Le juge cynique. Eugène Burnand, 1908. Illustration d’un volume consacré aux paraboles.
Un appel à la prière : en tout temps sans se décourager
Julienne Côté | 29e dimanche du Temps ordinaire (C) – 20 octobre 2019
Parabole du juge qui se fait prier longtemps : Luc 18, 1-8
Les lectures : Exode 17, 8-13 ; Psaume 120 (121) ; 2 Timothée 3, 14–4, 2
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
Grâce à l’Esprit, les croyants sont appelés à prier sans cesse, dans une confiance totale à Dieu, le Père, comme nous l’enseigne Jésus au cours de sa vie, jonchée de joies et de souffrances.
Le récit évangélique de Luc propose un récit qui comporte une invitation à la prière (v. 1), suivie d’une parabole qui met en évidence un juge cynique et une veuve sans défense (v. 2-6), avec, comme conclusion, une question qui semble semer l’inquiétude quant à l’avenir de la foi (versets 7 et 8), mais qui affirme, en fait, l’intervention de Dieu en faveur de ceux qui se confient à Lui. En empruntant des mots propres au courant apocalyptique (lever le voile, révéler, quant à la fin des temps), il est question du Règne de Dieu à venir, – d’un délai que Dieu s’octroie –, à vivre dans la foi et l’espérance, dans un climat d’amour, de présence à l’être aimé.
Le juge et la veuve
La parabole du juge qui ne remplit pas son rôle s’insère dans un contexte où ceux qui accompagnent Jésus font face à une lassitude, à une difficulté quant à la puissance de la prière. Ils éprouvent un insuccès, un découragement face au retard du Fils de l’homme, d’où l’appel de Jésus à ses disciples de toujours prier sans se décourager (v. 1).
Que sait-on du juge qui par sa fonction doit rendre la justice? Il n’a ni respect pour Dieu, ni compassion pour les humains, ses frères et sœurs qu’il méprise. Compte tenu de ses dispositions intimes, comment parviendra-t-il à faire droit à la veuve sans défense, qui se présente à lui? Comment répondra-t-il à ses réclamations ? Cette femme se trouve dans une situation précaire, vivant dans l’isolement de sa famille d’origine qui, depuis son mariage, n’a plus d’obligation d’entretien à son égard; et qui, à la suite de la mort de son mari, n’a plus de lien avec sa belle-famille. Symboles de faiblesse, les veuves, qui vivent dans des conditions pénibles, appartiennent très souvent à une catégorie sociale inférieure (Deutéronome 14,28-29; 24,17-22; Jérémie 7,6; Ézéchiel 22, 7; Isaïe 49,11). Face au juge, elle prend l’attitude des pieux qui se plaignent devant Dieu (Psaumes 7,11; 86,3; 88,1; 94; 140,12; Job 6,3).
Pour se débarrasser de cette femme qui l’importune et qui persiste (v. 3), le juge, de guerre lasse, capitule: Je ne respecte pas Dieu, et je me moque des hommes, mais cette femme commence à m’ennuyer: je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête (vv. 4-5). C’est donc, grâce à son opiniâtreté et à sa persévérance, à sa patience et à son courage que cette veuve, en situation fragile, va gagner sa cause et constituer un exemple à suivre. Malgré les revers, l’indifférence et l’arbitraire du juge mécréant, elle va patiemment multiplier les démarches. Quant au juge, ce n’est pas, ici, la personne ou l’attitude passée qui est mise en évidence, mais l’action finale qui autorise l’analogie avec l’intervention de Dieu envers ses élus (v. 7) qui se confient à lui.
