(photo : Pinterest)
La plaine de Yizréel
Robert David | 8 octobre 2018
On présente souvent la plaine de Yizréel (appelée plaine d’Esdrelon à l’époque hellénistique) comme étant le grenier d’Israël et de la Palestine. En hébreu, son nom signifie d’ailleurs « Dieu sème » et on peut la comparer aux prairies canadiennes, en miniature! La division en lots donne l’impression d’un damier sur la photo et chacune des parcelles sont autant de zones de cultures différentes, appartenant à des fermes collectives (kibbutz) ou privées (moshav).
Posséder ces riches terres agricoles, c’est aussi posséder les ressources pour nourrir la population et pour faire de l’exportation. Pas étonnant que l’on se soit battu, tout au long de l’histoire, pour le contrôle de ces terres. Celui qui contrôlait cette longue plaine de 60 km de long entre la Méditerranée et la vallée du Jourdain, par 20 km de large entre la Galilée et la Samarie, jouissait d’un pouvoir économique important.
Il en allait ainsi dans l’Antiquité et il en va de même aujourd’hui. Une partie importante des revendications des Palestiniens d’aujourd'hui vient de ce qu’ils possédaient ces riches terres agricoles, jusqu’à ce qu’on les en expulse pour les donner aux colons juifs en 1948, et qu’on déporte la population palestinienne dans des camps de réfugiés. Le problème est complexe, il faut en convenir, mais il importe aussi d’en connaître une partie des causes. La richesse de la plaine de Yizréel en est une.
Dans la Bible, le sort des Palestiniens peut être mis en parallèle avec celui de Naboth qui possédait une vigne dans la plaine. Le roi Akhab voulait en faire l’acquisition mais le vigneron refusa de céder l’héritage de ses pères (voir 1 R 21). Le roi réussi quand même à prendre possession de la vigne après une intervention rusée de son épouse Jézabel.
La ville ancienne du même nom
Localité de la tribu d’Issachar (Jos 19,18), son nom s’est étendu à l’ensemble de la plaine fertile. Érigée sur un tertre d’une centaine de mètre, la ville servait de poste de garde, avec Shunem, pour contrôler l’accès oriental à la plaine. Cette thèse est appuyée par les fouilles qui ont révélé la présence d’une grande forteresse de l’époque du Fer. Elle a aussi été le lieu de résidence de quelques rois d’Israël (Akhab selon 1 R 18,45-46; Joram selon 2 R 8,29) et le théâtre de la mort de Joram et de Jézabel (2 R 9,14-37).
Un lieu de conflits
En plus de fournir l’espace approprié à la culture des céréales, la plaine de Yizréel possède un atout non négligeable pour les armées antiques. C’est l’une des rares régions non montagneuses du pays. C’est donc un endroit de prédilection pour les affrontements entre armées. L’histoire biblique y situe quelques épisodes marquants : Baraq contre Sisera (Jg 4,12-16); Gédéon contre les envahisseurs de Transjordanie (Jg 6,33; 7,12); Saül contre les Philistins (1 S 29,1.11).
Dans l’imaginaire biblique la vallée de Yizréel, que l’on nommait aussi vallée de Megiddo, doit être le lieu de l’affrontement final entre les forces du mal et les forces du bien, le Harmageddon (littérallement « montagne de Megiddo ») de Za 12,11 et d’Ap 16,13-16.
Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.