La Pentecôte. Manuscrit enluminé réalisé en Turquie et daté de 1386. J. Paul Getty Museum, Los Angeles (Wikipedia).

Le temps de l’Esprit : une ère nouvelle

Julienne CôtéJulienne Côté | Pentecôte (C) – 9 juin 2019

Le Paraclet, Jésus et le Père : Jean 14, 15-16.23b-26
Les lectures : Actes des Apôtres 2, 1-11 ; Psaume 103 (104) ; Romains 8, 8-17
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

En cette fête de plénitude, notre communauté chrétienne accueille et célèbre l’Esprit qui nous enseigne, nous guide et nous renouvelle.

Après le lavement des pieds qui exprime le service d’autrui, l’évangéliste Jean évoque le discours d’adieu de Jésus, présenté dans les chapitres 14 à 16, que nous aurions avantage à parcourir pour mieux approfondir le rôle et la fonction de l’Esprit. Dans les deux extraits choisis en ce dimanche, on découvre l’Esprit sous deux angles.

L’Esprit de vérité, le Défenseur

Les lectures de ce jour nous plongent dans le vécu des disciples envahis par le don de l’Esprit. Ils ont connu le tragique événement de la mort de leur Maître qui a pris soin, avant son départ, de leur annoncer le don de l’Esprit. Celui-ci envahira leurs cœurs de l’amour du Père et du Fils, et assurera un nouveau commencement. Il viendra comme un violent coup de vent, comme un feu ardent.

Le discours fait allusion aux questions posées par Pierre (13,36), Thomas (14,5), Philippe (14,8-9) et Jude (14,22). Le premier extrait de l’évangile de ce dimanche (14,15-16) constitue la réponse à la question de Philippe : Seigneur, montre-nous le Père... (19,9). Le deuxième extrait (14,23b-26) répond à l’interrogation de Jude concernant la manifestation de Jésus, après sa mort et lors de la fin des temps : Seigneur, comment se peut-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde? (14,22). Jésus invite ses disciples à rester fidèles à ses commandements et leur promet de leur donner un autre Défenseur qui sera pour toujours avec eux, l’Esprit de vérité (14,16.18.26). Un Défenseur! Un Paraclet, « l’avocat » des disciples face aux dangers du monde; « un intercesseur », « un consolateur » qui réconforte! Jésus a révélé le Père, désormais, son remplaçant, l’autre lui-même – « l’autre Christ » –, sera l’Esprit. Comment ne pas se rappeler que, dans sa vie à Nazareth, en Galilée, puis en Judée l’Esprit du Seigneur était sur Jésus (Luc 14,18). C’est l’Esprit qui l’a poussé au désert (Marc 1,12), qui l’a incité à annoncer la Bonne Nouvelle, à guérir les malades, à tressaillir de joie sous son action : Jésus tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et dit : je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre... (Luc 10,21). Maintenant, dans l’imminence de sa Passion, Il annonce ouvertement l’effusion de l’Esprit. Il prendra la défense des chrétiens qui, dans les communautés naissantes, connaîtront des divisions, l’hostilité du monde, les persécutions; de tous les chrétiens, qui à travers les siècles, proclameront l’amour du Père et du Fils et rendront un témoignage crédible; de tous ces jeunes du 21e siècle, rencontrés par le pape François qui les a appelés à aller aux périphéries, à réfléchir à cette réalité : « Je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans ce monde. » (Exhortation apostolique Evangelii gaudium, no 273)

L’Esprit de vérité, envoyé par le Père, enseignera tout! (14,17 ; 15,26). C’est lui qui permettra de réactiver, dans le cœur de chaque croyant, la mémoire de Jésus, le Fils bien-aimé, resté fidèle à sa mission jusqu’à la croix ; de faire comprendre le sens de la mort ignominieuse du Maître ; de se souvenir de ses paroles, de faire revivre ses gestes. L’Esprit reposait en Jésus, s’est concentré dans la vie de Jésus. Dans l’avenir, il se concentrera dans l’action de l’Église. C’est grâce à l’Esprit que les Apôtres ont été propulsés sur la place publique ; que dans chaque croyant, chaque croyante, la parole de Jésus reste vivante et créatrice de renouveau personnel. C’est lui qui introduit dans la vérité du Fils bien-aimé qui révèle le Père et l’amour entre le Père et le Fils. C’est grâce à l’Esprit et sous son impulsion que les communautés vont se structurer et s’unifier pour être le Corps du Christ.

