L’Ascension. Rembrandt, 1636. Huile sur toile, 93 x 68,7 cm. Alte Pinakothek, Munich (Wikimedia).
L’Ascension : l’inauguration du temps de l’Esprit
Julienne Côté | Ascension du Seigneur (A) – 24 mai 2020
L’Ascension : Matthieu 28,16-20
Les lectures : Actes des apôtres 1,1-11 ; Psaume 46 (47) ; Éphésiens 1,17-23
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
Les disciples de toutes les époques ont reçu l’appel et la mission d’élever leur cœur vers Dieu, Père, Fils et Esprit.
L’extrait évangélique choisi pour la fête de l’Ascension constitue la finale du récit évangélique selon saint Matthieu, une finale qui condense, résume l’entièreté des vingt-huit chapitres de l’œuvre. Nous sommes dans « la Galilée des Nations » (Mt 4,15), là où les premiers disciples ont rencontré Jésus, là où le Ressuscité a demandé aux femmes de Jérusalem d’avertir les onze disciples de le rejoindre. Il s’agit de « l’élévation » du Christ Jésus, esquissée d’une façon des plus discrète, de telle sorte que l’accent est mis sur le sens de l’événement.
Dans les écrits bibliques, la montagne est le haut lieu symbolique par excellence où la révélation est proclamée. C’est à la montagne de l’Horeb que Moïse reçoit les dix commandements et qu’est constitué le peuple d’Israël en nation sainte. C’est au Thabor, en compagnie de Moïse et d’Élie, que Jésus est transfiguré (Mt 17,1-9). C’est à la montagne que sont prononcées les béatitudes (Mt 5,1 ; 8,1), que Jésus se retire à l’écart pour prier (Mt 14,23), qu’il accomplit des guérisons (Mt 15,29-32). Cette montagne de Galilée est « le Sinaï du Nouveau Testament », le lieu de la dernière rencontre du Ressuscité avec ses disciples, lesquels, quand ils le virent, se prosternèrent (v. 17). Cette attitude dévoile ce qui se produit dans la profondeur de leur être ; ils vivent une expérience spirituelle profonde, de grande proximité, la reconnaissance de la transcendance de leur Maître, de la grandeur et de la dignité de Celui que le Père a envoyé. Revient alors à notre mémoire le fait que le même geste fut posé, un jour dans la barque (Mt 14,33), que c’était l’attitude des Mages, venus d’horizons lointains et se prosternant devant l’Enfant dans la crèche (Mt 2,2.8.11), celle d’un lépreux et d’un notable (Mt 8,2 ; 9,18), de la cananéenne et de la mère des fils de Zébédée (Mt 14,33 ; 15,25 ; 20,20). À leur vénération, Matthieu précise aussi que certains des disciples eurent (ou avaient eu) des doutes (v. 17; 14,31). Ce groupe a connu la défection d’un compagnon, avant la crucifixion. La foi de certains disciples n’est pas totalement assurée, elle est et sera éprouvée. Il demeure que cette foi, reçue comme un don, s’est maintenue, à travers les siècles, malgré les persécutions, grâce au Ressuscité et à l’Esprit qu’il a promis.
La seigneurie du Ressuscité
et la mission conférée à l’Église
Jésus a convoqué le groupe des onze disciples. Par sa Résurrection et son Ascension, Il est intronisé dans son état quasi définitif. Pour l’heure, s’approchant de ses disciples, Il leur donne ses dernières et ultimes instructions et proclame l’autorité qui lui est donnée : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre (v. 18). Désormais, il est plus qu’« un envoyé de Dieu » ou encore plus « qu’un serviteur ». Tout pouvoir, dit-il,c’estl’affirmationqu’Il est à égalité avec Dieu. Il est le Seigneur qui a toute autorité. Sa mission ne connaîtra donc aucune limite, tant dans l’espace que dans le temps, elle sera universelle. Désormais, l’élection ne sera pas liée à une race, à l’appartenance à un peuple. Ses disciples – le groupe – constituent l’Église et Il les envoie proclamer la bonne nouvelle, faire des disciples, des communautés vivantes. Leur mission est de rendre présent dans le monde le Christ Jésus. Il leur promet le don de l’Esprit, car par eux-mêmes, ils ne sauraient assumer cette capacité d’adhérer à la personne de Jésus et, avec persévérance, approfondir le mystère : Allez donc! de toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit (v. 19). C’est par Lui et en Lui qu’ils s’engageront intérieurement, avec force et responsabilité, poursuivant l’œuvre du Fils, qu’ils se rendront jusqu’aux extrémités de la terre, qu’ils feront des disciples, baptiseront et offriront un enseignement en lien avec la Bonne Nouvelle du Royaume qui est Jésus lui-même. L’identité du disciple, c’est « de pouvoir être communautairement avec les autres, signe de la présence de Dieu dans le monde ».
