Jésus appelant ses premiers disciples. Adam Brenner (1800-1891). New Walk Museum and Art Gallery, Leicester Arts and Museums Service
La venue à Jésus des premiers disciples
Béatrice Bérubé | 2e dimanche du Temps ordinaire (année B) - 8 janvier 2018
Le témoignage des premiers disciples : Jean 1, 35-42
Les lectures : 1 Samuel 3, 3b-10.19 ; Psaume 39 (40) ; 1 Corinthiens 9, 1b-15a.17-20
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.
À la suite du témoignage de Jean le Baptiste déclarant qu’il n’est que la voix annonçant la venue du Seigneur (vv. 19-34), l’évangéliste présente l’épisode des premiers disciples qui ont suivi Jésus sur les bords du Jourdain, en Pérée. D’abord, André et un autre innommé (vv. 35-39), puis Pierre (vv. 40-42). Dans cet extrait, Jésus n’appelle pas ses disciples, mais ceux-ci viennent à lui sur le témoignage d’un autre : Jean le Baptiste pour André et le disciple anonyme, ensuite André pour Pierre.
De Jean Baptiste à Jésus (vv. 35-39)
Dans cet extrait, Jean le Baptiste oriente deux de ses disciples vers Jésus en le désignant « l’Agneau de Dieu ». Ce titre provoque la curiosité des deux disciples et les fait quitter leur maître Jean pour suivre Jésus (vv. 35-37). Étant talonné, Jésus demande à ses suiveurs : « Que cherchez-vous? Les disciples lui répondent : « Rabbi, où demeures-tu? » (v. 38). À ces deux individus en recherche, Jésus leur offre de venir voir chez lui : « Venez et vous verrez ». Ils l’accompagnent et demeurent avec Jésus jusqu’à la dixième heure (v. 39).
Le nom des deux disciples
Le nom de l’un des deux disciples est André, car il est donné au v. 40. Quant au second, il a été souvent identifié au « disciple que Jésus aimait », Jean le fils de Zébédée. Mais ce disciple serait plutôt Philippe, le compagnon habituel d’André (6,7-9; 12,21-22) qui va réapparaître à partir du verset 43. Et d’après 1,7, tous vont croire en raison du témoignage du Baptiste (voir Mc 1,4 et par.) : d’abord André et Philippe (1,35-37), puis, grâce à eux, le monde sémitique (1,41-42.45-49) et par la suite, le monde païen (12,21-22).
Les titres accordés à Jésus
La désignation « l’Agneau de Dieu » est une image qui, dans la tradition juive contemporaine des origines chrétiennes, pouvait s’appliquer au futur libérateur d’Israël, donc au Messie. En d’autres termes, le Messie pouvait être dépeint sous les traits d’un agneau victorieux. Selon l’annonce des prophètes (Is 11,4-9), l’une des fonctions du Messie était de mettre fin au péché et d’établir dans le monde un règne de sainteté. Pour les juifs, la sainteté d’Israël était condition de la sanctification du monde. Aux abords de l’ère chrétienne, l’espérance messianique qui était très manifeste, Jean le Baptiste attendait un Juge qui purifierait son aire (Mt 3,12), aire qui était sans doute Israël. L’expression « l’Agneau de Dieu » s’explique parfaitement sur les lèvres de Jean le Baptiste. En reprenant la symbolique de l’Agneau, image connue des milieux baptistes, pour désigner Jésus comme libérateur du peuple et finalement comme vainqueur du Mal (puisque c’est par la croix que Jésus a été vainqueur), l’évangéliste a prolongé dans un sens chrétien la pensée du Baptiste. Dans le contexte de l’évangile, le titre « Agneau de Dieu » attribué à Jésus fait référence à deux images traditionnelles : d’une part, celle du Serviteur souffrant qui assume les péchés du monde et qui, innocent, s’offre comme un agneau (Is 53,7; voir Ac 8,32-35); d’autre part, celle de l’agneau pascal, symbole de la rédemption d’Israël (Ex 12,1-28; voir 19,14.36; 1 Co 5,7; Ap 5,6.12; 7,14). Si notre évangéliste et les autres auteurs du début du christianisme se sont référés à l’agneau de la Pâque, c’est en raison de son grand rôle dans la liturgie juive.
En ce qui concerne le titre « Rabbi », cette désignation est chez les juifs une appellation respectueuse donnée aux individus dont on reconnaît l’autorité, par exemple les docteurs de la Loi. En attribuant ce titre à Jésus, les deux disciples lui signifient qu’ils sont prêts à s’attacher à sa personne et à son enseignement.
