David pointe ses lèvres devant Dieu. Lettrine D d’un manuscrit médiéval. Artiste inconnu, c. 1275-1300. The Walters Art Museum, Baltimore.
Un antidote au désespoir : le Psaume 40 (39)
Jean Grou | 26 décembre 2022
Lire le psaume (version liturgique)
D’après l’auteur de la lettre aux Hébreux, Jésus lui-même aurait prononcé quelques versets du Psaume 39. Citant la version grecque de l’Ancien Testament, il le formule en ces termes : « En entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. » (Hébreux 10,5-7) Il faut dire que ce psaume « colle » remarquablement bien à Jésus, puisque son thème principal est le don de soi par amour pour Dieu. S’il en est un qui a payé de sa personne par amour pour le Père, c’est bien lui! Pas étonnant que le Psaume 39 apparaisse trois fois dans le lectionnaire dominical romain (2e dimanche du temps ordinaire A et B et 20e dimanche du temps ordinaire C). Il offre une occasion en quelque sorte d’approfondir une facette fondamentale du mystère du Christ.
Gratitude
Mais regardons plus en détail ce psaume aux accents très personnel. Son auteur exprime toute sa gratitude au Seigneur qui l’a sauvé d’une situation qui semblait sans issue : « Il m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue. » (v. 3) En réaction, il chante « une louange à notre Dieu » (v. 4) en espérant que d’autres l’entendent et mettent aussi leur foi dans le Seigneur. Celui-ci, en effet, est fidèle et n’a de cesse de montrer sa bienveillance, que le psalmiste qualifie « de projets et de merveilles » (v. 6).
Des accents prophétiques
Puis, de façon un peu étonnante, l’auteur enchaîne avec une déclaration qui s’apparente aux propos de certains prophètes : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime. » (v. 7) On croirait entendre Osée (6,6) ou Isaïe (1,11-13)! Voilà bien ce qui donne son caractère particulier au Psaume 39. Il est un des seuls psaumes, peut-être même le seul, à laisser transparaître une critique du ritualisme. Il rappelle en effet que les sacrifices et holocaustes ne sont pas ce qui importe le plus aux yeux de Dieu, décochant ainsi une petite flèche à l’endroit de ceux qui multiplient les actes de dévotion en espérant s’attirer la faveur divine. Du même souffle, il affirme que ce qui plaît vraiment au Seigneur, c’est la rencontre avec les humains : « Voici, je viens. » (v. 8) Autrement dit, l’offrande par excellence, c’est la personne elle-même.
Et cette offrande, elle se réalise non pas dans le sanctuaire, mais dans la vie de tous les jours. Dans le respect de la loi (v. 9), dans l’exercice de la justice (v. 10-11), dans la fidélité, l’amour et la vérité (v. 11-12).
Une pluie de malheurs
Puis, sans transition, le psalmiste change de ton et revient sur les multiples malheurs qui se sont abattus sur lui. Le plus important de ces malheurs semble bien, à ses yeux, être ses propres péchés, qu’il qualifie de « plus nombreux que les cheveux de [sa] tête » (v. 13). C’est à un point tel qu’il en éprouve une sorte de dégoût.
Mais plutôt que de s’apitoyer sur son sort, il se tourne vers Dieu en qui il voit l’unique source de salut et de réconfort, et lance vers lui une intense supplication (v. 14). Suit l’expression du désir de voir les ennemis « humiliés, déshonorés », que les spécialistes soupçonnent d’être un ajout postérieur (v. 15-16).
Quoi qu’il en soit, le psalmiste continue avec une proclamation de la grandeur du Seigneur à laquelle tout le peuple est appelé à se joindre (v. 17). Il conclut en proclamant la certitude que Dieu pense à lui et ne tardera pas à le tirer de sa pauvreté et de son malheur (v. 18).
Prier le Psaume 39
Pris dans son ensemble, le Psaume 39 peut s’intégrer sans peine à notre pratique de la prière en raison du large éventail de situation évoquées. En effet, il nous entraîne tour à tour dans des expériences humaines des plus éprouvantes, puis dans un climat de joie débordante et de gratitude à l’endroit du Seigneur de la vie. Avec ses nombreux changements de ton, il évite de nous enfermer dans une posture de victime ou, au contraire, de nous réfugier derrière des lunettes roses. Autrement dit, il nous rappelle que la vie ne manque pas de nous apporter son lot de malheur, mais que ce n’est pas une raison de laisser l’espérance s’éteindre.
Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.