(photo © ACRB)

L’évolution de la transmission du récitatif biblique

Hélène PinardHélène Pinard | 31 mai 2021

On doit à Marcel Jousse (1886-1961) des recherches pour comprendre la tradition orale dans diverses cultures et particulièrement dans la culture araméenne à l’époque de Jésus. Pour vérifier la théorie qu’il en avait dégagée, il a développé une approche originale pour la transmission de la Parole. Il ajuste des mélodies aux textes évangéliques et avec l’assistance de Gabrielle Baron, ils mettent en gestes ces textes et les transmettent. C’est auprès de cette dame que Louise Bisson découvrit la rythmo-catéchèse et apprit par cœur un bon nombre de péricopes bibliques, il y a plus de quarante ans.

À son retour de France, Mme Bisson a repris à ses études en théologie à l’Université Laval. Ses confrères et consœurs lui demandaient ce qu’elle avait découvert lors de son voyage. Les réactions positives de son groupe et de certains professeurs l’ont incitée à enseigner ce qu’elle avait appris à un groupe d’étudiants de l’université. Puis, grâce à une amie, elle a aussi commencé à expérimenter le récitatif biblique dans des classes de niveau secondaire.

À quoi pouvait bien servir cet apprentissage par cœur de péricopes bibliques?

Même si, à l’origine, l’approche s’adresse autant aux adultes qu’aux enfants, il faut avouer que les milieux de l’éducation et de la catéchèse sont les plus réceptifs. Rapidement l’initiation sacramentelle devient l’un des lieux privilégiés de propagation des textes ainsi préparés [1].

De fait, Raymonde Leclerc, ayant vu ce que Louise Bisson offrait dans les écoles, l’a invitée à participer à une session de formation donnée par l’Association musicale et liturgique. Cette année-là, Émile Moreau y présentait une conférence portant sur la rythmo-catéchèse. Louise y a présenté certains récitatifs qu’elle avait appris en France pour illustrer le contenu de cette conférence. Elle a été de nouveau sollicitée les années suivantes pour donner cette formation qui s’appellerait désormais : récitatif biblique, expression plus adaptée à la culture québécoise.

Pour les personnes travaillant dans l’animation pastorale scolaire, le récitatif biblique offrait un moyen dynamique d’approfondir les textes bibliques en utilisant le corps plutôt que papiers et crayons. Cette méthode permettait également aux enfants d’apprendre en jouant (comme au théâtre).

Devant l’intérêt manifesté, Louise Bisson a conçu et offert à plusieurs reprises deux sessions de formation différentes pour enseigner les récitatifs ajustés au programme d’enseignement religieux. Elle y présentait aussi de multiples pistes d’animation pour les enfants du primaire et pour les adolescents. Beaucoup d’animateurs et animatrices de pastorale ont ainsi appris à transmettre la Parole de Dieu par cette discipline.

Cependant le paysage québécois se transformait rapidement dans le domaine religieux. On a commencé à offrir l’enseignement moral en option à la catéchèse pour les jeunes dont les parents demandaient l’abstention de ce cours. Les activités pastorales dans les écoles ont dû s’adapter et sont bientôt devenues des animations de vie spirituelle et d’engagement communautaire. Ce faisant, moins de temps était consacré à la Parole de Dieu. Les personnes qui avaient découvert le récitatif biblique et en faisaient dans le but de l’enseigner aux enfants en milieu scolaire et en paroisse ont modifié leurs animations et ont délaissé peu à peu ce moyen de transmission.

Toutefois un groupe formant de plus en plus communauté a continué de vivre par le récitatif biblique des ressourcements basés sur la Parole de Dieu. Qui sont ces personnes qui continuaient à goûter cette façon d’entrer en contact avec la Parole? Quelles étaient leurs motivations? Ces appreneur.e.s avaient pour objectif d’alimenter leur propre vie spirituelle à partir de la Parole imprimée dans le cœur.

Toujours à l’écoute des besoins des récitant-e-s, Mme Bisson a adapté le programme des sessions de formation et des ressourcements. C’est ainsi que s’est accentué tout l’aspect du savoir et du savoir-être. Il ne s’agissait plus seulement de savoir faire le récitatif pour l’enseigner, mais surtout de l’apprendre pour en vivre. Il s’agissait de laisser la Parole agir par le corps dans la vie quotidienne. Il devenait encore plus important de comprendre le message des péricopes, de saisir le contexte, de connaître le vocabulaire pour accueillir en profondeur cette Parole de Vie et se laisser transformer par elle.

Au fil du temps, plus d’espace a été consacré pour laisser la Parole faire partie de l’histoire des appreneur.e.s. L’intégration dans l’histoire personnelle de chacun, de chacune demande du temps, de l’écoute. La croissance spirituelle, intégrant croissance personnelle, relationnelle et ecclésiale est devenue le but principal de nos sessions de récitatif biblique.

Qui sont les récitants aujourd’hui? Qui seront les récitants de demain? Des chercheuses, des chercheurs de Dieu

pour de vrai, non d’abord à travers un discours sur la foi, mais au plus intime d’eux-mêmes […] qui veulent […] se mettre à la suite du Christ sur des bases solides et durables. Retrouver la Parole qui conduit à la source intérieure, et la laisser résonner [2].

Le récitatif biblique est là pour rester dans le paysage ecclésial francophone. Il répond actuellement à la soif d’une foi relationnelle. Malgré la pandémie et grâce aux sessions en visioconférence, l’Association canadienne du récitatif biblique est porteuse de cette Parole de Vie qui ne passera jamais.

Hélène Pinard, FCSCJ, est bibliste et transmetteure de l’Association canadienne du récitatif biblique.

[1] Guylain Prince, « La Parole en Récitatif. L’ACRB : l’un des secrets les mieux gardés », Église canadienne 34/2 (2001) 50.
[2] Xavier Desjeux, L’éveil du cœur, Éd. Parole et Silence 2005, p. 78

Jousse

Récitatif biblique

L'Association canadienne du récitatif biblique propose une chronique mensuelle pour comprendre la discipline spirituelle qui rassemble ses membres. Axée sur la Parole et sur son effet sur l'ensemble de la personne, le récitatif biblique est une forme de méditation où tous les sens sont sollicités.