant une cinquantaine d’années environ, avant d’être supplantée par Samarie, capitale des Omrides (la dynastie du roi Omri et de ses descendants).

De Tirça à Samarie

C’est à Tirça que Omri vint affronter Zimri, mais celui-ci, après sept jours, s’enferma dans le palais et s’y suicida en y mettant le feu (1 R 16,15-18). La division des troupes entre Omri et Tibni, successeur de Zimri, dura près de quatre ans, après quoi Omri s’y installa pour un temps avant de tout transférer à Samarie (1 R 16,23-24).

Des signes d’abandon sont nettement visibles dans la strate du site qui correspond au règne d’Omri (882-871 avant notre ère) : les archéologues ont observé des murs et des bâtiments inachevés. Tirça ne restera alors qu’une petite ville sans importance. Elle ne réapparaîtra dans les textes bibliques qu’en 2 R 15,14 alors que le roi Menahem, dans sa conspiration contre Shalloum, partit de Tirça pour monter contre Samarie. La ville tombera ensuite aux mains des Assyriens, comme le reste du royaume du Nord, en 721. Elle ne sera plus occupée par la suite.

fouilles à Tirça

Tirça aujourd’hui

Depuis les campagnes de fouilles de l’ÉBAF, le site a connu une longue période d’abandon. Il était fréquenté par quelques mordus d’histoire et d’archéologie et quelques bergers qui y conduisaient leurs chèvres et leurs moutons pour se régaler dans les ronces. Les activités agricoles ont repris en bordure du site, empiétant même sur une partie des locus fouillés par de Vaux.

Si l’identification de tell el-Farah ne pose aucun problème pour une majorité de chercheurs, il faut savoir qu’aucune inscription n’a été trouvée sur le site. Une équipe d’universitaires espagnols a donc repris les fouilles pour tenter de confirmer l’hypothèse de l’identification du site (ou en proposer une nouvelle). Une seule campagne a eu lieu pour l’instant, en octobre 2017, et il faudra attendre la publication de leurs travaux et les discussions qu’elles provoqueront.

Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction. Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.

[1] W.F. Albright, « The site of Tirzah and the topography of western Manasseh », Journal of the Palestine Oriental Society 11 (1931) 241-251.
[2] Des rapports préliminaires de fouilles ont été publiés par l’archéologue dans la Revue biblique entre 1947 et 1961 mais le rapport final n’est paru qu’en 1984 et se limite à la période israélite : Alain Chambon, Tell el-Far‘ah I, l’âge du Fer, Paris, Éditions Recherches sur les civilisations 31.
[3] Pour une présentation intéressante de la stratigraphie du site, nous recommandons la lecture suivante : Israël Finkelstein, Le royaume biblique oublié, Odile Jacob, 2013, pp. 109-120.

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.