Prier sans cesse, prier sans se décourager
Les croyants d’hier et d’aujourd’hui se demandent, après un certain temps, à quoi cela sert-il de prier. Rien ne se passe, les gens continuent à souffrir. Il y a le silence de Dieu. Et la foi s’affaiblit, l’ardeur s’émousse. On ne sait pas s’engager dans une longue attente, porter ses faiblesses et ses imperfections, et les épreuves inhérentes à toute vie. On souhaiterait que Dieu modifie le cours des événements. Or, Dieu respecte la liberté des humains jusqu’au seuil de la mort, le point culminant, comme ce fut le cas pour Jésus. Luc nous fait voir que tous les événements vécus font partie du plan de salut de Dieu. Il faut revenir à la charge comme la veuve et comme cet homme qui dérange son ami en pleine nuit, ne se laissant pas rebuter par la porte fermée, insistant et recevant autant qu’il a besoin (Luc 11, 5-8).
En consentant à prier sans cesse (2 Thessaloniciens 1,1; 3,13), les croyants s’engagent dans une relation vivante avec le Père et le Fils. Dans la conception de Luc, c’est l’Esprit qui agit dans cette prière que nous formulons, qui nous fait insister à temps et à contretemps, qui nous invite à regarder Jésus, le suppliant désarmé, qui, maintes et maintes fois, s’est adressé à son Père en toute confiance: au désert, dans des endroits solitaires, à l’écart (Lc 5,16; 9,18), lors de son baptême (3,21), à la transfiguration (9,16.28), avant le choix des Apôtres (6,12), à Gethsémani (5,16; 6,12; 9,18; ; 11,4-42; 22,32). En priant sans cesse, sans se décourager, par des cris jour et nuit (v. 7b), le priant surmonte l’épreuve de la foi, s’exerce à demeurer vigilant dans l’attente du Royaume qui vient, dans une confiance totale où il laisse Dieu venir en lui. Le Règne de Dieu est déjà là, mais il se réalisera pleinement –Dieu s’octroie un délai– en se manifestant à tous, lors du retour du Christ à la fin des temps (17,20-21). Dieu fait attendre et il fera justice (vv. 7-8).
La prière d’intercession de Moïse
Au livre de l’Exode 17,8-13, alors que le peuple marche à travers le désert pour atteindre la Terre promise, il est confronté à des adversaires implacables. Face à Amaleq, l’ennemi redoutable, Moïse, les mains levées vers le ciel, soutenues par Aaron et Hour, compte sur l’action de Dieu. Seul Dieu peut venir au secours de son peuple et le sauver. Hier, comme aujourd’hui, c’est par la foi, c’est par la force de l’esprit que l’univers est transfiguré.
Quant aux psalmistes, ils multiplient les appels au secours en exprimant sans cesse leur attente confiante au Créateur, leur gardien, leur protecteur:
Je lève les yeux vers les montagnes: d’où le secours me viendra-t-il?
Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre...
Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage, se tient près de toi....
Il te gardera de tout mal, il gardera ta vie (Psaume 120).
La Parole vécue et annoncée
2 Timothée (3, 14 – 4,2)
Cette lettre fut composée à Rome, lors de la deuxième captivité de l’Apôtre des Gentils, vers l’an 60 de notre ère (2 Tm 1,5). Il l’envoie à son fils spirituel, lui demandant de s’imprégner de la Parole, de l’annoncer avec patience et douceur, en respectant le cheminement de chacun; de proclamer les textes sacrés qu’il connaît depuis son jeune âge, ces textes inspirés qui ont le pouvoir de communiquer la sagesse, celle qui conduit au salut par la foi que nous avons en Jésus Christ (3,15).
Cette Parole inspirée par Dieu (3,16) est à recevoir dans la tradition vivante de l’Église où les passages de l’Écriture (3,16) rendent témoignage au Christ Jésus (4,1), permettant de discerner l’action historique de Dieu en Jésus.
Dans ce texte, il est fait mention du Christ. Dans le récit évangélique, Jésus se désigne spécifiquement en employant l’expression le Fils de l’homme (v. 8) qui renvoie à l’attente eschatologique – des fins dernières –, à la venue définitive du Règne de Dieu. Il est le personnage apocalyptique qui annonce l’événement ultime de l’histoire de l’humanité.
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.
Source : Le Feuillet biblique, no 2634. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.