L’appel de Pierre et André. Le Caravage, c. 1602. Huile sur toile, 132 x 163 cm. Château de Hampton Court, Molesey (Wikimedia).
L’aventure de la foi
Benoît Lambert | 2e dimanche du Temps ordinaire (B) – 17 janvier 2021
Le témoignage des premiers disciples : Jean 1, 35-42
Les lectures : 1 Samuel 3, 3b-10.19 ; Psaume 39 (40) ; 1 Corinthiens 6, 13b-15a.17-20
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
Le chemin de la foi est une aventure incroyable. Les êtres humains qui s’y engagent abandonnent tout ce qui assure leur sécurité matérielle et risquent tout sur la base d’une promesse faite par le Christ. Dieu leur demande d’aller jusqu’au bout d’eux-mêmes et de constamment mettre de côté leur propre volonté pour laisser l’Esprit prendre toute la place dans leur conscience. Plusieurs, trop attachés aux biens de ce monde, comme le jeune homme riche rencontré par Jésus, auront peur de suivre cette voie exigeante qui les mène souvent vers un futur incertain. Mais d’autres entendront l’appel divin et répondront avec empressement à cette invitation. Le prophète Samuel et les deux compagnons du Baptiste ont été trois de ces appelés qui n’ont pas hésité à entreprendre le périple de la foi.
Des similitudes
L’Évangile (Jean 1,35-42) et la première lecture (1 Samuel 3,3b-10.19) de cette célébration se ressemblent. D’abord, Dieu initie la rencontre avec les personnes. YWHW interpelle Samuel dans le Temple. C’est Jésus qui se retourne et qui débute la conversation avec André et son ami. Le Seigneur est aussi celui qui initie le dialogue avec Pierre lorsqu’André le présente au Messie. Un guide est aussi présent dans ces épisodes. Samuel, un jeune adolescent qui fait ses premiers pas dans la vie religieuse, a besoin d’un vétéran, le prêtre Éli, pour discerner que la voix entendue provient de YWHW. Les deux disciples seront orientés vers l’Agneau de Dieu par le Baptiste qui a déjà saisi l’identité de Jésus lors de son baptême. L’utilité de l’expérience en matière spirituelle se confirme dans ces textes. Quelquefois, une personne saura reconnaître Dieu par elle-même. Mais d’autres, troublées par des mouvements intérieurs qu’elles n’ont jamais connus, auront besoin pour les diriger d’hommes et de femmes qui ont une certaine expérience de vie spirituelle dans l’intimité du Christ.
La grande disponibilité des appelés offre aussi une similitude dans les deux récits. Samuel se met immédiatement à l’écoute de YWHW lorsqu’il distingue sa voix. Les deux futurs apôtres se dirigent sans hésitation vers Jésus après son identification par le Baptiste. Jésus souhaite des disciples qui n’hésitent pas à le suivre, des hommes et des femmes qui sont prêts à placer l’accomplissement du plan divin au-dessus de tout. Quand Jésus demande d’abandonner famille et biens matériels pour le suivre, il exprime bien l’exigence pour une personne de choisir Dieu comme valeur suprême. Il faut enfin noter que le jeune adolescent et les deux disciples du Précurseur avaient déjà une disposition pour la recherche de Dieu. Samuel est un assistant dans le Temple de Dieu. Le frère de Pierre et son ami sont déjà en quête spirituelle puisqu’ils ont suivi Jean Baptiste. Être déjà sensible à l’invisible est donc un facteur favorable pour rencontrer Jésus. Encore faut-il que la voie chrétienne soit connue. Dans des milieux où la voie suggérée vers le bonheur s’oriente vers le matérialisme, l’Église a un devoir devenu plus nécessaire de proposer Jésus comme réponse aux quêtes de sens de tous ceux et celles qui veulent être heureux.
