L’incrédulité de saint Thomas. Rembrandt, 1634. Huile sur panneau de chêne, 53,1 x 50,5 cm. Musée des Beaux-Arts Pouchkine (Wikipedia).
De la peur à la joie
Julienne Côté | 2e dimanche de Pâques (C) – 24 avril 2022
Jésus apparaît à ses disciples : Jean 20, 19-31
Les lectures : Actes 5, 12-16 ; Psaume 117 (118) ; Apocalypse 1, 9-11a.12-13.17-19
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
À la mort de Jésus sur la croix, les disciples, bouleversés, apeurés, ont verrouillé les portes de la maison, de peur des autorités juives. Jésus, le Vivant, vient les combler de sa présence pour une deuxième fois.
L’apôtre Jean souligne le caractère subit de la rencontre. Jésus vient réconforter ses disciples, les ouvrir à son nouveau mode de présence. À trois reprises, Il leur souhaite la paix : La paix soit avec vous (vv. 19b.21.26). À ces paroles du Maître et à la vue de ses plaies (v. 20), les disciples, désemparés, passent de la peur et de la tristesse à la joie, et sont conduits à reconnaître Jésus ressuscité qui les comble de sa présence et de sa joie. Déjà, Jésus, dans son discours d’adieu (16,22), évoquait le passage de l’affliction à la joie jusqu’à la victoire. À cette deuxième rencontre, Jésus envoie ses disciples en mission et leur donne l’Esprit : Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie… Il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit et Il leur donna le pouvoir de remettre les péchés (vv. 21-23). Ce pardon, c’est la vie de l’Esprit au cœur de chaque fidèle. Ce don de l’Esprit, mis en relation avec le pardon des péchés, viennent affirmer le fait de la résurrection et de sa signification transcendante. L’Église a ainsi la puissance de communiquer le salut et d’exercer le jugement, anticipant ainsi le jugement eschatologique. À la suite de l’envoi du Fils par le Père, suivra l’envoi des disciples. Cette révélation va constituer le point de départ de la mission des apôtres à qui est confié l’Église.
L’attention donnée à Thomas, l’incrédule
Thomas est un disciple qui a cru en Jésus et misé sur Lui en laissant tout. Celui qui avait enseigné l’amour et le pardon, voilà qu’Il est mort sur la croix. Tout est anéanti. Perte de la foi, perte de l’espérance. Thomas se sépare de la communauté. Il s’isole, s’enferme, il doute. C’est une attitude commune à un ensemble de personnes. Il rejette le témoignage de ses frères, leur parcours de foi difficile, âpre. Absent de la première rencontre des disciples avec le Ressuscité, il est présent huit jours plus tard et Jésus l’invite : Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d’être incrédule et devient un homme de foi (20,27). En montrant ses plaies, Jésus établit une continuité entre la résurrection et la crucifixion. Thomas n’a pas une preuve mais au moment de la présence du Christ, il reçoit une parole du Christ qui lui permet de dépasser ce qu’apportent les sens et d’accéder à une foi parfaite, de passer du signe visible à la réalité invisible, d’être conduit progressivement par le Christ, dans l’Esprit qui envahit son cœur, d’exprimer sa foi admirablement, en confessant la divinité de Jésus : Mon Seigneur et mon Dieu! Ces deux termes employés ici pour Jésus sont les mots que les Juifs utilisent lorsqu’ils s’adressent à Dieu (Ps 30, 3-4 ; 35, 23-24). Dieu se révèle en Jésus.
Le Ressuscité est à l’œuvre
Le Livre des Actes raconte les nombreux miracles accomplis par les apôtres ; il présente aussi l’unité vécue, la force intérieure qui se manifeste. C’est Jésus qui fait participer son Église à sa puissance de résurrection et de vie. Des malades sont guéris après avoir été touchés par Pierre. Les croyants, hommes et femmes se tenaient sous la colonnade de Salomon... On sortait les malades sur les places, en les mettant sur des lits et des brancards (v. 15) ; ils sont conduits à la foi. C’est non pas la force de l’apôtre qui est efficace, mais bien la force unique, vitale, spirituelle de la parole de Dieu annoncée par l’Église dans le Temple. C’est l’apôtre Paul qui affirmera : La puissance se déploie dans la faiblesse. Et encore : c’est lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Corinthiens 12, 9s ; 13, 4).
Le rayonnement de Pâques
Le mot apocalypse évoque spontanément des prédictions sur les moments de la fin de l’histoire, des secrets concernant l’avenir. Chez l’évangéliste Jean, c’est le présent de l’Église dont il est question, de la persécution dont elle souffre. Le texte de la deuxième lecture (Apocalypse 1,9-11a.12-13.17-19) met en évidence le Christ, clé de voûte de l’Église, et Jean. L’apôtre se définit à la fois par rapport au Christ et par rapport aux croyants et croyantes dont il est le frère, le compagnon et le témoin. Tous doivent former « un-être-ensemble » dans le Christ, à l’intérieur des sept Églises qui sont en Asie mineure. On note une communion de foi et de vie, faite de constance dans l’épreuve. Cette vocation n’est possible que grâce à l’Esprit qui inspire.
Si l’on parcourt la deuxième lecture des dimanches du temps pascal (3e, Ap 5,11-14 ; 4e, 7,9.14b-17 ; 5e, 21,1-5a ; 6e, 21,10-14.22-23), on découvre le mystère du Christ au niveau de la triple dignité de grand prêtre, de roi et de juge. La 2e lecture du présent dimanche, décrit la vision inaugurale (vv. 11-16) sous les traits du Fils de l’homme plein de dignité, tel qu’il est présenté dans le livre de Daniel (7 et 10) : un fils d’homme en majesté revêtu des insignes du grand prêtre et du roi. L’apôtre Jean, le visionnaire de Patmos, est saisi d’effroi et devient l’objet de la sollicitude du Christ qui s’approche pour dissiper toute crainte et lui révéler son identité : Ne crains pas, Je suis le Premier et le Dernier et le Vivant : je fus mort, et voici, je suis vivant pour les siècles de siècles (vv. 17-18). Ces titres, attribués à Dieu dans l’Ancien Testament sont transférés ici au Christ, au Ressuscité qui a vaincu la mort, l’Éternel vivant qui donne sens au présent et à l’avenir, et qui intervient auprès des siens qui sont éprouvés au sein des sept Églises persécutées. Assisté de l’Esprit, les apôtres constituent une assise pour les croyants et croyants de tous les siècles qui croient sans voir et qui acceptent que leur foi se développe dans un cadre communautaire qui se construit.
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.
Source : Le Feuillet biblique, no 2755. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.