Et moi, je suis avec vous tous les jours...
La promesse du Seigneur d’accompagner, de soutenir les siens, « le groupe », est sans équivoque :
Il s’approcha d’eux (v. 18). Au baptême de Jésus, dans une affirmation unique, le lien entre le Père et le Fils avait été établi avec force ; ici, le Ressuscité et les disciples forment un tout, présents l’un à l’autre : Lui et eux. En fait, « le groupe » est présenté comme médiateur de Jésus. Leur mission n’a de raison d’être que d’orchestrer la sienne. (G. Becquet)
Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde (v. 20). Cette affirmation Je suis avec vous... Je vous fais participer à ma vie... a été adressée à Moïse (Exode 3,12), à Isaïe (Is 7,14), à Marie (Mt 1,21-23; Lc 1,28), lors du nom donné à Jésus, Emmanuel, soit Dieu est avec nous. Cet engagement du Ressuscité et de son Esprit permettra aux disciples, d’origines diverses de vivre et de manifester la présence de Jésus, Christ.
Première lecture
Actes des Apôtres 1, 1-11
Le prologue du livre des Actes des Apôtres présente un des récits de l’Ascension du Seigneur. Chaque récit de cet événement, de la part des évangélistes, présente des aspects différents qui aident à entrer dans la profondeur de l’événement. Dans les Actes, au cours d’un repas, lors d’une dernière rencontre, Jésus donne ses dernières instructions aux apôtres qu’il a choisis (v. 2). Ces derniers ont encore à purifier, à modifier leur attente, à convertir leur regard. La mission de Jésus, ainsi que la leur, n’est pas de rétablir le royaume d’Israël, mais de réveiller la conscience religieuse du peuple (v. 5), d’être témoins à Jérusalem... jusqu’aux extrémités de la terre (v. 8).
Constatons que certains éléments du récit sont d’ordre symbolique; ils ont déjà été utilisés dans le Premier Testament. C’est le cas de la nuée qui soustrait Dieu au regard humain tout en manifestant en même temps sa présence. On se rappelle l’enlèvement de Moïse (Exode 13,21-22) et l’ascension d’Élie (2 Rois 2,1-11). Après la période transitoire des 40 jours où les Apôtres ont été appelés à passer de leur connaissance de Jésus selon la chair à l’expérience du Ressuscité que l’on contemple dans la foi, arrive l’inauguration d’un temps nouveau. C’est le temps de l’Esprit (v. 5). Les chrétiens sont appelés à une ascension avec le Christ : Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous (v. 8). Ils vont inaugurer une nouvelle étape de l’histoire du salut. Quant à la présence de deux hommes, elle rappelle celle de Moïse et Elie, à la Transfiguration (Luc 9,30), celle des hommes près du tombeau de Jésus (Luc 24,4).
Deuxième lecture
Ephésiens 1, 17-23
L’ouverture de la Lettre aux Éphésiens est une hymne de bénédiction (1,1-16), suivie d’une action de grâce (vv. 15-16a), puis d’une prière de bénédiction (vv. 17-23), laquelle sera complétée par une louange au Christ.
Quel est l’objet de la demande faite au Père dans sa gloire sinon que les fidèles accèdent à la connaissance du Christ, qu’ils acquièrent un esprit de sagesse pour mesurer l’espérance qui leur est offerte dans le Christ, ainsi que la gloire sans prix de leur héritage (v. 18)? Le dessein du Père s’est révélé dans la personne de Jésus, Christ et dans son œuvre. Du Père, le Fils a reçu un pouvoir illimité. L’Apôtre décrit aussi la puissance infinie du Père qui s’est déployée dans l’élévation du Christ, désormais assis à sa droite dans les cieux et établi au-dessus de toutes les puissances... Il a fait de Lui la tête de l’Église qui est son corps (v. 20-23). Celle-ci tient sa vie, sa dignité, sa plénitude, son rayonnement de Celui qui est son chef.
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.
Source : Le Feuillet biblique, no 2665. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.