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Qui nous séparera de l’amour du Christ?
Hélène Pinard | 23 novembre 2020
Lorsque l’on pratique la discipline du récitatif biblique, on se rend compte de l’importance d’approfondir le sens du passage que l’on apprend, en geste, en parole, en mélodie. La vitamine biblique répond à ce besoin. En découvrant le sens biblique, on creuse davantage ce qui touche à notre propre histoire de vie.
Qui nous séparera de l’amour du Christ? Cette question n’arrive pas par hasard dans la vie de Paul. En effet, quand il écrit aux Romains, il a déjà vécu passablement de tribulations dans les communautés qu’il a fondées [1]. Il écrit avant son dernier voyage à Jérusalem où il sera arrêté par les autorités juives. Il en appellera à l’empereur pour son procès (Ac 25,11-12). C’est ainsi qu’il sera envoyé à Rome pour y être jugé [2].
Cette hymne sert de conclusion au développement des chapitres 5 à 8 de l’épître. Paul y aborde les thèmes de la justification et du salut des Juifs et des païens. Une lecture de ces chapitres permet de mieux saisir le contexte de cette péricope et de baigner dans l’espérance qui remplit l’enseignement de Paul.
Le verset 35a « Qui nous séparera de l’amour du Christ » trouve écho à la fin de la péricope au verset 39b « nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Christ ». Ce procédé littéraire, que l’on appelle inclusion, permet de déterminer le début et la fin d’un passage.
Dans la péricope, on trouve aussi deux énumérations. À la première (v. 35b « la détresse, ou l’angoisse, ou la persécution, la faim, la nudité, le danger ou le glaive » correspond : « ni mort, ni vie, ni anges, ni domination, ni présent, ni avenir, ni puissance, ni hauteur ni profondeur » (v 38b-39a).
Les versets 36 et 37, forme à leur tour un couple. La référence tirée du Ps 44,23 (v. 36), prépare l’affirmation : « nous sommes plus que vainqueur par Celui qui nous a aimés » (v. 37).
Le verset 38a se trouve donc au cœur de la péricope, nous donnant le message central : « Oui, j’en ai l’assurance. » Ce n’est pas un chiasme parfait, mais on sent bien la place centrale du v. 38a, le seul endroit dans le texte où Paul parle en JE. Tout le reste du texte est en NOUS.
Le schéma suivant permet de visualiser cette structure (chiasme) :
La réponse à la question : « QUI nous séparera de l’amour? » est étonnante. Au premier regard, ce sont plutôt des réponses à : qu’est-ce qui? Cependant, dans le cadre régulier du tribunal divin utilisé dans la Bible, ces souffrances énumérées par Paul sont perçues comme autant d’accusateurs. Paul tient compte de la situation réelle vécue par les chrétiens. Nombreux sont ceux qui sont persécutés : « À cause de toi, nous sommes mis à mort… »
Quand on lit le Psaume 44,23 d’où ce verset est tiré, on y reconnait le même parcours que dans l’hymne de Paul. En faisant mémoire de l’action de Dieu dans le passé, même si le présent peut être souffrant, l’à-venir [3] sera victorieux. Comment s’étonner de la souffrance quand Jésus lui-même est mort sur la croix? Mais aussi, comment désespérer puisqu’il est ressuscité!
Les sept exemples de la première énumération veulent inclure tout ce qui pourrait ébranler la confiance des chrétiens. Notre situation contemporaine présente aussi bien des situations difficiles. Des doutes peuvent surgir sur l’amour du Christ, ou du moins sur son efficacité, quand le mal frappe dans notre vie. Ici, Paul réitère son espérance, sa confiance : « En tout cela, nous sommes plus que vainqueurs, par celui qui nous a aimés. ».
Mais si Paul peut s’exprimer ainsi, c’est qu’il en a fait l’expérience dans sa vie. « Oui, J’EN AI L’ASSURANCE! ». Il est passé maintes fois à travers les épreuves. Ses accusateurs, ses persécuteurs pouvaient bien tenter de le faire taire, sa relation intime avec le Christ Seigneur était plus forte que leurs menaces, que les angoisses ou les souffrances qu’elles occasionnaient. Son assurance vient de ce qu’il a bâti sa vie sur le fondement de Celui qui nous a aimés.
Paul poursuit en dressant une autre liste : « ni mort, ni vie ; ni anges, ni dominations ; ni présent, ni avenir ; ni puissance, ni hauteur, ni profondeur ». Ces réalités évoquées ne sont ni positives ni négatives. Elles englobent tout ce qui pourrait se manifester comme situation de vie. Voilà neuf réalités qui nous concernent. Dans le contexte biblique, le chiffre 9 est un rappel de la Trinité (3) x 3. C’est un accomplissement. C’est la naissance après neuf mois de grossesse. C’est complet, total. Une nouvelle vie commence dans la relation avec Celui qui est un Dieu-relation.
Et Paul conclut avec une dixième expression englobant toute la création : « Ni aucune autre créature ». Doit-on un y voir un rappel de la naissance du peuple d’Israël avec la libération d’Égypte et le don des dix commandements? « Oui, j’en ai l’assurance! » Toute l’histoire d’Israël le raconte : l’amour de Dieu ne fera jamais défaut. Du côté de Dieu, rien ne peut l’empêcher d’aimer, de m’aimer, de nous aimer! Aucune persécution, aucune créature! RIEN!
Hélène Pinard, FCSCJ, est bibliste et transmetteure de l’Association canadienne du récitatif biblique.
[1] 1 Th 3,7 ; 1 Co 4,9-13 ; 2 Co 4,8-11 ; 6,4-5 ; 11,23-28 ; 12,7-10.
[2]
Voir Actes des Apôtres, chapitres 20 à 28 pour le récit de cette période de la vie de Paul.
[3] En grec, les mots « présent » et « à venir » sont des formes verbales au participe.