Le jugement dernier (haut du tableau). Pierre Paul Rubens, 1616. Huile sur toile, 606 x 460 cm. Alte Pinakothek, Munich (Wikimedia).
Un royaume de justice et de paix
Yvan Mathieu | Le Christ, roi de l’univers (A) – 22 novembre 2020
Le jugement dernier : Matthieu 25, 31-46
Les lectures : Ézékiel 34, 11-12.15-17 ; Psaume 22 (23) ; 1 Corinthiens 15, 20-26.28
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
En ce dernier dimanche de l’année liturgique, l’Église célèbre le Christ, roi de l’univers. Pour plusieurs, ce titre n’a pas beaucoup de sens. La royauté n’a pas nécessairement bonne presse par les temps qui courent. C’est pourquoi il importe de préciser de quel type de royauté nous parlons. Lors du procès de Jésus, Pilate lui demande : « Es-tu le roi des Juifs? » (Jean 18,33). Et Jésus de répondre : « Ma royauté n’est pas de ce monde […]. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » (Jn 18,36). Alors comment Jésus est-il roi?
Un roi selon le cœur de Dieu
Pour mieux comprendre, il importe de saisir le rôle du roi chez le peuple de Dieu. Chez les peuples d’alentour, le roi appartenait à la sphère du divin. Mais pas chez le peuple juif, où le roi « reste soumis autant que les autres hommes aux exigences de l’Alliance et de la Loi […]. Dieu fait de lui son fils adoptif […], dépositaire de ses pouvoirs [1] ». Le roi était donc représentant de Dieu, chargé d’assurer la prospérité du peuple, de faire régner dans le pays la justice et la paix, de protéger les pauvres du Seigneur.
L’infidélité des rois d’Israël et de Juda
Malheureusement, les rois d’Israël et de Juda n’ont pas tous été à la hauteur de cet idéal. D’où le reproche que leur adresse le prophète Ézékiel. « Ainsi parle le Seigneur Dieu : Quel malheur pour les bergers d’Israël qui sont bergers pour eux-mêmes! N’est-ce pas pour les brebis qu’ils sont bergers? […] Elles se sont dispersées, faute de berger, pour devenir la proie de toutes les bêtes sauvages. Mon troupeau s’égare sur toutes les montagnes et toutes les collines élevées ; mes brebis sont dispersées dans tout le pays, personne ne les cherche, personne ne part à leur recherche. » (Ez 33,2.5-6).
Dieu le véritable roi de son peuple
Dieu ne peut se résigner à cet état de fait. « Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles. Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis […]. C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, – oracle du Seigneur Dieu » (Ez 33,11-12.15). Cette promesse de Dieu s’accomplit dans le Christ.
Jésus, artisan du Royaume des cieux
Après son baptême, une fois vaincu le tentateur, « Jésus commença à proclamer : “Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche” » (Mt 4,17). Dans le mystère de Pâques, ce Royaume a été inauguré : « Le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis » (1 Co 15,20). Il sera pleinement accompli « quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire » (Mt 25,31). « Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père » (1 Co 15,24). Entre la Pâque du Seigneur et son retour en gloire, le Christ continue d’exercer sa royauté, il continue de construire le Royaume à travers l’œuvre de l’Esprit Saint en nous. N’est-ce pas ce qu’indique la description du jugement dernier que fait Jésus dans l’évangile de ce jour?
La mission de Jésus
Lors de ce jugement, le Fils de l’homme, qui est roi, séparera les hommes les uns des autres selon ce qu’ils auront fait ou omis de faire « à l’un de ces plus petits de mes frères » (Mt 25,40). Nourrir, donner à boire, accueillir, habiller, visiter, tour cela rappelle ce que Jésus lui-même a fait pendant son ministère. Il a nourri les foules, accueilli les malades et les pécheurs. Sa mission est de « porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés » (Luc 4,18). Grâce à lui, « les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle » (Mt 11,5). « Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. » (Actes 10,38)
La mission des disciples hier et aujourd’hui
Cette mission de Jésus, qui construit le Royaume de Dieu, se continue par l’entremise des disciples. Pendant son ministère, « Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité » (Mt 10,1). Encore aujourd’hui, tout disciple du Christ roi est appelé à prendre au sérieux l’invitation que lance Dieu à travers le prophète Isaïe. « Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable? Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. » (Isaïe 58,6-8)
Moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi (Jacques 2,18)
En nous décrivant le jugement dernier, Jésus Christ, notre Roi, nous invite donc à la foi, une foi qui ne se limite pas à un attachement à la personne de Jésus dans notre cœur. « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur!” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7,21) « Donc, tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi. » (Mt 7,12)
Célébrer le Christ roi aujourd’hui
Célébrer la solennité de notre Seigneur Jésus Christ roi de l’univers n’est pas chose facile aujourd’hui. Pour bien comprendre ce que notre foi affirme, il importe d’abord de dépasser notre conception purement politique du concept de royauté. Il importe aussi de se rappeler qu’« il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps » (2 Co 5,10). Jésus ressuscité nous dépeint la grande fresque du jugement dernier non pour nous enfermer dans la peur, mais bien pour nous faire entrer dans la bénédiction de Dieu.
Construire avec le Christ
Le grand désir du Christ roi est de pouvoir se tourner vers nous lors du jugement dernier en disant : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde » (Mt 25,34). Le Christ nous envoie. Nous sommes ces petits qui sont ses frères et qui n’ont qu’une seule richesse à offrir : la Bonne Nouvelle du Royaume. Proclamons l’Évangile en paroles, mais aussi par des engagements concrets envers nos frères, surtout les plus pauvres. Osons relever le défi : « Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle. » (1 Pierre 2,5).
Père mariste, Yvan Mathieu est professeur à l’Université Saint-Paul (Ottawa).
[1] X. Léon-Dufour (dir.), Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Cerf, 1970, col. 1135.
Source : Le Feuillet biblique, no 2682. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.