Le Christ à la synagogue. Nikolai Nikolaevich de Gay, 1868. Huile sur toile, 34 x 52 cm (Arthive).

Jésus, le prophète, est signe de division

Benoît LambertBenoît Lambert | 4e dimanche du Temps ordinaire (C) – 30 janvier 2022

Échec de Jésus à Nazareth : Luc 4, 21-30
Les lectures : Jérémie 1, 4-5.17-19 ; Psaume 70 (71) ; 1 Corinthiens 12, 31–13, 13
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La tradition orale est première dans la transmission de la Bonne Parole. Les évangélistes ont pris des éléments de cette tradition et les ont fixés selon leur inspiration. Matthieu (Matthieu 13,54-58) et Marc (Marc 6,1-6) ont placé l’Évangile de cette célébration comme une conclusion à un bloc de texte qui démontre que la prédication de Jésus semblait être un échec. Malgré les miracles accomplis et un message libérateur, les gens n’ont pas cru qu’il était l’envoyé, le Fils qui avait reçu l’onction du Père. Luc place plutôt cet épisode au début du ministère du Christ. Il mentionne Capharnaüm dans le texte. Cependant, les miracles faits à cet endroit ne figurent pas dans la trame narrative lucanienne précédant le retour du Christ à Nazareth.

Luc poursuit un autre objectif que les deux autres évangélistes. Il veut plutôt synthétiquement dessiner la structure que prendra la Bonne Nouvelle qu’il a rédigée. Jésus prêchera et fera des miracles. Au début, son action va susciter l’enthousiasme. Les Israélites vont vite déchanter. Jésus ne répondra pas à leurs attentes d’un Messie politique qui les délivrera de l’oppression romaine. Les membres du peuple élu ne saisiront pas que la véritable mission du Messie était plus profonde et qu’elle s’adressait à ce qu’il y a de plus fondamental chez l’être humain : la conscience. Le Seigneur sera donc rejeté par les siens. Mais, résilient, il surmontera cette opposition.

L’objectif

La Bonne Parole proclamée durant cette cérémonie est amputée de la prophétie d’Isaïe lue par Jésus dans la synagogue de Nazareth. Elle est essentielle pour comprendre la réaction de ses auditeurs. Luc utilise l’essentiel de la prophétie pour tracer à grands traits le message du Sauveur. D’abord, Jésus s’identifie (v. 18). Il est l’envoyé du Père, l’élu qui a reçu l’onction divine. Après s’être identifié, Jésus indique la nature de sa mission et les gens qu’il vise. Jésus est venu sauver l’humanité. Il est venu apporter l’amour de Dieu à ceux et celles qui en ont besoin : les aveugles qui se déplacent sans direction dans le monde, les prisonniers qui sont incapables d’atteindre la vraie vie parce qu’ils sont emprisonnés dans les chaînes du péché, les malades qui ont l’esprit tourmenté.

Paul décrit avec brio les effets de l’amour divin qui sera donné gratuitement par le Christ. L’Esprit Saint personnifie cet amour qui fera naître dans l’âme humaine le don des langues, la connaissance de Dieu, la capacité de prophétiser. Mais l’amour est le don fondamental. Il est le moteur qui va inspirer les autres dons. En aimant comme la Trinité aime, les amis du Christ ne vont pas utiliser ces cadeaux pour gonfler leur ego, mais pour le bien commun. Ils aideront les aveugles à retrouver leur chemin dans un monde insensé. Ils guériront les êtres humains blessés par la vie et ils collaboreront à délivrer les personnes captives du mal. Dans les mariages, ce texte de Paul est souvent proclamé. Il présente un idéal. Avec l’Esprit dans leurs consciences, les époux peuvent s’orienter vers cette réalité parfaite. En effet, il ne faut pas oublier que Paul décrit l’affection parfaite qui existe entre le Père et son Fils. Il ne faut donc pas se décourager si l’amour que nous éprouvons reste imparfait. Tant que notre esprit reste ouvert au Christ, il peut agir et modeler le for intérieur des époux pour les rapprocher de cet absolu.

Le rejet

Dans cette introduction, Luc désigne le rejet de Jésus comme une étape cruciale de son récit. Jésus va d’abord inspirer l’enthousiasme dans la communauté de Nazareth : « N’est-ce pas le fils de Joseph? ». Il en sera de même durant sa prédication à travers Israël. Mais cet engouement ne durera pas. Les habitants du village ont connu Jésus durant toute sa vie. Il semblait un homme comme tout le monde. Les gens restent surpris devant sa sagesse et son éloquence. Cependant, ils exigent des miracles qui prouveraient la prétention de Jésus d’être celui qui va relever la nation sainte. Devant cette incrédulité qui sera présente tout au long de l’évangile de Luc, Jésus va tenir des propos radicaux devant les siens. Il devine que le sort des autres prophètes de l’Ancien Testament va s’appliquer à lui. La première lecture de ce dimanche prend en exemple le prophète Jérémie. Le message divin qu’il va transmettre ne plaira pas à tous en Israël. Comme Jésus, il sera rejeté par plusieurs.

Mais Jésus va encore plus loin dans sa prédication à Nazareth. Il évoque l’hostilité rencontrée par Élie (1 Rois 17) et Élisée (2 Rois 5) chez le peuple élu. Il va conclure son message en affirmant que ceux-ci ont trouvé refuge chez des païens. Jésus, subtilement, annonce que son message n’est pas uniquement réservé à la communauté juive. Comme Naaman le lépreux et la veuve de Sarepta, les païens qui croiront en Dieu seront sauvés. Jésus indique déjà que son Corps peut accueillir tout le monde sans discrimination. La foule présente dans la synagogue, voyant leur statut particulier de peuple élu critiqué par le fils de Joseph, vont se rebeller contre lui. Dans le microcosme de Nazareth, Luc annonce la direction finale de sa Bonne Nouvelle. Jésus sera rejeté par les siens à cause de son message qui semble s’opposer à la tradition de l’Ancien Testament.

La résilience

À la fin de la première lecture, Dieu dit à Jérémie qu’il bénéficiera de son appui en échange de sa fidélité. Le prophète doit annoncer ce que lui inspirera le Très-Haut. Dans sa mission, Yhwh, le Seigneur, rendra fort et Jérémie sera en mesure de traverser les épreuves qu’il rencontrera. Le Seigneur emploie plusieurs images pour illustrer l’intensité de cette force: ville fortifiée, colonne de fer, rempart de bronze. Dans l’évangile, Jésus est la manifestation concrète des promesses de Dieu faites à Jérémie. Devant la fureur des siens qui veulent précipiter le blasphémateur en bas d’une colline, Jésus leur oppose la force de l’Esprit Saint. La colère des Nazaréens ne l’impressionnera pas et il passera la tête haute à travers eux. Le rejet de Jésus se cristallisera dans la croix. Sa résurrection sera le symbole de sa résilience. Après deux mille ans, l’Église a connu son lot de difficultés. Néanmoins, l’Esprit lui permet de continuer son chemin dans le monde et de surmonter les obstacles qui se sont dressés devant elle. Elle poursuit la mission de son fondateur: répandre la Bonne Nouvelle pour guérir les malades, délivrer les prisonniers et redonner la vue aux aveugles.

Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.

Source : Le Feuillet biblique, no 2741. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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