chronique
du 11 avril 2003
|
|||||
Eunuque : vraiment? Les Israélites ont eu beaucoup de mal à respecter leur foi envers un seul Dieu, Yahweh. À la fin du VIIe siècle av. J.-C., le roi Josias donne un solide coup de balai à une foule de pratiques peu orthodoxes (2 R 23). Entre autres : « Il fit disparaître les chevaux que les rois de Juda avaient dédiés au soleil, à lentrée du temple de Yahweh, près de la chambre de leunuque Nâtan-Mélèk, dans les annexes, et il brûla au feu, le char du soleil (v. 11) ». Il sagit ici du grand dieu Ré ou Shâmash, parcourant la voûte céleste, chaque jour, sur un char tiré par des chevaux. Le monument à ce dieu est situé près des bureaux dun certain Nâtan-Mélèk, décoré du titre d« eunuque ». On se doute bien de ce que le titre signifie « pour son porteur ». Mais est-ce bien là son vrai sens? Le sens dun mot Le mot hébreu sârîs, couramment traduit par « eunuque » apparaît une soixantaine de fois dans lAncien Testament. Ce sens ne simpose pourtant que dans de rares cas dont Siracide 30,20 : « (lidolâtre) est comme un eunuque qui étreint une vierge et soupire! » (voir aussi : Is 56,3-4; Est 2,3.14-15; 4,4-5). Si le terme désigne bien un eunuque, ce nest cependant quà partir du Ve ou du IVe siècle av. J.-C. Lorigine du mot sârîs est maintenant bien connue : il sagit du shâ réshî mésopotamien qui signifie « celui qui est à la tête de... », devenu sârîs en hébreu avec le sh prononcé comme un simple s. Cest un titre de fonctionnaire, pouvant être précisé en ajoutant le lieu ou lobjet de son travail. La quasi-totalité de ses mentions en hébreu séclairent daprès leur contexte. Et il en va ainsi de « notre » Nâtan-Mélèk, car un eunuque na pas grand-chose à faire dans le temple. Le harem est ailleurs... Figure 1 : Lempreinte du sceau du serviteur du roi Une découverte récente justifie bien notre interrogation quant à la vraie fonction de ce personnage. Lempreinte dun sceau personnel porte en clair linscription suivante : « À Nâtan-Mélèk serviteur (ébèd) du roi » (fig. 1). Il nest pas du tout farfelu de croire que nous sommes en présence du même personnage. Trois mentions... un personnage Tout dabord, le fonctionnaire Nâtan-Mélèk, dont le nom figure sur le sceau et l« eunuque » du récit vivent à la même époque, fin du VIIe siècle av. J.-C., à Jérusalem, comme le sceau en fait foi. Les deux sont au service du même monarque. De plus, seul le Livre des Rois mentionne ce nom très rare, pour ne pas dire unique. Rien ne soppose donc à ce quil sagisse du même personnage. Un deuxième sceau, trouvé à Jérusalem, dans les ruines de la ville détruite en 587 av. J.-C., porte une empreinte qui se lit comme suit : « À Nâtan qui est sur la maison » (fig. 2). Ce Nâtan est sans doute le même que les deux autres : lutilisation dun nom abrégé est fréquente. Et son titre « qui est sur la maison » est celui dun très haut fonctionnaire. Figure 2 : Lempreinte du sceau de Nâtan Si nous comparons les trois titres mentionnés ici, les sârîs (« celui qui est à la tête de... ») sont chargés dhumbles tâches, comme lentretien de la cour royale ou des lieux de service divin. Les ébèd (« serviteur ») sont des ministres de haut niveau, siégeant au conseil ou au cabinet du roi. Leurs responsabilités concernent en premier lieu la bonne marche de létat. Enfin, le « qui est sur la maison » est le titre le plus important de la fonction publique : il correspond, en gros, à celui de « premier ministre » de nos sociétés modernes, le mot « maison » faisant référence à lensemble du royaume. Ce faux eunuque, Nâtan-Mélèk, de simple fonctionnaire obscur, devint membre du conseil pour atteindre enfin le plus haut poste de ministre en chef. Un tel parcours ne force en rien le sens des titres donnés à ce Nâtan-Mélèk. Guy Couturier, CSC Source: Parabole xv/1 (2002). Article précédent
:
|
|||||
| Accueil | DÉCOUVERTE (index) | Archéologie (index) | Vous avez des questions? | www.interbible.org
|
|||||