La conversion de Zachée. Enluminure d’un manuscrit médiéval, autour de 1200. Bibliothèque nationale des Pays-Bas (Picryl).

Le Dieu pour qui rien n’est jamais perdu

Lorraine Caza Lorraine Caza | 31e dimanche du Temps ordinaire (C) – 3 novembre 2019

Conversion de Zachée : Luc 19, 1-10
Les lectures : Sagesse 11, 23 – 12, 2 ; Psaume 144 (145) ; 2 Thessaloniciens 1, 11 – 2, 2
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

L’événement raconté dans l’évangile de ce jour se situe à Jéricho, « la ville la plus basse du monde (1300 mètres en dessous du niveau de la mer), située dans la dépression de la vallée du Jourdain, au nord de la mer Morte, à 35 km au Nord-Est de Jérusalem  ».  On l’appelle la ville des Palmiers. Jésus traverse cette ville où habite un homme du nom de Zachée. Ce Zachée est riche puisqu’il est chef des collecteurs d’impôts de la ville. Le texte précise aussi qu’il porte le désir de voir qui est Jésus, mais qu’il n’y parvient pas en raison de la foule, car il est petit de taille. Sa recherche doit être très sérieuse puisque, pour atteindre son objectif, il court en avant et grimpe sur un sycomore. Arrivé à l’endroit où se trouve cet arbre, Jésus lève les yeux et interpelle ce chercheur : Zachée, descends vite; aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer chez toi. L’interpellation nous révèle donc que si Zachée cherche Jésus, Jésus est tout autant à la recherche de Zachée et veut s’approcher de lui sans retard : « descends vite ».

Aujourd’hui

Ce passage de la péricope comporte aussi le fameux aujourd’hui « si caractéristique de l’évangile de Luc ». On pense à plusieurs autres passages de l’évangile :

  • l’annonce aux bergers : Aujourd’hui, vous est né un Sauveur qui est le Christ Seigneur dans la ville de David (1,11);
  • l’inauguration de la prédication de Jésus à la synagogue de Nazareth où, après la lecture d’Isaïe 61,1-2, Jésus proclame : Aujourd’hui, s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture (4,21);
  • le baptême de Jésus où la voix venue du ciel dit : Tu es mon fils; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré (3, 22);
  • la guérison du paralytique où les témoins de l’événement, disent : Nous avons vu d’étranges choses, aujourd’hui (5,26);
  • l’évocation de la menace que constitue Hérode auquel Jésus envoie dire : Voici que je chasse des démons et accomplis des guérisons aujourd’hui, demain et le troisième jour, je suis consommé ! Mais aujourd’hui, demain et le jour suivant, je dois poursuivre ma route… (13,32);
  • la réponse au malfaiteur repentant, crucifié aux côtés de Jésus : En vérité, je te le dis, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis (23,43).

Il faut

Pour exprimer sa volonté de s’approcher de Zachée, Jésus parle de demeurer avec lui, mais on ne peut que s’étonner de la force de l’affirmation de Jésus : Il faut (en grec, deî) que j’aille demeurer chez toi. Ce fameux Il faut, on le retrouve lui aussi fréquemment dans la première annonce de la passion (9,22); dans l’évocation du retour glorieux de Jésus à la fin des temps (17,25); dans la parole des deux hommes en habit éblouissant qui annoncent la résurrection avec des termes rappelant les annonces de la passion (24,7); dans la parole du ressuscité aux disciples d’Emmaüs (24,26). Ce Il faut ne nous dit-il pas que cette intimité de Jésus avec Zachée est au cœur du dessein de Dieu?

Vite et avec joie

Jésus avait dit à Zachée : Zachée, descends vite. Le texte poursuit en précisant que, de fait, Zachée descendit vite et accueillit Jésus dans sa maison avec joie. Notre texte comporte donc une double référence à l’empressement donné à la rencontre à laquelle s’ajoute la mention de son caractère joyeux. On se souviendra qu’au premier chapitre de son évangile, Luc évoque une visite de Marie à sa cousine Élisabeth dans le rayonnement immédiat de la scène de l’Annonciation. On y lit que Marie partit et se rendit en hâte chez sa cousine et qu’une atmosphère de joie imprègne toute cette démarche. Empressement de Zachée à accueillir Jésus; empressement de Marie à se rendre chez Élisabeth. Joie de Zachée qui reçoit Jésus; joie d’Élisabeth et de Jean en son sein qui reçoivent Marie et celui qu’elle porte et joie de Marie qui exalte en son Magnificat.

