Initiale A au début du Psaume 28. Psautier de Bohun, folio 21. British Library, Londres (Picryl).
Lorsque le tonnerre gronde : Psaume 29 (28)
Jean Grou | 18 mai 2020
On l’oublie parfois, mais les psaumes sont avant tout destinés à être chantés. Le Psaume 29 a cependant de quoi nous le rappeler avec une sorte de refrain qui revient sur une base régulière entre les versets 3 et 9 : « La voix du Seigneur ». Il est impossible de retracer les arrangements musicaux de l’époque, mais on peut se plaire à imaginer ici un soliste entonnant le chant et l’assemblée se joignant à lui pour scander : « La voix du Seigneur! »
Mais pourquoi ce psaume répète-t-il si souvent cette expression? C’est que la voix du Seigneur est très active ici. Elle « gronde au-dessus des eaux » (v. 3), « résonne avec puissance […] avec majesté » (v. 4), elle « casse […] les cèdres du Liban » (v. 5), elle « fait jaillir les éclairs… » (v. 7). Nous reconnaissons facilement dans toutes ces actions la description d’un orage, ce qui rappelle les images de la mythologie ancienne. Les manifestations cosmiques étaient, en effet, attribuées aux divinités qui meublaient les panthéons des divers peuples entourant Israël.
Le Psaume 29 nous entraîne plutôt dans une sorte de tour guidé dans les environs du territoire des Israélites. La voix du Seigneur, en effet, gronde d’abord « au-dessus des eaux » (v. 3), comme lorsqu’un orage se forme du côté est, à l’horizon de la Méditerranée. Puis elle se déplace vers le nord et « casse […] les cèdres du Liban » (v. 5). Enfin, elle passe au sud et« ébranle le désert […] de Cades » (v. 8). Décidément, la voix du Seigneur fait sentir sa puissance et provoque même des dégâts : elle représente une réelle menace. Et pourtant, « dans le palais du Seigneur », aucune crainte, aucune panique. En effet, « tous proclament : “Gloire à Dieu!” » (v. 9) Joyeux retournement des choses : c’est comme si la voix qui résonne avec fracas tout alentour du pays des Israélites poussait ces derniers à unir leur propre voix pour acclamer celui qui se manifeste si bruyamment.
Aurions-nous affaire ici à une sorte de critique ou de moquerie des Israélites à l’endroit des religions des autres peuples, portés à diviniser les forces cosmiques? Peut-être bien. Mais il s’agit sans doute plus fondamentalement d’un puissant appel à la confiance envers le Dieu des ancêtres qui « siège au-dessus des eaux sans fin [et] sera toujours le roi » (v. 10). Le Seigneur n’est pas une menace, comme peuvent l’être les tremblements de terre ou la foudre. Au contraire, on peut l’invoquer pour qu’il « donne de la force à son peuple, [et] qu’il le bénisse en lui donnant la paix » (v. 11).
Chanter ou réciter le Psaume 29, avec ses multiples évocations du monde créé dans toute sa matérialité, peut s’avérer un antidote à une prière désincarné, hors de la réalité. Ses descriptions dynamiques nous renvoient à nos sens, la vue et l’ouïe surtout, ainsi qu’à nos facultés, avant tout la parole. Pas étonnant qu’il figure à l’office du matin de la liturgie des Heures (lundi de la première semaine) : il a vraiment de quoi nous réveiller et nous mettre en mouvement pour la journée!
Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.