Le paralytique descendu du toit. James Tissot, 1886-1896. Aquarelle opaque et mine de plomb sur papier vélin gris, 23,7 x 16,7 cm. Brooklyn Museum, New York.

Oser un agir nouveau

AuteurAuteurHélène Pinard et Hélène Boudreau | 27 janvier 2020

Parmi les différentes péricopes mises en récitatif dernièrement se trouvent des textes qui appartiennent au genre littéraire « controverse ». En effet, une équipe de l’Association canadienne du récitatif biblique poursuit le travail de Louise Bisson de composer des récitatifs pour l’ensemble de l’Évangile de Luc. La sous-section analysée ci-dessous a été entièrement mise en récitatif à l’exception des versets 27-35 du chapitre 5.

Par l’analyse du contexte global, il devient possible de dégager le sens profond des péricopes étudiées en récitatif. L’éclairage de l’ensemble fait ressortir le détail signifiant qui modifie la compréhension du passage et nous interpelle. Par le fait même, notre agir chrétien et notre relation avec Dieu peuvent être transformés.

Dans notre dernier article, portant entre autres sur le passage de l’homme à la main droite desséchée (Lc 6,6-11), nous avons vu que Jésus apporte une vision différente, neuve, de la Loi. Les controverses sont l’occasion pour lui de faire découvrir une lecture nouvelle de l’Ancien Testament. Le contexte plus large de notre péricope (Lc 5,17 – 6,11), éclaire cette affirmation.

Roland Meynet, exégète qui a approfondi la structure de l’évangile de Luc [1], propose le découpage suivant :

Guérison d’un paralysé qui ne pouvait      se servir de ses pieds 5,17-26
Controverse sur le fait de      MANGER avec les pécheurs 5,27-35
DOUBLE PARABOLE      le neuf et le vieux 5,36-39
Controverse sur le travail pour      MANGER le jour du sabbat    6,1-5
Guérison d’un paralysé qui ne pouvait      se servir de son bras droit 6,6-11

Les deux guérisons (Lc 5,17-26 et 6,6-11) questionnent la compréhension de la Loi enseignée par les scribes et les docteurs de la Loi. Avant de guérir le paralysé, Jésus lui dit : Tes péchés sont pardonnés. Comment un homme peut-il affirmer une telle chose : Dieu seul peut pardonner les péchés… Face à cette réaction des scribes et des pharisiens, Jésus invite le paralysé à se lever et à retourner chez lui, pardonné et guéri. Quant à l’homme à la main droite sèche, Jésus se retrouve dans la synagogue un jour de sabbat et il fait la guérison… interdite en ce jour selon la Loi juive. Jésus se met ainsi à dos les Rabbis.

Les deux autres textes (Lc 5,27-35 et 6,1-5) sont des récits de controverses autour de la nourriture, autres lieux de discussion pointue dans les écoles rabbiniques.

La double parabole du vêtement neuf et du vin nouveau (Lc 5,36-39) est au cœur de ce regroupement. Elle vient éclairer l’enseignement de Jésus face à ces questions fondamentales pour les scribes et les pharisiens : peut-on travailler le jour du sabbat? Qui peut pardonner les péchés? Les pécheurs peuvent-ils avoir accès à Dieu?

L’intérêt de ce texte est dans la relation qui existe entre les outres neuves (Lc 5,38) et l’Alliance nouvelle (Lc 22,20). Ce sont les deux seuls endroits où l’évangéliste Luc utilise le même mot grec καινός (kainos). Ce faisant, il compare ceux qui accueillent la façon nouvelle de Jésus d’interpréter la Loi aux outres neuves, dans lesquelles le vin de la nouvelle Alliance ne se perdra pas.

Suite au rejet des scribes et des pharisiens, comparés dans la parabole aux vieilles outres, que fait Jésus? Premièrement, il prend une distance. Il s’arrête pour prier, en parler à son Père. Il passa la nuit à prier Dieu! (Lc 6,12) De quelle nuit s’agit-il? N’est-ce pas faire face à la fureur de certains de ses contemporains (Lc 6,11) qui rejettent la proposition de la nouvelle Alliance?

Le résultat de sa prière? Au matin, la lumière se fait. Il ne s’agit sûrement pas d’abandonner sa mission : L’Esprit du Seigneur est sur moi… il m’a envoyé annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, proclamer aux captifs la libération… (Lc 4,16-21). Il choisit donc douze hommes, juifs de tous horizons et métiers… et même un pécheur… qui marcheront à sa suite. Accepteront-ils d’être les outres neuves qui entreront dans la nouvelle Alliance? Et que sera cette nouvelle Alliance? C’est ce que Jésus enseigne dans le discours sur la plaine (Lc 6,20-49).

Un autre élément particulier à Luc est que cette mission se vivra en marge de la synagogue. De fait, à partir de ces événements, Jésus va faire route pour rencontrer les gens là où ils sont : dans les maisons, au bord du lac et dans les pays voisins. Une seule fois, Jésus retournera à la synagogue (Lc 13,10-17). Sa mission s’offre toujours à tous les Juifs s’ils veulent accueillir la nouvelle Alliance.

Aujourd’hui, cette Écriture est accomplie pour vous qui l’entendez… en 2020 (Lc 4,21). Il fait route avec nous. Plusieurs récitantes vivent cette expérience en se laissant toucher et transformer par la Parole. Saurons-nous laisser notre cœur s’ouvrir à la nouveauté offerte par le Christ? Oserons-nous devenir des outres neuves? Oserons-nous un agir différent?

Hélène Pinard et Hélène Boudreau sont transmetteures pour l’Association canadienne du récitatif biblique.

[1] R. Meynet, Avez-vous lu saint Luc? Guide pour la rencontre, Paris, Cerf (Lire la Bible), 1990, p. 70.

Jousse

Récitatif biblique

L'Association canadienne du récitatif biblique propose une chronique mensuelle pour comprendre la discipline spirituelle qui rassemble ses membres. Axée sur la Parole et sur son effet sur l'ensemble de la personne, le récitatif biblique est une forme de méditation où tous les sens sont sollicités.