Une symbolique
Le symbole qui représente l’évangéliste Jean est un aigle. En effet, son Évangile, par sa profondeur mystique et symbolique, dépasse les autres évangiles qui restent souvent à un premier niveau dans leur proposition. Les mots de Jean sont différents. Le lecteur doit souvent les creuser pour en dégager leur pleine signification. Ils sont symboliques. Dans cet épisode, Jean décrit les mouvements des acteurs. Jésus se déplace et Jean Baptiste reste immobile. Le Précurseur représente donc le passé. Il est le dernier prophète de l’Ancienne Alliance. Jésus constitue le futur, celui qui fera évoluer l’Ancienne Alliance et la transformera radicalement. Mais le Baptiste est aussi l’homme qui fait le lien entre les deux Alliances. C’est lui qui envoie les deux disciples vers l’Agneau de Dieu.
Certains mots comme « demeurer » sont caractéristiques de l’évangile johannique. Jean utilise ce terme pour exprimer une grande amitié, un lien affectif durable chez les gens habitant un même lieu. Quand André demande où Jésus demeure, Jean exprime déjà quel type de maître est Jésus. Il n’est pas un érudit qui s’adresse uniquement à la raison de ses auditeurs et auditrices. Il va plutôt transmettre un message qui va transformer totalement l’être humain. L’Esprit va s’installer dans le cœur des gens. Un espace personnel va donc se créer où les gens pourront rencontrer constamment le Seigneur.
Une présence au monde
Ce lieu intérieur de rencontre avec l’Esprit existe dans notre corps. Paul le rappelle dans la deuxième lecture (1 Corinthiens 6,17-20) de cette célébration. Il en résulte que Paul considère le corps humain comme un élément de la plus haute importance dans la vie chrétienne. Paul ne fait que répéter une donnée issue de son éducation juive. En effet, contrairement à la civilisation grecque ou romaine qui avait établi une division entre le corps et l’esprit, Israël a toujours considéré que le corps matériel et l’esprit constituaient une unité indivisible. Si les gens abusent de leurs corps, ils font mal à leur âme. Le Christ est ressuscité corps et esprit. En insistant auprès de Thomas pour qu’il touche ses plaies, Jésus voulait montrer qu’il n’était pas un fantôme, une pure entité spirituelle. À la fin des temps, les enfants de Dieu ressusciteront comme le Christ dans un corps et un esprit transformé.
L’Église a donc la responsabilité d’encourager ses membres à respecter leur corps, à bien le soigner. Cet encouragement semble rejoindre une tendance lourde dans plusieurs sociétés occidentales. Chaque individu doit prendre soin de son corps, de sa constitution physique, comme bien s’alimenter, faire de l’exercice physique, ne pas fumer. Mais la perspective sociale est différente de la conception chrétienne. Dans une société capitaliste, le corps doit être capable de travailler pour assurer la production de biens. Il faut donc bien le traiter pour en assurer le bon fonctionnement. Il est donc aisé de constater que la perspective chrétienne ne voit pas les choses dans le même sens.
Une première annonce
Jean décrit dans ce récit la première évangélisation : un acte où une personne annonce le Christ à une autre personne. André va retrouver son frère Simon pour lui annoncer une Bonne Nouvelle : il a pris contact avec le Messie promis dans l’Ancien Testament. Jésus est l’homme qui va délivrer le peuple élu de ses oppresseurs. Pierre se laisse convaincre et suit son frangin. En le rencontrant, Jésus va encore faire le premier geste. Il va changer le nom de Simon en celui de Pierre. Il veut ainsi montrer au pêcheur qu’en le suivant, il entrera dans une nouvelle existence. Cet homme va devenir le premier chef de l’Église du Ressuscité. Ce choix surprend les gens qui se basent sur des critères purement humains. Pierre ne brille pas par sa richesse, son érudition religieuse ou son pouvoir, –des qualifications qui auraient été humainement utiles pour la propagation de la Bonne Nouvelle. Il est plutôt pauvre, un pêcheur au bas de l’échelle sociale et il a reçu une éducation religieuse élémentaire. Pour Jésus, cette condition n’est pas un handicap pour devenir un apôtre. Elle constitue davantage une opportunité parce que Simon-Pierre n’est pas prisonnier de ses possessions humaines. Son cœur est disponible pour laisser toute la place à l’Esprit donné par le Christ. Et Jésus sent que cette disponibilité est exceptionnelle puisqu’il le désigne déjà comme un acteur important dans la construction de l’Église.
Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.
Source : Le Feuillet biblique, no 2692. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.