Quel accueil est-on prêt à réserver au Seigneur Jésus, le très aimant? Quel amour saurons-nous lui offrir? C’est par la fidélité à sa Parole (14,15.23) et la connaissance pratique des commandements que les chrétiens manifesteront leur attachement au Seigneur. Et cette réponse d’amour exigera le parcours d’un long et lent cheminement où ils saisiront, à l’intime de leur conscience, au tréfonds de leur être, qu’ils sont les fils et filles du Père. Le Père qui enverra en mon nom l’Esprit (14,26) transformera les cœurs qui rejetteront les mentalités et les mœurs du monde pour bâtir une communauté fraternelle et compatissante, aux attitudes filiales.

Actes 2, 1-11

Le peuple juif célébrait, 50 jours après la fête de Pâques, la fête de la moisson, empruntée jadis aux Cananéens. Les nations du moment venaient à Jérusalem à cette occasion. Pour Israël, ce jour, soulignait l’Alliance du Sinaï où Dieu qui est relation et communication, offrit la Loi à Moïse (Exode 19).

Après Pâques, à la fête de la Pentecôte, les communautés chrétiennes célèbrent la présence active de l’Esprit, l’inauguration d’une nouvelle alliance définitivement conclue. L’Esprit ne pouvant rester confiné au cercle des disciples, on assiste à l’accomplissement total de la manifestation de Dieu aux humains de diverses cultures et langues. L’Esprit souffle où il veut (Jean 3,8), ilse communique en étant « l’interprète » du Christ qui nous l’envoie afin que nous saisissions la largeur, la longueur et la profondeur de l’amour du Christ.

Le texte des Actes évoque la compréhension de chacun dans sa langue respective. Peut-être, faut-il comprendre, qu’au-delà des sons proférés, l’Esprit unissait et réjouissait les cœurs. Ou encore que la différence des langues, jadis signe de séparation (Genèse 11,9), est dépassée et abolie. Les apôtres, s’adressant à chacun, dans sa langue respective, sont convaincus que, par l’Esprit, artisan d’unité et de communion entre tous les chrétiens de ce monde, se réalisera l’harmonie entre les peuples de la nouvelle Alliance.

Psaume 103(104), 1.24.29-34

En cette fête de la Pentecôte, l’Église, émerveillée, emprunte au psautier un chant de louange, qui met en communion les fidèles face à la musique de l’univers, créé par le Seigneur. C’est jour d’allégresse! Jour d’action de grâce pour le don de l’Esprit!

Épître aux Romains 8, 8-17

Au chapitre 7 de l’épître aux Romains, Paul décrit la détresse de l’humanité face au règne de la loi, perçue comme une contrainte extérieure, dans l’absence d’un assentiment intérieur. Au chapitre 8, il proclame le salut apporté par Jésus qui, à l’heure de son départ, confie à l’Esprit ses disciples. L’auteur utilise une série d’oppositions : le passé/le présent, la Loi/la foi, la chair/l’Esprit, la mort/la vie, l’esclavage/la liberté. L’être humain est appelé à choisir une ligne de conduite, une voie, celle de l’Esprit et non la voie de la chair. Pour bien saisir le message de Paul, il convient de connaître le sens du mot chair dans la pensée sémitique. Il s’agit de l’être humain fragile et faible, orgueilleux, fasciné, emporté par la soif des biens terrestres périssables, alors que l’esprit est en référence avec ce qui est à l’intime de l’individu (Jérémie 31,31-32).

Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair,
 mais sous l’emprise de l’Esprit,
puisque l’Esprit habite en vous...
C’est donc l’Esprit Saint lui-même
qui affirme à notre esprit
que nous sommes enfants de Dieu (8,9.16).

Au cours de son existence, le chrétien prend des décisions, il affronte les difficultés inhérentes à la condition humaine. Sans cesse, aux jours de détresse comme aux jours de bonheur, il est appelé à mettre sa confiance en Dieu-Père, fou du bonheur de ses enfants, qui ne les abandonnera jamais. La prétention de réussir sa conduite et sa vie par ses propres forces, la voie de la méfiance, du soupçon, de la désobéissance, voire de la révolte n’ont pas leur raison d’être. Le Premier Testament évoque quantité de situations où l’individu se fourvoie, ainsi que le peuple. Par contre, ceux et celles qui vivent dans la confiance, en communion intime avec Jésus, peuvent s’adresser au Père qui les reconnaît comme ses enfants d’adoption, ses héritiers :

L’Esprit que vous avez reçu...
c’est un Esprit qui fait de vous des fils;
poussés par cet Esprit,
nous crions vers le Père en l’appelant «Abba!»
C’est donc L’Esprit Saint lui-même
qui affirme à notre esprit
que nous sommes enfants de Dieu...
héritiers de Dieu... (8,15-17).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2623. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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