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Les Psaumes

 

David
     

chronique du 25 janvier 2013

 

J’ai soif : le Psaume 63 (62)

Lire le Psaume 63 (62)

Il est 5h. Au bout de la nuit, mon corps s’éveille en même temps que la ville reprend ses ébats. Mon cœur ajuste ses battements à la nouveauté du jour qui commence. J’ai soif. Mon corps a soif, mais surtout mon cœur. Il a toujours soif, mon cœur. Même la nuit, au plus profond de mon sommeil, mon cœur a soif. Mes rêves me le disent! Le jour me surprend aussi à chercher une source. Je m’arrête souvent auprès des fontaines que je rencontre sur ma route quotidienne.

     J’ai soif, constamment j’ai soif. Je ne suis qu’une « terre aride, desséchée, sans eau » (v. 2) Je pourrais devenir un jardin, un verger, une forêt. Mais je ne suis qu’une terre aride, un désert. Cette pauvreté, il m’arrive souvent d’en souffrir. Mais je dois reconnaître que c’est elle qui me fait vivre. Le désir qui m’habite me met en mouvement. Il me dynamise. Il me met en quête, en recherche, en appel…

     Je ne suis que désir. Immense désir d’une immense source. « Mon Dieu, je te cherche, j’ai soif de toi » (v. 2). Rien de moins : c’est de lui-même que j’ai soif. Le grand Augustin le proclamait : « Nous sommes faits pour toi, Seigneur, et notre cœur n’aura de repos qu’en toi. »

     J’ai nommé celui que mon cœur désire. Je sais son nom pour l’avoir entendu au temple. La liturgie le répète sans cesse. Elle le chante à tue-tête comme elle le murmure à l’oreille attentive. Elle le crie au plus fort de ma colère. Elle le reconnaît dans les moindres joies qui germent dans mon être. Je reprends la chanson liturgique et lentement mon désir se laisse apprivoiser par Dieu. De célébration en célébration, il me dit : « Je viens à mon jardin, petite sœur, ma  promise.  » (Cantique 5,1) Et moi de reconnaître : « J’étais endormie, mais mon cœur restait en éveil. J’entends quelque chose, c’est mon bien-aimé qui frappe à la porte. » (Cantique 5,2)

     Le psaume 63(62) se révèle comme une expérience mystique. Dans la prière, les mains levées vers l’ailleurs de Dieu, le croyant contemple le mystère du Tout-Autre. Il y trouve son bonheur et la source unique qui peut le désaltérer.

     La liturgie de l’Église commence son dimanche avec ce psaume à l’Office du matin, les Laudes. C’est dire non seulement le sens de sa prière à l’aurore du premier jour de la semaine, mais aussi le sens de toute la semaine. Entre les mains de Dieu, le croyant s’abandonne : « À l’abri de tes ailes je crie ma joie. Je suis attaché à toi de tout mon être, ta main droite est mon soutien. » (v. 8-9)

     Les prophètes ont décrit l’avenir de Dieu comme un grand festin. Ils prennent la peine d’en dresser le menu : des viandes succulentes, des vins capiteux, des gâteaux à faire rêver le moindre gourmand! « Je serai comblé, dit le psaume, comme rassasié des meilleurs morceaux. » (v. 6)

     La nuit, l’ami de Dieu pourrait céder au sommeil. Son cœur est tranquille; la sérénité l’habite. Mais la joie de se trouver en présence de Dieu le tient en éveil. « Quand je suis couché, je me souviens de toi; je pense à toi pendant les heures de la nuit : tu es venu à mon secours. » (v. 7-8)

     Soudain, au plus fort de la joie, un cri de détresse : « Il y a des gens qui veulent ma mort. » (v. 10) Le psalmiste, jusque-là serein, sombre dans la colère : il affronte ses adversaires, souhaitant rien de moins que leur perte « au fond du monde des morts » (v. 10). Faut-il se surprendre de ce ton à première vue hargneux? Faut-il se scandaliser de la rage qui s’étale dans le jardin ensoleillé d’un croyant comblé? Ces sombres versets nous rappellent tout simplement que l’expérience spirituelle n’exclut pas les difficultés, même celles qui appartiennent à l’univers des relations humaines. Le croyant est une « terre aride, asséchée, sans eau » (v. 2).

     Pour conclure, ces mots de Khalil Gibran : « Vous priez en votre détresse et en votre besoin; puissiez-vous prier aussi dans la plénitude de votre joie et en vos jours d’abondance… Je ne puis vous apprendre à prier avec des mots. Dieu n’écoute pas vos paroles sauf lorsque Lui-même les prononce à travers vos lèvres… Nous ne pouvons te demander quoi que ce soit car tu connais nos besoins avant qu’ils ne soient nés en nous : Tu es notre besoin; et en nous donnant plus de toi-même, tu nous donnes tout. » [1]

[1] Cité dans Robert Michaud, Les psaumes. Adaptation de l’œuvre en trois volumes de Gianfranco Ravasi, Montréal, Éditions Paulines, 1993, p. 397.

Denis Gagnon

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Comme un point d’orgue : le Psaume 150