« Pour me conduire selon ta parole, j'ai gardé le chemin prescrit. » (Lucas Parker / Unsplash).
Lève-toi, Seigneur : Psaume 17 (16)
Jean Grou | 31 octobre 2022
Lire le psaume (version liturgique)
Le Psaume 17 (16) ne se trouve qu’une seule fois dans le Lectionnaire dominical, au 32e dimanche du temps ordinaire (année C), et on n’en a retenu que quelques versets. Il en est peut-être ainsi en raison de son ton assez dur, loin d’être réjouissant. Il ne va pas de soi, en effet, de le proposer pour une célébration censée célébrer une bonne nouvelle!
Globalement, il s’agit de la longue supplication d’une personne aux prises avec des menaces de toutes parts. Contrairement aux autres psaumes de ce genre, les manifestations de confiance en la protection divine sont plutôt discrètes : deux versets seulement sur quinze (v. 2.7). À l’inverse, les verbes à l’impératifs adressés à Dieu abondent : « écoute-moi » (deux fois, v. 1.6), « entends » (v. 1), « montre » (v. 7), « garde-moi » (v. 8), « lève-toi […] affronte-les, renverse-les […] libère-moi » (v. 13)…
Une telle insistance est sans doute proportionnelle aux menaces qui planent sur le psalmiste et aux épreuves qu’il subit. Celui-ci traverse manifestement une expérience douloureuse faite de mépris, d’embuscades et même de ruine et de périls mortels. Pas étonnant qu’il réclame du Seigneur une intervention contre ses ennemis, en des termes parfois radicaux: « Que ta main, Seigneur, les exclue d’entre les hommes, hors de l’humanité, hors de ce monde : tel soit le sort de leur vie ! » (v. 14) On est ici en pleine logique du talion : œil pour œil... Et le psalmiste va encore plus loin, souhaitant que Dieu punisse même les fils de ceux qui le font souffrir (v. 14).
Pour appuyer ses demandes, le psalmiste invoque d’abord la bienveillance du Seigneur qui se manifeste depuis les temps anciens. Il est « le Dieu qui répond » (v. 6), il « montre les merveilles de [sa] grâce [et libère] de l’agresseur ceux qui se réfugient sous [sa] droite » (v. 7). Un tel Dieu ne saurait demeurer indifférent aux cris qui s’élèvent vers lui pour implorer sa protection.
Toujours pour appuyer ses demandes, le psalmiste souligne aussi sa propre fidélité, son intégrité. Ses « lèvres ne mentent pas » (v. 1), il respecte le droit (v. 2), son cœur est pur (v. 3), il se montre fidèle de manière exemplaire (v. 4-5). Comment Dieu pourrait-il rester sourd aux appels de quelqu’un de si bien?
L’ensemble du psaume reflète peut-être une expérience spirituelle survenue à l’occasion du sommeil. On trouve en effet, au début, une évocation de la nuit (v. 3) et, à la toute fin, il est question du réveil (v. 15). Ce ne serait pas le seul endroit dans la Bible où un personnage vit une sorte d’expérience mystique au cours d’un rêve. Ainsi en est-il des deux Joseph, celui du livre de la Genèse (37,7-9) que ses frères surnomment « l’expert en songe » (37,19) et celui du récit de l’enfance de Jésus (Matthieu 1,20-21), à qui un ange apparaît tandis qu’il dort pour l’inciter à garder Marie et son enfant avec lui.
Quoi qu’il en soit, la mention du réveil à la toute fin est interprétée dans la tradition chrétienne comme un avant-goût de la résurrection. C’est probablement pourquoi le Psaume 17 (16) a été retenu pour le 32e dimanche du temps ordinaire (année C). La première lecture de ce dimanche, en effet, comporte la première trace dans la Bible de la croyance en une vie au-delà de la mort. Et l’évangile a aussi comme thème majeur la résurrection des morts. Les quelques versets de ce psaume se trouvent donc à jouer, pour ainsi dire, le rôle de fil conducteur pour l’ensemble de la liturgie de la Parole de ce dimanche.
Le Psaume 17 (16) n’a certes pas de quoi gagner un concours de popularité, en raison de ses propos plutôt violents. Mais il n’en demeure pas moins d’une grande richesse, ne serait-ce que pour la vérité avec laquelle il rend compte d’une expérience malheureusement trop répandue : celle d’une personne injustement victime de méfaits, d’agression ou de mépris. Il est, à ce titre, comme un cri adressé aux hommes, aux femmes et aux enfants éprouvés par la vie : « Vous n’êtes pas seuls! Mais vous savez quoi? Il est possible de s’en sortir. Ne perdez pas confiance ; Dieu entend vos appels, même si la réalité semble dire le contraire. »
Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.