chronique
du 16 janvier 2004
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Quel beau naufrage! Dans le Livre de Jonas, un récit fort coloré que nous lisons toujours, un auteur anonyme du Ve siècle avant J.-C. met en scène un prophète qui a vécu trois siècles auparavant. La tradition n'a conservé ni ses paroles ni ses discours (2 Rois 14,25). Selon ce livre, Jonas reçoit l'ordre d'aller convertir Ninive, la plus scélérate de toutes les villes! Effrayé par une telle mission, Jonas s'enfuit à Tarsis, un port à l'ouest de la mer Méditerranée - peut-être en Espagne - , à bord d'un bateau phénicien! Mais Ninive ne se trouve-t-elle pas fort loin à l'est, par-delà le grand désert de Syrie? Jonas doit traverser un désert, et il fuit par la mer! L'auteur du Livre de Jonas décrit avec habileté une forte tempête en haute mer. Un naufrage semble inévitable. Désespérés, les matelots jettent la cargaison par-dessus bord, pour alléger d'autant le navire. La menace perdure. Dans une ultime tentative de salut, ces matelots de diverses origines invoquent leurs dieux qui restent sourds à leurs prières. Mais le passager Jonas dort! Interrogé par le capitaine, il avoue sa « faute » et demande qu'on le jette lui-même à la mer. La tempête se calme alors. Le texte en conclut qu'il était bien le coupable. De grands navigateurs Les Phéniciens régnaient en maîtres sur la mer Méditerranée depuis des siècles déjà. Ils sont sans doute les plus grands marins de l'Antiquité. Le prophète Ézéchiel (chapitre 27) décrit avec force détails la construction de superbes navires que seuls les Phéniciens réussissaient à créer. Il énumère les riches marchandises qu'ils transportaient dans les grands ports de cette vaste mer intérieure. Tant de beauté et tant de force ne pourront triompher, toutefois, de la violence des eaux agitées par la tempête, comme en témoigne encore Ézéchiel. Jonas s'embarque à Joppé, petit port phénicien situé au sud de la Tel-Aviv actuelle. À quelques kilomètres encore plus au sud, les Phéniciens s'arrêtaient dans un autre port bien connu, Ascalon. Récemment, une petite équipe d'archéologues sous-marins ont fait une étonnante découverte, à une quarantaine de milles à l'ouest des côtes d'Ascalon, où les eaux atteignent 400 m de profondeur. De riches cargaisons
Les vestiges de deux navires phéniciens de 18 et de 15 m de longueur demeurent enlisés dans l'argile fine de ce fond marin. Le bois des ponts s'est dissous dans la mer, mais les cargaisons sont intactes. Les navires transportaient respectivement 400 et 350 amphores à vin, d'une capacité de 16 à 19 litres. Le modèle des amphores est connu dans la Syrie-Palestine du VIIIe siècle av. J.-C., donc au temps du prophète Jonas! (fig. 1). Les amphores étaient remplies de vin, car un enduit de résine recouvre leurs parois intérieures selon la coutume de l'époque. Le rangement des amphores épouse la forme des bateaux. Autres détails soigneusement observés : une ancre de pierre gisait à la poupe de l'un des navires, une marmite (fig. 2) reposait près des débris d'un mât (il faut bien cuisiner à bord); même un récipient pour condiments avait survécu au naufrage. Voilà une illustration peu banale de l'art phénicien de la navigation. Malheureusement la recherche doit s'arrêter ici. À une telle profondeur, et à trois millénaires près, comment espérer retrouver autre chose que ces objets de terre cuite, résistants et rigides? Assurément, ce ne fut pas là le seul naufrage; d'autres recherches seraient fort souhaitables. Guy Couturier, CSC Source : Parabole xxv/3 (2003). Un sceau à titre étonnant
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