La purification du Temple. Carl Heinrich Bloch, c. 1800 (Wikimedia).

Le nouveau Temple : le corps de Jésus

Francis DaoustJulienne Côté | 3e dimanche du Carême (B) – 7 mars 2021

La purification du Temple : Jean 2, 13-25
Les lectures : Exode 20, 1-17 ; Psaume 18 (19) ; 1 Corinthiens 1, 22-25
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Le Dieu de l’Alliance se révèle en libérant, avec puissance, le peuple hébreu vivant sous le joug des Égyptiens : Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’es fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. Cette affirmation fait connaître le fondement des Dix paroles, appelées également Le Décalogue ; elle donne sens aux commandements. Dieu conclut une alliance et exige un comportement juste. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu ne feras aucune idole, aucune image… Car moi le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux (Ex 20,2-5). La grâce de Dieu, le bonheur qu’il souhaite pour son peuple en se faisant connaître, précèdent la Loi, laquelle constitue un chemin pour apprendre la liberté, pour rendre à Dieu ce qui Lui revient. Le peuple doit apprendre que c’est gratuitement que le Seigneur se fait proche de lui. Le Décalogue va unifier la communauté. Certains commandements mettent en valeur la relation avec Dieu, et d’autres, le rapport entre les humains. Ils doivent tous être observés. L’authentique observance des lois en lien avec Dieu se vérifie dans l’observance des lois concernant les croyants entre eux. On note que l’observance du sabbat est mise en valeur, car il offre l’occasion de louer et de remercier le Seigneur pour la création du monde en six jours. Et le septième jour sera réservé, consacré à Dieu, car il est bon que le croyant, dans le repos, prenne conscience de l’amour unique que le Seigneur lui offre.

La folie de Dieu

L’apôtre Paul connaissait parfaitement l’attente du peuple d’Israël, à savoir la restauration de la dynastie de David et, enfin, une paix définitive pour tous les siens. Il sait que le monde grec excelle au plan philosophique, avec des auteurs célèbres à jamais. Les Juifs rejettent Jésus, le Crucifié, la croix rendant abject « le maudit de Dieu ». De leur côté, les païens, qui recherchent des satisfactions pour leur esprit, ne voyaient, dans la mort du Crucifié, aucune avancée. Comment les uns et les autres vont-ils parvenir à changer leur vision?

Aux Juifs qui recherchent des signes et aux Grecs en quête de sagesse, Paul dit à ses frères : Je ne suis pas venue avec une supériorité de parole ou de sagesse pour vous annoncer le témoignage de Dieu, car je n’ai jugé bon de savoir parmi vous rien d’autre que Jésus Christ et Jésus Crucifié (2,1). Dans la faiblesse, l’apôtre développe le message que Dieu seul connaît. En son Fils Jésus, sur la croix, Dieu n’est plus le maître souverain, Il accepte de tout perdre. C’est un renversement bouleversant, inimaginable, insondable ; c’est un scandale pour le Juif. L’apôtre est descendu dans cet abîme, dans la profondeur du mystère de Dieu et il peut proclamer : Ce Messie est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car la folie de Dieu est plus sage que l’homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme (vv. 24-25).Dieu est fou d’amour, puissance dans la faiblesse qui sauve les humains de toutes les nations.

La purification du Temple

La lecture évangélique évoque un deuxième signe (2,13-25) qui vient à la suite de l’eau changée en vin aux noces de Cana (2,1-13). Il met en scène Jésus se rendant au Temple avec ses disciples pour célébrer la Pâque juive. Le Temple est le lieu sacré pour Israël, le signe et le gage de la présence de Dieu au milieu de son peuple.

Pour la fête de Pâque, jadis, les animaux pour les sacrifices se trouvaient dans la vallée du Cédron et sur les pentes du mont des Oliviers. Puis, peu à peu, les marchands se sont rapprochés de l’esplanade du Temple. Le marché était organisé par le Sanhédrin, l’assemblée des notables. Le Temple, constitué d’un vaste parvis était accessible à tous ; au centre, se trouvait un sanctuaire où prenait place le Saint des Saints, fermé par un rideau et où au pied d’un grand autel, les prêtres immolaient les sacrifices. Les non-Juifs ne pouvaient y entrer. Pour la Pâque, les pèlerins venaient de la Judée, de la Galilée et des colonies juives établies dans des pays étrangers.

Le Temple de Jérusalem, maison de la présence de Dieu, avait été construit en l’an 1000 avant Jésus ; il fut détruit par les Babyloniens au 6e siècle avant notre ère et relevé après le retour des exilés. En l’an 19 de notre ère, Hérode le Grand entreprend une importante restauration, toujours inachevée au moment de l’événement raconté, travaux qui se poursuivront jusqu’en l’an 64 après Jésus Christ. En l’an 70 de notre ère, il fut à nouveau détruit totalement par les Romains.

Au Temple, Jésus et ses disciples trouvent des marchands de bœufs, de brebis et de colombes, ainsi que les changeurs, installés sur l’esplanade (v. 14). Comment est-on parvenu à un tel trafic? Chez Jésus, l’action de les expulser est immédiate, radicale ; sa parole, tranchante : Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic (v. 16). Ce spectacle est scandaleux et indique l’urgence d’une conversion significative. Jésus dénonce un culte qui poursuit des fins mercantiles. Jésus vise une rénovation du culte. Une telle réaction de la part de Jésus est rarissime et veut la fin d’un culte dénaturé. Un tournant s’impose.

Lorsque Jésus pose ce geste inattendu, inqualifiable aux yeux de l’autorité juive, ne se situe-t-il pas dans la lignée des prophètes? Grâce à eux, le peuple est arrivé à une maturation, prenant conscience de ce qu’était la vraie relation à Dieu. L’action de Jésus est un acte prophétique qui vient purifier le Temple de ce qui contamine et désacralise le vrai culte. Dans les années 740, av. Jésus-Christ, Isaïe n’avait-il pas affirmé clairement ce qu’il en est des sacrifices? Que me fait la multitude de vos sacrifices, dit le Seigneur? Les offrandes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié… je n’en veux plus (1,11-17 ; voir aussi Osée 6,6 et Amos 5,21-25).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2699. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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