Le visage
Pendant qu'il priait, son visage apparut tout autre,
ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante...
De la nuée une voix se fit entendre : 'Celui-ci est mon Fils,
celui que j'ai choisi. Écoutez-le'» (Lc 9, 29, 35).
C'est un petit bourg de pêcheurs sur une côte de l'Irlande.
L'homme est très pauvre. Sa maison: une masure loin du village.
Dans le village, une seule boutique, le café qui sert en
même temps d'épicerie et de magasin pour tout ce qui
est nécessaire à la pêche: fil, hameçons,
aiguilles, alènes pour réparer les filets. Un jour
l'épicier surprend le pêcheur en train de tourner autour
d'un objet et de murmurer. Puis le vieux revient plus souvent que
d'habitude dans la boutique et chaque fois le même manège
recommence. Alors l'épicier écoute ce que marmonne
le vieux et il l'entend murmurer : « Papa, papa... »
et il remarque que ce vieil homme avait trouvé un miroir.
Celui-ci n'en avait jamais possédé ni vu encore de
sa vie. En se regardant il croyait revoir son père... alors
qu'il découvrait son propre visage pour la première
fois (B. Bro, Surpris par la certitude, T. II, p. 56).
LIEN: Pour conforter la foi des apôtres avant la passion de
Jésus, Dieu leur fait voir le visage transfiguré de
son Bien-Aimé, un visage évoquant le fait qu'il soit
son Fils. Pierre et ses compagnons ont vu ce visage de façon
indirecte, « comme dans un miroir », dira l'apôtre
Paul.
C'est d'ailleurs de cette façon
que nous voyons notre propre visage, selon une image inversée,
dans un miroir. Ce vieux pêcheur d'Irlande, découvrant
la première fois de sa vie son visage dans un miroir, a cru
reconnaître son père dont il avait retenu les traits
du visage.
Quand nous regardons dans le miroir
de notre vie, que voyons-nous? Des personnes, des événements,
des échecs, des deuils, des joies. Pouvons-nous y discerner
des traits du visage de Jésus? Dieu nous a revêtus
de la dignité de son propre Fils : nous sommes déjà
des transfigurés.
* * * * *
Le récit de la transfiguration, c'est la foi en images.
Et la foi, c'est bien. C'est ce qui permet de se comprendre, de
comprendre la vie, de prendre de la hauteur (« sur une montagne
élevée »), de voir la beauté du réel
(« tout blanc »), de se savoir à l'« ombre
» de Dieu. Mais, paradoxalement, il faut en sortir. Pierre
aurait bien voulu rester là à tout jamais, c'est qu'«
il ne savait pas quoi dire ». Car c'est en bas que ça
se passe, et c'est là que la vie attend ceux et celles qui
ont vu. Malheur à qui reste en haut, une tente levée
autour de sa foi (André Myre).
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Le disciple et le maître
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