L’adoration des mages. Pierre Paul Rubens, 1624. Huile sur panneau de bois, 99 x 139 cm. Musée royal des Beaux-Arts, Anvers (Wikipedia).

Accueillir sa lumière pour mieux la donner

Yvan MathieuYvan Mathieu | Épiphanie du Seigneur (A) – 5 janvier 2020

La visite des mages : Matthieu 2, 1-12
Les lectures : Isaïe 60, 1-6 ; Psaume 71 (72) ; Éphésiens 3, 2-3a.5-6
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Épiphanie ou fête des rois ? Cette fête s’est transformée au cours des âges. Comme les mages de l’Évangile offrent trois présents à Jésus enfant, on a décidé qu’ils étaient trois. Le prophète Isaïe proclame à Jérusalem que « les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore » (Is 60,3). Le Psaume 71 insiste : Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront (v. 10-11). Il n’en fallait pas plus pour que les mages deviennent des rois. On leur a même donné des noms : Melchior, Gaspard et Balthazar. Ils seraient originaires d’Europe, d’Asie et d’Afrique, préfigurant ainsi les nations païennes qui reconnaîtront en Jésus le Messie, le Christ. Qui n’a pas fêté les Rois en partageant la fameuse galette (ou gâteau) où l’on a caché une fève, histoire de désigner la reine ou le roi de ce jour ?

Un mystère à redécouvrir

À force d’amplifier le récit évangélique et d’habiller la fête d’éléments folkloriques, on risque de perdre de vue ce que Paul appelle « le mystère » (Ep 3,3), « une réalité à vivre maintenant et dans notre monde […], une réalité que l’Église, sous la conduite de l’Esprit, doit incarner dans son histoire » [1].

Commençons par rappeler le sens du mot « épiphanie » : « manifestation ». Cette manifestation comporte trois temps : le temps de l’incarnation de la Parole de Dieu et de la naissance de Jésus, que célèbre cette saison liturgique ; le temps de la résurrection du Christ, que célèbre chaque eucharistie ; et le temps du retour en gloire du Christ à la fin des temps.

Un mystère qui nous est destiné

Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit  (Ep 3,5). Or, la découverte de ce mystère n’est pas l’aboutissement d’un effort de Paul, mais bien le fruit d’une grâce, d’un cadeau de Dieu : par révélation, il m’a fait connaître le mystère (3,3), c’est à dire le « mystère du Christ » (3,4). Cette révélation lui a été faite pour qu’il nous la communique : Dieu m[e l]’a donnée pour vous (3,2). Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile (3,6).

Sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi

Pour entrer dans cette révélation, dans cette « épiphanie », il importe d’abord de reconnaître que nous sommes un peuple qui marche dans les ténèbres (Is 9,1). Bien sûr, au jour de notre baptême, la lumière du Christ ressuscité nous a été confiée. Mais, force est de reconnaître que les ténèbres continuent à régner sur notre vie et sur notre monde. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples (Is 60,1). Comme les mages d’autrefois, nous pouvons dire en parlant du Christ : Nous avons vu son étoile à l’orient (Mt 2,2). Comme eux, il nous arrive pourtant de perdre de vue son étoile et de ne plus savoir où trouver sa lumière.

L’astre d’en haut nous a visités

Pour entrer dans le mystère de l’Épiphanie, il importe aussi de nous laisser envelopper à nouveau de la lumière de Dieu. Telle fut l’expérience des bergers de Noël (voir Lc 2,9). Telle est notre expérience quand nous faisons mémoire de la naissance de Jésus : grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, […] nous visite l’astre d’en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix (Lc 1,78-79). En reprenant leur route vers Bethléem, les mages ont eu une belle surprise : Voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie (Mt 2,9-10). En célébrant Noël et en reprenant la route de notre baptême, nous risquons nous aussi de retrouver la lumière du Christ. Nous entrerons alors dans une très grande joie.

Avec les mages, tomber aux pieds de Jésus

Les mages « entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe » (Mt 2,11). Avec eux, nous sommes invités aujourd’hui à entrer dans la maison de l’Église et à contempler l’enfant avec Marie sa mère. Les cadeaux offerts par les mages peuvent surprendre. Ils ont une valeur hautement symbolique. L’or veut reconnaître en Jésus « le roi des Juifs. ». L’encens veut saluer en lui « le Fils de Dieu ». Enfin, la myrrhe annonce le geste de Nicodème dans l’évangile de Jean. Après la mort de Jésus sur la croix, il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres (Jn 19,39) pour ensevelir son corps. En reconnaissant en Jésus la source de la lumière du Christ, nous l’honorons comme roi et comme Dieu. Nous proclamons que c’est dans sa mort et sa résurrection que Jésus manifeste pleinement la gloire de Dieu.

Debout, Jérusalem, resplendis !

Contempler la lumière du Christ, reconnaître en lui le mystère de Dieu, cela nous engage à redevenir un peuple missionnaire. En octobre dernier, le pape François nous invitait à vivre un mois missionnaire extraordinaire. Or, la mission ne s’est pas arrêtée le premier novembre. Le mystère du Christ qui nous est manifesté à l’Épiphanie, rappelons-le, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile (Ep 3,6). Nous sommes le nouveau peuple de Dieu, chargé d’annoncer l’Évangile, de faire resplendir sa lumière sur le monde.

Les nations marcheront vers ta lumière

Les mages d’aujourd’hui sont nombreux. Combien de nos frères et sœurs sont des assoiffés de lumière ? Combien de nos contemporains veulent trouver un sens à leur vie, sortir des ténèbres de notre monde ? Saurons-nous leur indiquer la route vers celui qui est source de lumière ? Pour que cela soit possible, il importe que nous ayons à cœur de laisser transparaître la lumière du Christ dans toute notre vie. En effet, vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour ; nous n’appartenons pas à la nuit et aux ténèbres » (1 Th 5,5). Car Dieu qui a dit : Du milieu des ténèbres brillera la lumière, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ (2 Co 4,6). Ainsi vous serez irréprochables et purs, vous qui êtes des enfants de Dieu sans tache au milieu d’une génération tortueuse et pervertie où vous brillez comme les astres dans l’univers, en tenant ferme la parole de vie (Ph 2,15-16a).

Père mariste, Yvan Mathieu est professeur à l’Université Saint-Paul (Ottawa).

[1] Joseph Pierron, « L’épiphanie du mystère », dans Assemblées du Seigneur NS 12 (1969), p. 11-18 (11).

Source : Le Feuillet biblique, no 2645. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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