Loger chez un pécheur

Le geste de Jésus s’invitant chez Zachée est perçu par tous sous un angle négatif. Comme chef des publicains, Zachée est considéré pécheur. On se souviendra qu’au chapitre précédent (18,9-14), Jésus avait adressé à certains qui se flattaient d’être des justes et n’avaient que mépris pour les autres, la fameuse parabole du publicain qui rentre chez-lui, « justifié » alors que le pharisien ne l’est pas. Cette parabole nous a magnifiquement préparés à comprendre le Jésus qui agit en ami de Zachée. Suivent immédiatement les choix de Zachée qui le montrent en grande communion avec Jésus : il donne la moitié de ses biens aux pauvres; il rend quatre fois plus à quiconque il a fait du tort.

Le second Aujourd’hui de ce texte 

Si nous prenons le temps de retracer l’itinéraire spirituel de Zachée, nous notons que, tout en étant fortement engagé dans sa profession de collecteur d’impôts, il portait le désir de voir Jésus; il recherchait Jésus et a pris les moyens pour atteindre son objectif. Nous observons qu’il reçoit l’invitation de Jésus à descendre rapidement de son sycomore et à l’accueillir avec joie dans sa maison. Il a sans doute entendu les murmures de tous contre cet accueil que Jésus lui réserve. Sa réaction : montrer sa communion intime avec Jésus en exprimant une grande générosité envers les pauvres et une disposition à réparer au maximum le tort qu’il a fait. Il est donc un être sauvé par Dieu; il est dans toute la vérité du terme un fils d’Abraham.

La mission de Jésus

À travers cette bouleversante rencontre entre Jésus et Zachée, Jésus nous invite à découvrir le cœur de sa mission. Vous pensiez que ce riche chef des collecteurs d’impôts de Jéricho était bien loin de Dieu et des amis de Dieu. Ce qui vous est clairement exprimé à travers cet itinéraire de Zachée, c’est que Jésus, le Fils de l’homme, est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Il cherche vraiment Zachée, le Jésus qui lève les yeux vers le sycomore; il le cherche quand il insiste pour qu’il descende et lui permette de demeurer dès ce jour, dans sa maison. Il le sauve, le considérant de la famille d’Abraham, avec un cœur si généreux. Évoquer que Dieu prend soin de ce qui est perdu nous renvoie à la merveilleuse hymne de la Commission francophone cistercienne (CFC) :

Point de blessure que sa main ne guérisse,
rien n’est perdu pour Dieu;
Vienne la grâce où la vie reprend,
Flamme jaillie des cendres!
Point de ténèbres sans espoir de lumière,
rien n’est fini pour Dieu;
Vienne l’aurore où l’amour surgit,
chant d’un matin de Pâques !

Le récit de Zachée illustre merveilleusement bien ce que la première lecture, tirée du livre de la Sagesse, affirme fortement : l’amour de Dieu pour tout ce qui existe. Tu n’aurais pas créé un être en ayant de la haine envers lui… Tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes la vie, toi dont le souffle impérissable anime tous les êtres. Zachée a reconnu le grand amour de Jésus s’exprimant si fortement à travers le il faut.

Dans la seconde lettre de Paul aux Thessaloniciens, nous sommes invités à intercéder pour tous nos frères et nos sœurs humains qui, comme Zachée, ont reçu un appel de Dieu. Oui, comme Zachée, nous sommes des appelés qui veulent accomplir tout le bien possible, qui se veulent actifs dans la foi, qui savent que le Seigneur Jésus aura sa gloire en nous et nous en lui. Avec Paul, nous proclamons : voilà ce que nous réserve, à nous comme à Zachée, la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ.

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Lorraine Caza est bibliste et professeure honoraire du Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2636. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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