Le baptême du Christ. Le Tintoret, circa 1580. Huile sur toile, 283 x 162 cm. Église San Silvestro, Venise (photo : Pinterest).

Baptême!

Sébastien Doane Sébastien Doane | Baptême du Seigneur (C) – 13 janvier 2019

Le baptême de Jésus : Luc 3, 15-16.21-22
Les lectures : Isaïe 40, 1-11 ; Psaume 103 (104) ; Tite 2, 11-14; 3, 4-7
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Baptême! Le juron préféré de Popa dans La Petite Vie [1] montre bien l’importance de ce sacrement dans l’imaginaire québécois. Pourtant, le nombre de baptêmes est en nette diminution. Plusieurs grand-mères s’inquiètent du fait qu’un de leurs petits enfants ne soit pas baptisé. Elles se rappellent très bien le catéchisme et la manière dont on présentait ce sacrement comme une voie nécessaire au salut. Elles ont raison de croire que le baptême est un sacrement très important. Mais, quel est le sens du baptême? Qu’en dit le récit du baptême de Jésus en Luc?

Le baptême de Jean, un geste de conversion

En Luc 3,10-14, Jean explique le geste prophétique du baptême comme une pratique de conversion. Il affirme que ceux qui ont deux tuniques doivent en partager une avec ceux qui n’en ont pas. Même les personnes qui ont les pires réputations peuvent se convertir. Les collecteurs d’impôt sont interpellés à ne rien voler et les militaires sont invités à ne pas faire de tort aux autres.

Normalement, le maître baptise le disciple et le baptême implique une conversion. Alors, Jean est-il plus important que Jésus? Et, Jésus a-t-il besoin de se convertir? Les paroles de Jean insistent sur le renversement des apparences. Même si Jean est le baptiste, il n’est pas digne de délier les sandales de celui qui vient.

D’ailleurs, il est intéressant de noter que le baptême de Jean n’est pas vraiment raconté en Luc, comme si l’auteur ne voulait pas montrer Jean réaliser ce geste sur Jésus. Après la prédication de Jean, le narrateur raconte que Jean a été enfermé en prison pour ses critiques au sujet d’Hérode Antipas. Puis, on revient en arrière. Dans un flash-back, le récit présente le moment suivant le baptême du peuple et de Jésus pour apporter un élément visuel et un élément sonore important. Le texte semble faire un détour pour ne pas dire directement que Jean baptise Jésus, mais simplement que Jésus a été baptisé. Nous sommes informés du baptême sans que cette scène ne soit racontée puisqu’elle a déjà eu lieu et que Jean est déjà en prison.

L’aspect visuel du baptême

Comme pour Ezéchiel 1,1, le ciel qui s’ouvre est une image pour dire que la communication avec Dieu est possible. Mais qu’est-ce qui est montré par le récit? Pratiquement toutes les représentations artistiques du baptême de Jésus montrent une colombe descendre sur Jésus. Cependant le texte n’est pas aussi clair. Il faut lire attentivement celui-ci. Quel est le rôle de la colombe dans ce récit? En fait, elle est seulement mentionnée dans une comparaison. Il y a un mot très important, qui change tout : « comme » (ôs en grec). Ce qui est descendu est l’Esprit saint sous une apparence corporelle (somatikô), comme une colombe. Luc aurait pu dire qu’il y a une colombe qui est descendue du ciel, mais il choisit une formulation qui respecte le mystère de ce moment. La descente de l’Esprit saint ressemble à celle d’une colombe. Attention de ne pas « chosifier » l’Esprit saint, le souffle de Dieu! Cet Esprit saint est un thème très important dans l’œuvre de Luc, du début de l’Évangile à la fin des Actes des apôtres. Si la venue de l’Esprit lors du baptême marque le début du ministère de Jésus, le début de l’Église est aussi marqué par ce même Esprit répandu sur les disciples, cette fois sous la forme de langues de feu.

Quel est l’effet de cette comparaison avec une colombe? Pour les personnes qui connaissent l’Ancien Testament, la mention de la colombe, renvoie vers le récit du déluge (Gn 8,11). C’est une colombe qui annonce le début du retrait des eaux après l’innondation. Dans les deux cas, la colombe anticipe une nouvelle alliance entre Dieu et l’humanité.

L’aspect sonore du baptême

Qui émet la voix entendue? Rien n’est précisé, mais la provenance du ciel ne laisse pas de place au doute, cette voix représente le point de vue de Dieu qui dit : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Ces paroles se rapprochent de celles du Psaume 2,7 et d’Isaïe 42,1. L’objectif semble de décrire le lien entre Dieu et Jésus comme celle d’un père qui regarde son fils avec amour et joie. Si on regarde le contexte du Psaume 2, on voit qu’il s’agit d’un poème récité pour le couronnement du roi, présenté comme le fils de Dieu. Si ce rapprochement convient à Jésus, la suite du Psaume 2 évoque la violence du roi contre les nations, ce qui semble moins bien aller avec Jésus. Le contexte plus large du livre d’Isaïe évoque un serviteur de Dieu, son élu, celui qui a sa faveur et lui donne joie. Ce personnage est présenté comme celui qui permettra le rétablissement du peuple après la destruction des Babyloniens. Il jugera les nations pour leurs actions contre le peuple de Dieu. Dans les deux cas, le rapprochement montre Jésus comme l’élu de Dieu. Par ailleurs, il faut noter les différences entre ces textes. L’attente décrite dans le Psaume et en Isaïe porte un élément de jugement envers les autres nations qui ne colle pas tout à fait au récit des évangiles.

Notre baptême

Le baptême de Jésus est un moment clé pour signifier que l’Esprit de Dieu est avec Jésus pour la mission qu’il commence. Le baptême des chrétiens porte plusieurs pistes de signification. Comme pour l’Évangile selon Luc, la Lettre à Tite (3,4-7) exprime l’importance de l’Esprit saint pour ceux et celles qui sont baptisés à la suite de Jésus. Ce baptême est même présenté comme un rite qui montre l’espérance de la vie éternelle. Ce n’est donc pas sans raison que les grands-parents québécois s’inquiètent du sort de leurs petits-enfants qui n’ont pas reçu ce baptême.

Pourtant, si le baptême est symbole de l’action de Dieu qui sauve, il n’est pas le seul élément relié au salut. En Matthieu, le critère principal est très différent. La scène du jugement dernier au chapitre 25 indique que ce sont les gestes posés envers les plus petits qui sauvent. Si le baptême est un signe du salut, il n’efface pas les exigences éthiques de donner à boire et à manger, de vêtir ceux qui sont nus et de visiter malades et prisonniers. Ainsi, la réception du baptême n’est pas le seul critère biblique permettant d’être sauvé.

Sébastien Doane est professeur d’exégèse biblique à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval (Québec).

[1] La Petite Vie est une série télévisée de Claude Meunier diffusée par la Société Radio-Canada entre 1993 et 1998. Dans cette comédie de situation, Popa était interprété par Claude Meunier lui-même.

Source : Le Feuillet biblique, no 2602. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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