(photo : Wikipedia)
La synagogue de Beth Alpha
Robert David | 10 décembre 2018
Situé aux pieds des montagnes de Guelboé, dans la plaine de Yzréel, à quelques kilomètres à l’Ouest de Beth Shean, Beth Alpha est un site qui vaut le détour pour tous les visiteurs qui ont conservé leur cœur d’enfant. Son ancienne synagogue est l’un des petits bijoux d’Israël en raison de ses mosaïques empreintes de candeur et d’une certaine naïveté.
C’est en 1929 que la synagogue fut trouvée, par hasard, alors que les membres d’un kibbutz de la région s’afféraient à creuser un canal pour emmener l’eau vers les champs tout proches. On arrêta les travaux et l’on fit appel aux archéologues Eliezer Sukenik et Nahman Avigad pour mener les fouilles. Celles-ci permirent de mettre au jour une synagogue du sixième siècle, une inscription en précisant la date.
Plan de la synagogue selon Eleazar L. Sukenik, The Ancient Synagogue of Beth Alpha, Georg Olms Verlag, 1975.
Le plan de la synagogue (28 x 14 m) correspond à celui des autres édifices du même type et datés de la même époque. On y reconnaît le style « basilical » avec un atrium (9,5 x12 m) possédant une porte côté Ouest, un narthex (3 m de largeur) et une structure principale possédant une allée centrale (5,5 m) avec porte côté Ouest, et deux ailes latérales (2,75 m et 3 m) séparées les unes des autres par deux rangées de cinq colonnes. Trois portes, côté Nord, ouvraient sur chacune des allées depuis le narthex. L’ensemble, orienté presque Sud/Nord, fait face à Jérusalem, comme de coutume. Une abside, d’une profondeur de 2,5 m, indique l’endroit où l’on déposait les rouleaux sacrés (arche de la Loi), côté Sud. On y a aussi trouvé une petite cachette où l’on déposait peut-être des objets précieux. On accédait à cette abside par trois marches placées à son entrée. Le long des murs Est, Sud et Ouest on avait aménagé des banquettes pour permettre aux membres de la communauté de s’asseoir durant la lecture des textes et l’enseignement du rabbi.
La beauté de la synagogue ne réside cependant pas dans son architecture. Ce sont les mosaïques qui ornent les planchers qui confèrent à cette petite synagogue son charme et sa candeur. Quelques motifs géométriques ont été trouvés dans l’atrium et le narthex, mais c’est dans la structure principale que l’on trouve les plus intéressants. L’aile latérale Est n’a presque rien conservé du plancher. Celle du côté Ouest possède divers panneaux à motifs géométriques. Bien que ces mosaïques soient intéressantes, c’est sans conteste celles qui occupent le centre de la synagogue qui retiennent l’attention.
(photo : Pinterest)
La mosaïque centrale est composée de trois panneaux et d’une inscription, le tout entouré de losanges dans lesquels on a inséré des fruits, des animaux et des poissons, des oiseaux et une figure humaine. Le panneau Sud (celui du haut ici) montre quelques objets cultuels, dont une représentation de l’arche de la Loi, deux menorah (chandelier à sept branches), deux gerbes, une pelle à encens, un shophar (trompette en corne de bélier), deux oiseaux et deux lions qui gardent l’accès à l’arche.
(photo : Pinterest)
Le zodiaque
Le panneau central permet de voir une représentation de la voûte céleste et des saisons. Observons un peu ce qu’elle comporte.
Au centre, le dieu soleil, Hélios, monté sur un quadrige. Sa tête est auréolée de six rayons, à côté desquels on distingue la présence de la lune et des étoiles. D’autres étoiles sont représentées sous Hélios et aux pieds des chevaux.
Autour d’Hélios, dans un grand cercle délimité par une torsade, les signes du zodiaque. Représentation naïve et enfantine en comparaison de celle de Tibériade, il se dégage une fraîcheur de ce tableau, inégalée dans toutes les mosaïques trouvées en Israël. L’année commençant au printemps, il faut amorcer l’observation par la droite si on veut suivre la succession des signes à travers l’année. Allons dans la direction contraire aux aiguilles d’une montre et prenons le temps d’admirer comment l’artiste a présenté les divers signes (qu’il identifie aussi par leurs noms écrits en hébreu) : Bélier, Taureau, Gémeaux, Cancer, Lion, Vierge, Balance, Scorpion, Sagittaire, (Capricorne brisé), Verseau, Poissons.
Dans les quatre coins de ce panneau, l’artiste a symbolisé les saisons par des demoiselles ailées (anges) : Printemps en haut à gauche avec un poussin, Été en bas à gauche avec une corbeille de pains, Automne en bas à droite avec des récoltes de fruits, et Hiver en haut à droite (avec on ne sait trop quoi).
Quelques questions s’imposent quant à l’organisation de l’ensemble. En observant bien la place des signes par rapport aux saisons, on constate qu’il y a décalage de 90 degrés. En effet, Bélier, Taureau et Gémeaux sont placés en face du symbole de l’hiver, alors que ce sont des signes de printemps. Ainsi en est-il pour tous les signes, qu’il faudrait faire pivoter de 90 degrés vers la gauche pour qu’ils soient tous associés à la bonne saison. Pourquoi avoir fait autrement? En vérité, ceci reste sans réponse. À moins que l’artiste ait voulu mêler volontairement les signes en réaction aux pratiques astrologiques mal vues chez les Juifs. En agissant de la sorte, les symboles du zodiaque ne représenteraient plus que la voûte céleste, sans référence à l’astrologie. Mais ceci n’est qu’une hypothèse.
Deuxième observation. Une torsade délimite l’espace des signes entre le cercle d’Hélios en bas, et les saisons en haut. Cette même torsade se rejoint et vient grouper ensemble le trio Sagittaire, Capricorne et Verseau, ainsi qu’un autre trio : Poisson, Bélier, Taureau. Par la suite elle regroupe quatre signes : Gémeaux, Cancer, Lion et Vierge puis, finalement deux signes : Balance et Scorpion. Pourquoi cet arrangement 3-3-4-2? Simple distraction? Organisation délibérée pour la même raison que celle signalée plus haut? Nous ne le savons pas.
Signalons en terminant que cette représentation du zodiaque, dans cette forme et selon cet arrangement, est tout à fait unique en Israël. Dans la suite de cet article, nous examinerons en détail la première scène observée pour les visiteurs qui entraient dans la synagogue.
Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.