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Les Psaumes

 

David
     

chronique du 10 juin 2016

 

Comme un cerf altéré cherche l’eau vive : Psaume 42 (41)

Psaume 41

Initiale Q – psaume 41
Psautier de Saint Albans, vers 1130, Dombibliothek Hildesheim
Image © Hildesheim, St Godehard

Comme un cerf altéré cherche l’eau vive,
Ainsi mon âme te cherche, toi, mon Dieu.

Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant;
Quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu?

Je n’ai d’autre pain que mes larmes, le jour, la nuit,
Moi qui chaque jour entends dire : «Où est-il ton Dieu?»

Je me souviens, et mon âme déborde :
En ce temps-là, je franchissais les portails!

Je conduisais vers la maison de mon Dieu la multitude en fête,
Parmi les cris de joie et les actions de grâce.

Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi?
Espère en Dieu! De nouveau je rendrai grâce : il est mon sauveur et mon Dieu!

***

Si mon âme se désole, je me souviens de toi,
Depuis les terres du Jourdain et de l’Hermon, depuis mon humble montagne.

L’abîme appelant l’abîme à la voix de tes cataractes,
La masse de tes flots et de tes vagues a passé sur moi.

Au long du jour, le Seigneur m’envoie son amour;
Et la nuit, son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie.

Je dirai à Dieu, mon rocher : «Pourquoi m’oublies-tu?
Pourquoi vais-je assombri, pressé par l’ennemi?»

Outragé par mes adversaires, je suis meurtri jusqu’aux os,
Moi qui chaque jour entends dire : «Où est-il ton Dieu?»

Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi?
Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce : il est mon sauveur et mon Dieu!

***

Rends-moi justice, ô mon Dieu, défends ma cause contre un peuple sans foi;
De l’homme qui ruse et trahit, libère-moi.

C’est toi, Dieu, ma forteresse : pourquoi me rejeter?
Pourquoi vais-je assombri, pressé par l’ennemi?

Envoie ta lumière et ta vérité : qu’elles guident mes pas
Et me conduisent à ta montagne sainte, jusqu’en ta demeure.

J’avancerai jusqu’à l’autel de Dieu, vers Dieu qui est toute ma joie;
Je te rendrai grâce avec ma harpe, Dieu, mon Dieu.

Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi?
Espère en Dieu! De nouveau je rendrai grâce : il est mon sauveur et mon Dieu!

Un chant d’espérance

     De nombreux manuscrits présentent les psaumes 41 et 42 comme formant un unique poème. L’un à la suite de l’autre, ils ressemblent à un chant : un refrain revient trois fois (Psaume 41,6; 41,12; 42,5) et, entre les refrains, trois sections constituent comme trois couplets (Psaume 41,2-5; 41,7-11; 42,1-4), comportant des éléments communs…

Le passé nostalgique [1]

     Les versets 2 à 5 du psaume 41 constituent ce que j’appelle : le premier couplet. Le regard du psalmiste est tourné vers le passé. Son âme a déjà goûté à l’eau vive, l’eau du Dieu vivant. Elle veut à tout prix renouer avec Dieu : « Quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu? » (Psaume 41,3) Le désir du croyant est d’autant plus manifeste qu’il nomme Dieu quatre fois dans deux petits versets.

     Le verset 4 évoque le pain sec des larmes du désespéré. Les railleurs ironisent sans respect pour cet homme dépouillé. « Où est-il ton Dieu? », se plaisent-ils à ricaner.

     Le psalmiste se rappelle, au verset 5, la liturgie du temple, quand il franchissait les portails du lieu sacré. Les cris de joie, les actions de grâce accompagnaient les pèlerins qu’il conduisait vers la fête.

     Cette première partie du psaume se termine par un refrain (Psaume 41,6). Le psalmiste se tourne vers l’espérance. Le salut ne peut venir que du côté de Dieu. « Il est mon sauveur et mon Dieu » (Psaume 41,6) « L’épreuve ne saurait abolir l’espérance. Dieu reste le même qu’autrefois, un Dieu qui sauve. L’antidote au désespoir est de se souvenir de Dieu, de ce qu’il a fait et peut encore faire. » [2]

Le présent tragique

     Le refrain du verset 6 se prolonge au verset 7. Il colore la deuxième partie du psaume en même temps qu’il subit l’influence de Psaume 41,7-12.  Le psalmiste est en exil. Il semble se trouver au nord de la Palestine. On imagine les sources du Jourdain, l’Hermon. Les cataractes se déchaînent, la masse des flots, le fracas des vagues… Tout bouge. Le chant est à la fois joyeux et triste. Le croyant reçoit l’amour de Dieu tout au long du jour. Il passe ses nuits en conversation avec le Dieu de sa vie.

     Mais l’ennemi fait ses ravages. Il assombrit le temps ensoleillé du poète. Dieu serait-il absent? Se pourrait-il qu’il ait abandonné sa biche? « Dans l’anthropologie biblique, les os sont le siège de la résistance de l’organisme humain. Dire qu’ils sont atteints de quelque façon, c’est évoquer tout ce que la souffrance comporte. Présentement, l’aggravation de la souffrance est due aux sarcasmes des ennemis qui lui redisent : Où est-il ton Dieu? » [3]

L’avenir glorieux

     La troisième partie de notre chant est devenue le psaume 42. Le beau temps s’annonce à l’horizon. Il y a de l’avenir dans l’air. La supplication est intense : « Rends-moi justice! Défends ma cause! Délivre-moi! » Mais la confiance colore la prière. On rentre chez soi. Ou plutôt : on rentre chez Dieu!

     Tourné vers Dieu, le pèlerin demande la lumière et la vérité, la lumière et la vérité de Dieu. Alors qu’autrefois le priant servait de guide à ceux et celles qui montaient à Jérusalem, aujourd’hui il demande à son tour un guide pour son retour au Temple. Et pour guide, il ne demande rien de moins que Dieu lui-même. De nouveau, l’action de grâce le conduira jusqu’à l’autel de Dieu.

« Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi?
Espère en Dieu! De nouveau je rendrai grâce :
il est mon sauveur et mon Dieu! » (v. 5)

[1] Les sous-titres sont empruntés à Robert Michaud, Les psaumes. Adaptation de l’œuvre en trois volumes de Gianfranco Ravasi, Montréal, Paulines et Médiaspaul, 1993, p. 280-282.
[2] Jean-Luc Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Paris, Cerf, 2008, p. 260.
[3] Robert Michaud, ibidem, p. 282.

Denis Gagnon

Article précédent :
Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme : Psaume 24 (25)