INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Récitatif biblique

 

récitatif
Imprimer

chronique du 26 septembre 2014

 

L’homme depuis Le style oral (1925) jusqu’à sa mort (1961)

Que devint Jousse après la publication de sa thèse en 1925? Nous avons mentionné rapidement sa carrière de professeur à la Sorbonne, à l’École d’anthropologie de Paris et à l’École des Hautes Études. Lui-même se voyait d’abord comme un trouble-fête dans le monde de l’exégèse biblique. Il prenait un malin plaisir à rappeler aux exégètes qu’ils vivent dans le monde de l’écrit et non de l’oral. En fait, nous le verrons dans le prochain article, il ne trouva guère d’accueil dans ce monde-là. Son auditoire appartenait plutôt au monde de la psychologie et de l’éducation.

     Avant la publication de sa thèse en 1925, Jousse avait été l’élève de l’abbé Jean-Pierre Rousselot ainsi que du docteur Pierre Janet. Rousselot est reconnu comme le fondateur de la phonétique expérimentale. Pour ses études sur le langage, il comprit la nécessité d’enregistrer les sons et améliora ou inventa les instruments nécessaires. L’un de ces instruments servit, pendant la guerre de 1914-1918, à identifier les canons allemands. Rousselot joua un rôle de précurseur dans l’étude des problèmes d’audition. Il mourut en décembre 1924, et Jousse dédia sa thèse à sa mémoire.

Bergson    Janet

Henri Bergson (à gauche) et Pierre Janet (à droite)

     Le nom de Pierre Janet est connu au moins à Hull. On y a donné son nom à l’hôpital psychiatrique inauguré là en 1969. Quand Jousse connut Janet, celui-ci avait déjà une longue carrière derrière lui. Il occupe dans l’histoire de la psychologie une place aussi importante que Freud, dont il était contemporain. En mars 1928, un critique littéraire, Frédéric Lefèvre, rendait compte d’une entrevue avec Janet et Jousse. Parlant du grand philosophe Henri Bergson, Jousse disait à Janet : « L’aspect cinématographique de la vie a été si nettement saisi par M. Bergson qu’on pourrait même trouver chez lui l’amorce, l’ébauche de nos méthodes actuelles d’enregistrement par le cinématographe. » À quoi Janet répondait : « Je ne puis que vous féliciter de cette orientation, dont vous m’aviez déjà parlé, et que je prévois féconde pour toute votre psychologie du geste. » Et Jousse de reprendre : « Grâce au cinématographe, les explorateurs vont pouvoir désormais nous rapporter des documents vivants sans que nous ayons besoin de parcourir le monde entier pour observer personnellement les faits spontanés des milieux ethniques que tout psychologue de l’expression humaine doit nécessairement et longuement étudier dans le détail. » (Les Nouvelles littéraires, numéro du 17 mars 1928)

     En mars 1929, à la Sorbonne, Pierre Janet présida le premier congrès international de psychologie appliquée. Jousse y présenta un exposé sur la psychologie ethnique et la psychologie de la mémoire. Deux ans plus tard, au quinzième congrès international d’anthropologie, Jousse parla sur « les lois psycho-physiologiques du style oral vivant et leur utilisation philologique ».

     En 1932, Jousse créa l’Institut de Rythmo-pédagogie. Celui-ci comprenait un Laboratoire de Rythmo-pédagogie sous la directon de Jousse et une Section d’expérimentation sous la direction de Gabrielle Desgrées du Loû. Il s’agissait là d’élaborer « une pédagogie vivante, fondée sur la psychophysiologie du geste, du langage et du rythme » et de « former des praticiens spécialistes dans les diverses branches de la pédagogie des enfants normaux et déficients ». Gabrielle Baron a consacré un chapitre de sa biographie de Jousse à ce laboratoire où elle-même a travaillé (Mémoire vivante, p. 202-208). On y enseigne « les récitatifs rythmo-pédagogiques d’évangile reconstitués d’après les lois du style oral ».

     Quelques années après la mort de Jousse, Gabrielle Baron fondera le Laboratoire d’Anthropologie mimismologique et rythmo-pédagogique. Celui-ci deviendra plus tard un Institut de pédagogie rythmo-mimismologique, lequel prendra en 2001 le nom d’Institut européen de mimopédagogie.

     Ainsi, l’impact des théories de Jousse s’est fait sentir dans le monde de l’éducation et de la catéchèse, mais aussi dans le domaine de la tradition orale de langue anglaise. Bien sûr, son enseignement reste vivant à travers les récitatifs bibliques, dont le rayonnement s’étend peu à peu, même au delà de la francophonie. Une recherche Google associant le nom de Jousse à ceux de Martín Morán et de Sienaert vous guidera vers des articles en espagnol et en anglais qui font amplement référence au travail de Jousse.

Gaston Lessard

Article précédent :
Gabrielle Desgrées du Loû (1880-1955)