Que ton nom est magnifique : Psaume 8
1 Au chef des chantres. Sur la guitthith. Psaume de David.
2 Éternel, notre Seigneur! Que ton nom est magnifique sur toute la terre! Ta majesté s'élève au-dessus des cieux.
3 Par la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle
Tu as fondé ta gloire, pour confondre tes adversaires,
Pour imposer silence à l'ennemi et au vindicatif.
4 Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains,
La lune et les étoiles que tu as créées :
5 Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui?
Et le fils de l'homme, pour que tu prennes garde à lui?
6 Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu,
Et tu l'as couronné de gloire et de magnificence.
7 Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains,
Tu as tout mis sous ses pieds,
8 Les brebis comme les boeufs,
Et les animaux des champs,
9 Les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
Tout ce qui parcourt les sentiers des mers.
10 Éternel, notre Seigneur!
Que ton nom est magnifique sur toute la terre!
Commentaire
O Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand ton nom, par toute la terre !
Plusieurs s’en souviendront : ce premier verset du Psaume 8 a été mis en musique par Gélineau. Sa mélodie est toujours sur nos lèvres, du moins dans la liturgie de langue française. En filigrane, on croirait entendre le « Baruch ha Shem » de la liturgie synagogale : « Le-Nom-Béni-soit-il une autre façon de nommer Dieu.
Ce psaume est une ode à la création qui répercute, comme en écho, le Nom de Dieu. La Genèse s’exprimait ainsi : «
Et Dieu cria : Terre et la Terre fut. Et la Terre, qui a pour ainsi dire gardé mémoire le Nom imprononçable de Dieu (Ex 20,7 : HWHY), à son tour elle crie sans cesse : « Dieu. » Et le ciel crie « Dieu ». Et la lune et les étoiles crient « Dieu ». Et l’homme, et la femme, et les petits enfants crient « Dieu ». Même les bêtes sauvages, les troupeaux de bœufs et de brebis de même que les oiseaux dans le ciel et les poissons dans la mer crient à leur tour : « C’est Dieu, Le-Nom-Béni-soit-il qui nous a faits. »
Cette empreinte de Dieu sur la création va inspirer la Kabbale. En effet, dans la mystique juive, on retrouve une théorie assez étonnante sur l’origine de l’univers, une théorie qui explique la beauté du monde ainsi que ses déficiences. Cette explication repose sur le concept du « Tsimtsoum » élaboré par Isaac Louria au Moyen-Âge. Selon cet éminent kabbaliste, pour que le monde existe il fallait que Dieu se retire (Tsimtsoum), car étant Infini, Dieu occupe tout l’univers. En se retirant, en faisant tsimtsoum, Dieu a permis au monde d’exister. Mais, tout en créant ce vide, Dieu a laissé des traces de sa gloire : ce sont les dix Séphiroth, dix vases qui ont recueilli sa lumière : Keter (couronne); Binah (intelligence); Hokhma (sagesse); etc. Ces Séphiroth se composent à l’infini comme les couleurs d’un arc-en-ciel. La kabbale, c’est la « réception » de cette lumière divine diffusée dans l’univers. C’est ainsi que la création chante la gloire de Dieu.
Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu,
Et tu l'as couronné de gloire et de magnificence.
Le verset 6 nous amène encore sur un autre terrain : il établit la hiérarchie de l’homme par rapport à Dieu et à la création. « Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu. » C’est une référence à la Genèse qui dit qu’Adam (l’être humain) « fut créé homme et femme à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Gn 1,27). En quoi ressemble-t-il à Dieu? De deux façons : par sa capacité de raisonner et par sa capacité d’aimer. C’est ainsi que l’homme a été appelé le roi de la création. Appelé à la vie par Dieu, à son tour, Adam appelle à la vie les autres animaux en les nommant. Saint Irénée va conclure le tout avec cette formule lumineuse : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant. » Le psaume 138,14 fait écho à ce verset : « Je te rends pour tant de prodiges, merveille que je suis, merveille que tes œuvres. »
Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains,
Tu as tout mis sous ses pieds.
Ce verset explique la relation de l’homme avec la création. On peut reconnaître comme trois étapes dans cette relation :
- la nomination
- la domination
- et la domestication.
C’est l’homme qui nomme les animaux et non l’inverse. Il marque ainsi la possession. Mais qu’il s’agisse des animaux ou de la nature en général, l’homme domine en obéissant. C’est Francis Bacon qui disait : « On ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant. » Cette domination ira jusqu’à la domestication. Par son intelligence, l’homme peut ainsi canaliser la force brute des animaux ou des propriétés particulières des plantes en les mettant à son service. À vrai dire, il s’agit davantage d’un lien de complicité que domination, comme le suggère la série de la romancière Jean M. Auel, Les Enfants de la Terre, dans le tome intitulé La vallée des chevaux.
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Je cherche en toi mon refuge : Psaume 7
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