chronique du 15 décembre
2006
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Larchéologie et les angesLes anges ou « messagers » de Dieu nont dintérêt pour larchéologue que dans la mesure où ils correspondent à des figures concrètes! Larchéologue, en effet, ne découvre pas des « idées » mais leurs représentations. La hiérarchie danges la mieux
connue dans lÉcriture et la tradition chrétienne,
est sans conteste celle des chérubins. Liconographie chrétienne
les représente comme de jolies têtes denfants, rondes
et rosées, munies dune ou deux paires dailes. Dans
le langage populaire on leur fait référence pour dire quune
personne est jolie, gracieuse ou encore quon laffectionne
de façon particulière. Mais les découvertes archéologiques
nous ont encore ici réservé quelques surprises! Ivoire de Samarie du VIIIe siècle :
un chérub passant. Une première remarque doit être tirée à partir de la découverte des textes anciens. Le mot chérubin nest évidemment pas dorigine française! Il est tout simplement la transcription du kerûbîm hébreu, le pluriel de kerûb; en toute logique, nous devrions plutôt dire un « chérub » et non « chérubin », si nous voulons désigner un seul de ces anges. Nous savons maintenant que ce terme hébreu correspond au karîbu des textes mésopotamiens, qui désigne un génie (ou un esprit) dont la fonction est de garder quelque chose où dintercéder pour quelquun. Le verbe (karâbu) dont dérive le nom signifie « prier, bénir, saluer ». Larchéologie nous a fait connaître plusieurs de ces génies qui sont toujours représentés comme des être hybrides réunissant des éléments de corps dun homme, dun animal et dun oiseau. Des taureaux à têtes humaines et munis dailes sont postés dans les portes des villes, des palais et des temples, comme leurs gardiens fidèles. On peut en voir de magnifiques exemplaires dans les grands musées dEurope! On les appelait des lamassu. Mais à quoi pouvait ressembler les chérubins? Étant donné leur fonction, dans le Proche-Orient ancien, on les a rapprochés du sphinx (et de la sphinge), qui nest rien dautre quun lion ailé à tête humaine (si ce lion ailé a une tête doiseau, on lappelle un griffon). En effet cette figure est connue dans tout le Proche-Orient depuis le IIIe millénaire; on le rencontre ensuite en Grèce et même en Italie, chez les Étrusques. En Égypte, le sphinx symbolise la force; cest pourquoi le pharaon se fera souvent représenter sous la forme dun sphinx. Mais cest surtout comme gardien des portes des villes, des temples et des palais quon nous le fait connaître. On entrait parfois dans un temple en passant dabord par une allée bordée de nombreux sphinx. Cette fonction est connue en Mésopotamie et chez les Hittites, en Asie Mineure. Détail de la plaquette divoire
de Megiddo (XIVe siècle avant J.-C.) montrant un roi assis sur
un trône à chérubins, entouré de la reine,
de porteurs de cadeaux et dune joueuse de lyre. Partout où on le rencontre, sauf en Mésopotamie, on le trouve aussi comme gardien des trônes des rois et des dieux. Dans cette fonction, on le représente en paire, constituant même le siège sur lequel le roi et le dieu sassied. Le corps et quatre des pattes de ces lions particuliers servent de siège, leurs têtes, daccoudoirs, et leurs ailes relevées et courbées, de dossier. Le personnage qui sassied sur ce type de trône est littéralement assis sur des sphinx, comme enveloppé dans leur force protectrice. En Phénicie, on a fait la découverte dun bon nombre dun type particulier de ces trônes à sphinx, sur lesquels personne ne peut sasseoir : le siège est à la fois trop étroit et de plus fortement incliné vers le bas! Par contre, sur le dossier ou sur son socle, on sculpte les symboles dune divinité. Ainsi, de façon invisible, tel dieu ou telle déesse y prend place en roi ou reine. Ivoire de Gurub (Égypte) du VIIIe siècle : deux chérubins flanquant une palmette. Cependant leur fonction la plus largement et la plus souvent représentée, à toutes les époques de lAntiquité, est nettement celle de gardien de larbre sacré, en général le palmier, qui est presque toujours présenté sous sa forme très stylisée, où lon devine à peine les branches et les régimes de dattes : nous lappelons une « palmette ». Cest ainsi que sur une foule dobjets (poteries, supports à bassins, plaquettes décoratives, fresques, etc.) nous voyons deux sphinx (ou sphinges) flanquant une palmette. Larbre sacré, symbole de la fertilité et de la vie en tant que don divin, est perpétuellement confié à la garde de ces génies protecteurs. Si nous nous tournons maintenant vers les principaux textes de lAncien Testament mentionnant les chérubins, nous devons bien retenir les traits suivants. Tout dabord, en Ez 28,14, on assimile le roi de Tyr, fort du caractère invincible de sa ville, à un chérubin directement qualifié de génie protecteur, ce qui confère au roi une quasi nature divine! Nous rencontrons encore les chérubins à la fin du récit de la chute du premier homme. Puisquil a désobéi à Dieu en mangeant du fruit de l« arbre de la connaissance du bien et du mal », il est chassé du paradis, où croît toujours l« arbre de vie » (sans doute un palmier); pour que lhomme ny ait plus accès, Dieu place devant ce jardin deux chérubins! (Gn 3,24). On pouvait voir sur les murs intérieurs du temple de Salomon des chérubins flanquant des palmettes (1 R 6,29); le même motif décoratif était sculpté sur les portes intérieures du temple (1 R 6,32.35), et sur les bases roulantes des bassins à purification dans la cour du temple (1 R 7,36). Surtout, cest en relation avec larbre dalliance que sont mentionnés les chérubins. Il est remarquable de noter que Yahvé porte alors le nom très développé de : « Yahvé des armées siégeant sur les chérubins » (1 S 4,4; 2 S 6,2; 2 R 19,15; Ps 80,2; 99,1; etc.); on dira même de façon plus réaliste quil « chevauche les chérubins » (2 S 22,11). Quand Salomon eut terminé la construction du temple, il fit installer larche dans la salle la plus sacrée de ce lieu saint, confiée à la garde de deux chérubins (1 R 6,23-28). Si Yahvé est désormais invisiblement ou mystérieusement présent dans le saint des saints, sur ce symbole de sa présence quest larche (1 R 8,1ss) et si nous nous rappelons son titre de « siégeant sur les chérubins », on peut facilement se représenter larche comme un trône (vide) à sphinx, assorti de son tabouret, ce qui lui confère ainsi son caractère de coffret, auquel il est aussi fait allusion (entre autres pour déposer les tables de la loi : v. 8-9). Il est inutile dinsister : ce que larchéologie nous révèle de la fonction et de la forme du sphinx, nous y reconnaissons facilement ce génie protecteur appelé karîbu en Mésopotamie, et kérûb/kérubîm en Israël. Les témoignages écrits et figurés sont trop en consonance pour que nous puissions en douter. Tout en restant fidèle à un seul Dieu, Yahvé, Israël a voulu que son Dieu, de même que son roi, soient protégés par ce génie puissant entre tous! Et que dire de l« arbre de vie », symbole si évocateur que toute vie est un don direct de ce même Dieu! Par lusage dun tel symbole, Israël na pas voulu affaiblir sa foi monothéiste. Source : Parabole xi/3 (1989).
Lire aussi : Les
anges de la première alliance Article précédent :
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