Le sens de quelques expressions
Le groupe de mots « ils suivirent Jésus » (v. 37) est une formule qui caractérise le disciple. Et le disciple est celui qui « demeure » avec Jésus (v. 39b). Depuis le verset précédent, le verbe « demeurer » est employé trois fois. C’est pour Jean le terme théologique qui marque l’accomplissement de la foi, l’attachement définitif à Jésus (voir par exemple 6,56; 8,31; 10,40; 15,4). Ils demeurent auprès de lui jusqu’à « la dixième heure » (v. 39c), c’est-à-dire jusqu’à seize heures. « Dix » étant le chiffre parfait dans certains textes du judaïsme et de la littérature hellénistique, la mention de la dixième heure pourrait souligner que le disciple parfait est celui qui demeure avec Jésus dans son intimité (voir 13,23).
Cette séquence des quatre versets (35-39) est très évocatrice parce qu’elle introduit des motifs importants de l’évangile. D’abord, c’est la première adhésion à Jésus dans ce texte. Puis, ce récit stylisé décrit la condition du disciple : si jadis, il fallait chercher Dieu pour le trouver (Dt 4,29; Is 55,6), ici, c’est le Christ que l’on doit « chercher » et « trouver » (vv. 38.41). Enfin, on repère le vocabulaire typique de l’attachement à Jésus : « suivre » (vv. 37.38.40.43), terme que l’on retrouve en 8,12; 10,4.27; 12,26; 13,36; 21,19.22.
Pierre (vv. 40-42)
Le v. 40 annonce que les deux disciples de Jean ont reconnu en Jésus le Messie, ce qui veut dire Christ. Les vv. 41-42 indiquent qu’André conduit son frère Simon à Jésus, et celui-ci donne à Simon un nouveau nom « Céphas », cequi signifie Pierre. Dans cet extrait, l’évangéliste ne rapporte rien de l’accueil de Pierre. Il s’intéresse surtout à la parole de Jésus qui annonce à Pierre qu’un jour il recevra le nom « Céphas ». En donnant ce nouveau nom à Simon, Jésus lui confère une vocation nouvelle (voir pour Abraham Gn 17,5), celle de le placer en position d’autorité, lui, qui sera le porte-parole des Douze (6,67-68) et le pasteur du troupeau (chap. 21).
Dans les vv. 38, 41 et 42, Jean fait référence à des vocables hébreux ou araméens qu’il prend la peine de traduire. L’évangéliste s’adressait sans doute à des lecteurs qui parlaient couramment le grec. Par ce procédé, l’auteur veut probablement souligner que c’est à un moment donné de l’histoire, en Palestine, dans la réalité des hommes, que la parole de Dieu s’est incarnée (1,14).
Être disciple aujourd’hui
Nous avons vu que le disciple, sur la recommandation d’un autre, vient à Jésus, se met à sa suite et cherche où il habite, c’est-à-dire d’où il vient et qui il est. Ayant trouvé qui il était (1,41), il demeure avec lui (1,39). Pour le disciple ou le chrétien d’aujourd’hui, que signifient les expressions « suivre Jésus » et « demeurer avec lui »? Si suivre Jésus et demeurer avec lui n’est plus réalisable physiquement, il est toutefois possible de « demeurer en lui » (15,9) et de le « suivre » en écoutant son message rapporté dans les évangiles et, surtout, en gardant son commandement de l’amour « aimez-vous les uns, les autres » (13,34-35; 15,12; voir Mt 22,39 et par.).
Pour le disciple d’aujourd’hui, observer cet impératif, c’est imiter l’agir de Jésus envers les personnes malades, défavorisées et rejetées par la société de son époque (voir Mt 9,20-22; Lc 11-14; etc.)? En ce XXIe siècle, aimer son prochain, n’est-ce pas tendre la main aux pauvres, aux marginalisés (prisonniers, sans-abri, etc.), aux immigrés (voir Lv 19,33), bref, à tous les hommes, femmes et enfants, soit marqués par le manque de travail, l’injustice, la violence, l’abus et la guerre, soit exploités pour de vils intérêts? Aimer son prochain, n’est-ce pas entendre le cri de détresse de ces individus qui sollicitent notre solidarité? Aimer son prochain, ce n’est pas uniquement éprouver de la compassion, mais de réagir à toutes ces formes d’inégalités sociales. Aimer son prochain, c’est mettre en mouvement sa vie pour secourir ces gens, c’est œuvrer concrètement à les faire sortir de leur condition de difficulté. L’amour du prochain s’exprime en actes et non en paroles. Ainsi, le disciple d’aujourd’hui suit et demeure en Jésus.
Béatrice Bérubé a fait ses études à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est spécialisée en études bibliques. Elle a obtenu son doctorat en 2014 et collabore au Feuillet biblique depuis 2015.
Source : Le Feuillet biblique, no 2559. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Diocèse de Montréal.